Abû Tharr Al-Ghifârî
Un Compagnon modèle
Traduit et édité par
Abbas Ahmad al-Bostani
Publication de la Cité du Savoir
Éditeur
Abbas Ahmad al-Bostani
C.P. 712 Succ. (B)
Montréal, Qc., H3B 3K3
Canada
Copyrights: Tous droits réservés à l'éditeur
ISBN 2-9222-05-1
Table des Matières
PRÉFACE 5
Chapitre 1 : Avant la découverte de l'Islam 11
Chapitre 2 : A la recherche du Prophète (P) 23
Chapitre 3 : De Retour dans sa tribu 29
Chapitre 4 : Lors de l'émigration du Prophète à
Médine 44
Chapitre 5 : Un disciple modèle du Prophète 59
Chapitre 6 : Véridicité, érudition et ascétisme
79
Chapitre 7 : Les Enseignements du Prophète à
Abû Tharr 93
Chapitre 8 : Abû Tharr, rapporteur du Hadith
du Prophète (P) 113
Chapitre 9 : Prise de Position concernant la Succession du Prophète
(P) 121
Chapitre 10 : Le Transfert de la Succession
du Saint Prophète 135
Chapitre 11 : Les Racines du mal et du malaise 149
Chapitre12 :Abû Tharr et `Othmân 171
Chapitre 13 : Abû Tharr et Mu`âwiyeh 177
Chapitre 14 : Un second exil en Syrie 197
Chapitre 15 : De Retour chez `Othmân 205
Chapitre 16 : `Othman, le népotisme et les Tulaqâ'
213
Chapitre 17: Les causes profondes de l'amertume d'Abû Tharr 233
Chapitre 18 : Le brûlage des copies du Coran 239
Chapitre 19 : Abû Tharr, l'incorruptible, condamné à
la déportarion 245
Chapitre 20 : Un sort pathétique 259
Chapitre 21 : Les péripéties du soulèvement des
mécontents contre `Othmân . 281
PRÉFACE
Après treize ans de souffrances et de luttes continuelles, le
Prophète quitta la Mecque pour Médine, ayant estimé
que la phase de la fragilité de l'Islam et de sa pratique secrète
était terminée, et qu'il devait avec le concours de ses fidèles
et courageux Compagnons construire le grand édifice de l'Etat islamique
et poser la fondation de son régime politique conformément
à la Volonté d'Allah.
Dès son arrivée à Médine, le Saint Prophète
y construisit un masjid (mosquée) ainsi qu'une maison adjacente
dont la porte s'ouvrait à l'intérieur de la Mosquée,
pour qu'il y habite. Dans cette nouvelle situation la vie du Prophète
ne subit aucun changement. Il resta le même du début jusqu'à
la fin. Sa conduite, ses manières et son comportement ne changèrent
en rien même après l'instauration du Gouvernement islamique
dans toute l'Arabie.
Régime et un Etat islamiques émergèrent au milieu
des deux super-puissances de l'époque (l'Empire perse et l'Empire
romain). Dans cet Etat islamique il n'y avait pas de gouvernants et de
sujets, ni d'officiers et de subalternes, ni de maîtres et d'esclaves.
Tout le monde était égal devant Allah.
Le Fondateur de ce régime rendit le dernier soupir, et la première
déviation qui secoua la fondation de l'Islam et donna lieu à
la formation de factions politiques au sein de la Communauté musulmane
eut lieu avec la mise à l'écart de l'Imam `Ali du Pouvoir
et du Califat (la succession du Saint prophète).
Abû Tharr était l'un des plus dévoués et
des plus courageux des Compagnons du Saint Prophète. Il était
parmi les cinq premières personnes à embrasser l'Islam, et
son épée était très efficace pour la défense
du Prophète. Il était donc normal qu'il fût également
l'un des premiers à s'alarmer en voyant que l'Imam `Ali qui incarnait
la vertu et la vérité, était exclu des affaires de
l'Etat islamique, alors que beaucoup de ceux qui gardaient encore de la
rancune pour l'Islam s'étaient glissés à l'intérieur
de l'organisation du Califat, et s'étaient appliquées à
la ronger, comme des termites.
Abû Tharr était donc terriblement inquiet pour l'avenir
de l'Islam et les jours noirs qui l'attendaient. Il avait toutefois un
motif de consolation, car il était confiant qu'en aucun cas la caravane
de l'Islam n'arrêterait pas sa marche, et que même si un droit
important avait été violé, le système islamique
n'était pas remis en cause. C'est pourquoi, bien que très
affligé par la privation de l'Imam Ali de son droit légitime
de succéder au Saint Prophète à la tête de l'État
islamique, il garda le silence.
Mais lorsque `Othmân accéda au Califat, la situation changea.
La population musulmane, et notamment les gens les plus démunis
se trouvèrent à la merci des usuriers, des marchands d'esclaves,
des nantis et des aristocrates qui fréquentaient la Cour de `Othmân
et le Palais de Mu`âwiyeh. La classe distinguée et les possédants
commencèrent à ressurgir et à présenter un
grand danger pour la société musulmane, fondée sur
l'égalité et la justice sociale. Les traditions du Prophète
(P) en la matière furent abandonnées. Des sommes faramineuses
furent dépensées pour la construction du Grand Palais du
"Gouvernant islamique" (Mu`âwiyeh) à l'instar des Cours impériales.
Alors que le Calife `Omar avait mené la vie d'un homme ordinaire,
et qu'Abû Bakr n'avait pas hésité à traire les
chèvres d'un Juif pour gagner sa vie, le collier de l'épouse
de `Othmân, le 3e Calife coûtait l'équivalent du tiers
du revenu perçu d'Afrique!
Alors que sous le Califat de `Omar, lorsque le fils d'un officier supérieur,
usant indûment de la position de son père s'était emparé
de force du cheval d'un homme, le Calife avait poursuivi en justice aussi
bien le père que le fils, `Othmân, son successeur, n'a pas
hésité à nommer Marwân Ibn al-Hakam - qui avait
été banni par le Prophète - comme son conseiller et
son "Super-vizir", et à lui offrir le domaine de Khaybar ainsi que
le revenu de l'Afrique.
Excédé par tous ces agissements indignes de l'Islam authentique,
et ne pouvant plus garder le silence, Abû Tharr se souleva contre
ce régime tyrannique et injuste. Ce soulèvement courageux
conduisit tous les territoires islamiques à se révolter contre
les injustices du gouvernement de `Othmân. Ses vagues mugissantes
ont laissé des traces encore perceptibles dans l'histoire de l'humanité.
Abû Tharr était soucieux de rétablir les valeurs
islamiques abandonnées par l'administration de `Othmân au
profit et à cause de la restauration de l'aristocratie anté-islamique.
Abû Tharr considérait l'Islam comme étant le refuge
de tous les déshérités, les dépossédés
et les opprimés, alors que le gouvernement de `Othmân en fit
l'instrument de la montée des aristocrates et des usuriers.
Cette fracture entre Abû Tharr et `Othmân continua et finit
par coûter cher au premier.
La Toute-Puissance et l'Omniscience d'Allah étaient toujours
présentes dans la conscience d'Abû Tharr. Aussi, ne se permit-il
une seule seconde de s'écarter de Son Chemin ni d'oublier ses devoirs
envers Lui. Il passa pour être "l'homme parfait" dans l'école
de l'Islam, et cela suffit pour montrer sa grandeur.
Le combat d'Abû Tharr pour la liberté et surtout pour la
défense des laissés-pour-compte est toujours d'actualité.
La même situation qui le conduisit à réunir autour
de lui, en Syrie et à Médine, les nécessiteux et les
opprimés pour les inviter à défendre leurs droits
fondamentaux et à dénoncer les injustices dont ils étaient
victimes, se répète ça et là de nos jours.
Les Musulmans des quatre coins du monde se rappellent aujourd'hui ses
mots fascinants, ses vues justes et ses discours enflammés. On peut
dire qu'ils sont en train de revoir à travers cette histoire lointaine
comment il avait rassemblé les opprimés et les dépossédés
dans le masjid et attisé leurs sentiments contre les habitants des
Palais verts et l'administration corrompue de `Othmân, en s'écriant:
"Annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent
l'or et l'argent sans rien dépenser dans le chemin d'Allah".
(Sourate al-Tawbah, 9:34)
"O Mu`âwiyeh! Si tu construis ce palais avec ton propre argent,
c'est un gaspillage, et si tu le construis avec l'argent du Trésor
Public, c'est un abus de confiance!
"O `Othmân! Ces pauvres sont devenus plus pauvres à cause
de toi, et ces riches sont devenus plus riches, grâce à toi".
Chapitre 1Avant la découverte de l'Islam
Abû Tharr était un des Compagnons du Prophète de
l'Islam (P) connu pour son amour de la liberté et son bon caractère,
et selon le Saint Prophète, il faisaient partie de ceux que le Ciel
et ses Habitants désiraient ardemment. Il bénéficia
de la Compagnie du Prophète au sens réel du terme.
Abû Tharr disait lui-même: «Mon vrai nom est Jundab
Ibn Junadah, mais après ma conversion à l'Islam, le Saint
Prophète m'a donné le nom de "`Abdullâh", et c'est
le nom que j'aime le plus». Abû Tharr était donc sa
"kuniyah" (surnom) tiré du nom de son fils aîné Tharr.
Les historiens s'accordent pour affirmer qu'Abû Tharr était
le fils d'Ibn Qays Çaghîr Ibn Hazm Ibn Ghifâr et que
sa mère s'appelait Ramlah Bint (fille de) Waqî`ah Ghifâriyah.
Il était arabe de race et appartenait à la tribu Ghifâr.
De là, le mot "Ghifârî" qui suit son surnom.
`Abdullâh al-Subaytî écrit: «Lorsque nous étudions
la biographie d'Abû Tharr, nous constatons qu'il était la
lumière personnifiée et l'incarnation des qualités
d'un grand homme. Il avait la rare distinction d'être doué
d'une intelligence remarquable, d'une faculté de perception exceptionnelle,
d'une sagacité notable et d'un esprit vif». Selon l'Imam Ja`far
al-Çâdiq: «Il était toujours plongé dans
la pensée, et ses prières étaient fondées sur
ses réflexions sur Allah» (Çahîh Muslim).
Dans son livre "Al-Ichtirâkî al-Zâhid" (Le socialiste
ascète), le célèbre écrivain égyptien,
`Abdul Hamîd Jawdat-us-Sahar écrit: «Lors d'une période
de grande famine, les chefs de la tribu de Ghifâr se réunirent
pour concerter et réfléchir au moyen de faire face à
la terrible situation, due à la longue absence de pluie et dans
laquelle les bêtes étaient devenues décharnées
et maigres, et les provisions et les stocks épuisés. Dans
cette réunion, on se demandait: "Pourquoi notre dieu (l'Idole Manât)
s'est-il fâché contre nous, alors que nous avons prié
pour la descente de la pluie, sacrifié des chameaux en offrande
et fait tout notre possible pour gagner sa faveur? La saison de pluie arrive
à son terme. Pourtant il n'y a pas trace d'un nuage dans le ciel.
Il n'y a eu ni tonnerre ni averse ces temps-ci, ni même une goutte
de pluie ou une bruine! Que faut-il penser? Sommes-nous devenus si pervers
pour mériter la colère de dieu? Pourquoi se sent-il si en
colère contre nous, alors que nous avons offert tant de sacrifices
pour lui faire plaisir?"
»Les gens se mirent à réfléchir sur le sujet
et à échanger leurs vues. Ils pensèrent: "L'homme
ne peut rien contre la volonté du ciel. Personne ne peut faire venir
des nuages et de la pluie du ciel. Seul "Manât"en est capable. C'est
pourquoi, nous n'avons d'autre alternative que de sortir, hommes et femmes,
pour le pèlerinage, afin de prier et d'implorer le pardon de "Manât".
Peut-être nous pardonnera-t-il et fera-t-il descendre la pluie pour
que la terre redevienne verte après la période de stérilité,
notre pauvreté se transforme en prospérité, notre
malheur en bonheur et nos difficultés en aisance et confort.
»Aussi toute la tribu commença à préparer
une journée de prière et un voyage auprès de Manât.
Ceux qui dormaient se réveillèrent et accoururent pour installer
les litières sur leurs chameaux. Unays (le frère d'Abû
Tharr) enfourcha lui aussi son chameau pour rejoindre la caravane qui se
dirigeait déjà vers les côtes de la mer, Mushalsal
et Qadîd qui relient la Mecque et Médine et où se dressait
Manât. Unays cherchant autour de lui son frère et ne le trouvant
pas fit s'asseoir son chameau et courut à pied pour voir s'il était
resté à la maison. En y arrivant, il cria: «Jundab!
Jundab!». Lorsqu'il vit son frère allongé tranquillement
sur son lit, il lui dit, étonné:
- N'as-tu pas entendu "l'appel" au voyage?
- Si, mais que dois-je faire lorsque je me sens fatigué et que
de plus je n'ai pas envie d'aller en pèlerinage à Manât,
répondit Abû Tharr.
- Tais-toi! Demande pardon au dieu. Ne craints-tu pas qu'il t'entende
et qu'il envoie sur toi son courroux? le gronda Unays.
- Mais es-tu sûr que Manât puisse nous entendre et nous
voir? lui rétorqua Abû Tharr.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive aujourd'hui? Un génie a-t-il eu raison
de ton esprit? Ou bien es-tu malade? Viens! Repens-toi. Peut-être
dieu acceptera-t-il tes remords, lui dit Unays.
Voyant Abû Tharr rester dans son lit, son frère le hâta:
«Lève-toi. La caravane est partie. La tribu s'éloigne».
Alors que les deux frères discutaient, leur mère arriva.
Ils se turent.
- La mère: Mes fils, quelles sont vos opinions?»
- Unays: A propos de quoi? Mère.
- La mère: A propos de la pluie.
- Unays: Nous sommes d'accord avec ce que tu suggérerais.
- La mère: Je propose que vous alliez voir votre oncle maternel
qui est un homme riche.
- Unays: D'accord. Comme tu voudras. Que dieu améliore notre
condition !
Abû Tharr et Unays accompagnés de leur mère, se
rendirent chez leur oncle. Celui-ci les accueillit avec grande hospitalité.
Ils restèrent chez lui pendant longtemps. Le confort et le plaisir
y remplacèrent les difficultés et la peine dans lesquelles
ils se débattaient jadis. Lorsque les membres de leur tribu apprirent
que leur oncle se montrait très bon envers ses deux neveux et qu'il
les aimait comme ses propres fils, ils furent pris de jalousie et décidèrent
de préparer un plan en vue de le faire se détacher d'eux.
Ils réfléchirent ensemble sur les différents moyens
de parvenir à leurs desseins perfides, et ils finirent par choisir
un homme pour exécuter le plan de leur conspiration.
Cet homme alla voir l'oncle d'Abû Tharr et s'assit à ses
côtés calmement, la tête baissée. L'oncle d'Abû
Tharr lui demanda: «Comment vas-tu?». L'homme affecta un air
triste et dit: «Je suis venu te voir pour une affaire importante.
Si je n'avais pas une grande affection et un grand respect pour toi, je
ne te dirais rien. Mais ma loyauté m'a obligé à venir
pour t'en parler. Je voudrais te réveler ce que tu ignores afin
que tu puisses voir toi-même ce qui se passe, car je vois que les
faveurs que tu fais à certains sont récompensées par
l'ingratitude».
L'oncle d'Abû Tharr sentit que quelque chose allait mal. Il s'inquiéta
et dit: «Parle franchement et dis-moi tout». L'homme dit: «Comment
pourrais-je te dire que lorsque tu sors de la maison, ton neveu Unays,
tient compagnie à ta femme et lui parle secrètement. Je ne
saurais te dire ce qu'il lui dit».
L'oncle d'Unays protesta: «C'est une fausse accusation contre
lui, et je ne crois pas du tout à ton insinuation». L'homme
répondit: «Nous aussi, nous aurions voulu que ce soit une
fausse allégation et une pure calomnie. Mais malheureusement, je
suis obligé d'affirmer, que c'est la vérité».
L'oncle d'Unays lui demanda de lui fournir une preuve à l'appui
de cette accusation. L'homme répondit: «Toute la tribu peut
en témoigner. Tout le monde l'a vu et a le même sentiment.
Si tu le désires, je pourrais te fournir d'innombrables témoignages
de ma tribu».
Ayant entendu ces propos, le pauvre oncle commença à penser
à son honneur et à son prestige. Il se sentit blessé
dans sa dignité. L'homme sortit de chez lui après lui avoir
fait cette révélation abjecte qui laissa sur lui l'effet
d'une morsure de serpent.
L'oncle d'Unays était maintenant convaincu de la véracité
de l'accusation. Il fit beaucoup d'effort pour garder son sang-froid et
son esprit en paix, mais en vain. Il se sentait, jour et nuit, triste,
angoissé et comme siasi d'épouvanteau. Chaque fois que son
neveu se trouvait devant lui, il détournait son visage. Un silence
pesant régnait sur toute la maison.
Lorsqu'Abû Tharr remarqua les traits de tristesse envahissant
le visage de son oncle, il lui demanda: «Cher oncle! Qu'est-ce qui
t'est arrivé? J'ai remarqué que tu as changé depuis
quelques jours. Tu nous parles très peu, contrairement à
l'habitude, et tu as l'air très pensif et dépressif».
L'oncle répondit: «Il n'y a rien d'anormal». Abû
Tharr insista: «Non, il y a certainement quelque chose. Dis-moi s'il
te plaît ce qui ne va pas. Peut-être pourrais-je te débarrasser
de tes ennuis ou partager une partie de tes angoisses».
L'oncle dit: «Je ne peux pas décrire ce que les hommes
de ma tribu m'ont appris».
Abû Tharr revint à la charge: «S'il te plaît,
dis-moi ce qu'ils t'ont rapporté».
Son oncle finit par céder: «Ils disent que Unays rencontre
ma femme quand je sors de la maison».
Ayant entendu ces calomnies, Abû Tharr sentit le sang lui monter
au visage et devint rouge de colère: «Tu viens de gâcher
toutes les faveurs que tu nous as faites. Nous partirons tout de suite
et nous ne te reverrons plus jamais».
Ils quittèrent ainsi leur oncle et s'établirent à
"Batn Marwa", près de la Mecque. C'est là qu' Abû Tharr
découvrit l'apparition du Prophète dans la ville de la Mecque.
Il s'intéressa vivement à cet événement et
voulut absolument en savoir plus. Un jour, il demanda à son frère
Unays d'aller à la Mecque et de trouver des renseignements sur le
Prophète.
Unays était sur le point de partir pour la Mecque lorsqu'on vit
venir un homme qui se dirigea directement vers la maison d'Abû Tharr.
«D'où viens-tu?» lui demanda Abû Tharr. «Je
viens de la Mecque», répondit l'homme. «Quelle est la
situation là-bas?», demanda encore Abû Tharr. «On
y parle d'un homme qui se dit être prophète et recevoir des
révélations du ciel» dit l'homme. Abû Tharr poursuivit:
«Qu'ont fait les Mequois de lui?». «Ils l'ont démenti,
torturé et ils ont mis les gens en garde de le rencontrer. Ils menacent
et terrorisent quiconque le voit», répondit l'homme. «Pourquoi
les gens ne le croient-ils pas?» interrogea Abû Tharr. «Comment
le croiraient-ils alors qu'il vilipende leurs dieux, les traitent de stupides
et qualifie leurs ancêtres de pervers!», répondit l'homme.
«Il dit cela vraiment?» demanda Abû Tharr intéressé.
«Ah oui. Et il dit que Dieu est Un...», confirma-t-il.
Abû Tharr se mit à réfléchir à propos
de l'homme qui avait dit que Dieu est UN. Il continua à penser pendant
un certain temps. Le visiteur le regarda et le trouvant pensif, il prit
congé et partit.
Après son départ, Abû Tharr s'adressant à
son frère, lui dit: «Va à la Mecque et essaie de trouver
cet homme. Il affirme qu'il reçoit des révélations
du Ciel. Quel est le mode de sa conversation? Vois s'il est sincère
ou non dans ses paroles».
Unays entreprit le voyage. Après avoir traversé différentes
stations, il arriva à la Mecque et se dirigea vers la Ka`bah pour
accomplir les rites de pèlerinage. Lorsqu'il sortit de la Ka`bah,
il vit un attroupement. Il demanda à un homme qu'il croisa: «Qu'est-ce
qu'il y a là?». L'homme répondit: «Un apostat
qui appelle les gens à une nouvelle foi».
Dès que Unays entendit ceci, il accourut vers le lieu de rassemblement.
Une fois sur place, il vit un homme dire: «Louanges à Allah!
Je fais Ses louanges et Lui demande secours. Je crois en Lui, je dépends
de Lui et j'atteste qu'il n'y a de Dieu, en dehors de Lui, IL est sans
partenaire».
Selon le récit d'al-Subaytî, Unays entendit cet homme proclamer:
«O gens! Je vous ai apporté les bénédictions
de ce monde et de l'autre monde. Dites qu'il n'y a pas de dieu, sauf Allah
pour que vous soyez délivrés. Je suis le Messager d'Allah
et je suis envoyé pour vous. Je vous mets en garde contre la punition
du Jour du Jugement. Rappelez-vous que personne ne sera sauvé, en
dehors de ceux qui se présentent devant Allah avec un coeur humble.
Ni les riches ne vous seront d'aucun secours, ni vos enfants ne pourront
rien pour vous. Craignez Allah, IL sera bon envers vous. O gens! Ecoutez-moi!
Je dis clairement que vos ancêtres avaient dévié du
droit chemin en adorant ces idoles et vous aussi vous êtes en train
de suivre leurs traces. Rappelez-vous que ces idoles ne peuvent ni vous
nuire ni vous être utiles. Elles ne peuvent ni vous arrêter
ni vous guider».
Unays fut étonné par le discours éloquent du Prophète
(Ç), mais il fut aussi surpris d'entendre les gens autour de lui
tenir différents propos contre le Messager d'Allah.
Celui-ci ayant entendu ces attaques, dit: «Les prophètes
ne mentent pas. Je jure par Allah en dehors Duquel il n'y a pas de dieu,
que j'ai été envoyé pour vous comme messager. Par
Allah vous mourrez comme si vous dormiez et vous serez ressuscités
comme si vous vous réveilliez. Vous serez rappelés par Allah
pour rendre des comptes sur vos actes. Après quoi, vous entrerez
éternellement, selon le verdict, en Enfer ou au Paradis».
En entendant ces paroles, les gens demandèrent au Prophète
(Ç) comment ils seraient ressuscités après s'être
transformés en sable!
Là, Allah révéla les Versets suivants: «Mohammad!
Réponds: «Soyez pierre ou fer ou toute chose créée
que vous puissiez concevoir...» «Ils diront: «Qui donc
nous fera revenir?». Ils secoueront la tête vers toi et ils
diront: «Quand cela se produira-t-il?». Réponds: «Il
se peut que ce soit bientôt». (Sourate al-Isrâ', 17:
50 - 51)
Dès que le Saint Prophète finit son discours, les gens
se levèrent. Et alors qu'ils se dispersaient, l'un d'eux dit: «C'est
un devin». Un autre: «Non, c'est un poète». Un
troisième: «C'est un magicien».
Unays qui avait écouté les prêches du Prophète
(Ç) et les commentaires des gens, baissa la tête pendant un
moment et murmura: «Par Allah! Sa parole est agréable. Ce
qu'il a dit est vrai et les gens qui l'ont dénigré sont certainement
stupides».
Puis, il enfourcha son chameau et repartit. Il continua à penser
à Mohammad (Ç), le Prophète d'Allah, tout au long
du voyage, et à se rappeler son discours jusqu'à ce qu'il
rejoignît
Abû Tharr.
Dès que ce dernier le vit, il lui demanda avec enthousiasme et
impatience: «Qu'as-tu vu à la Mecque?»
- Unays: «J'ai vu l'homme qui dit: "Dieu est Un". Je l'ai entendu
ordonner aux gens de faire le bien et de s'abstenir du mal».
- Abû Tharr: «Que disent les gens à son propos?»
- Unays: «Ils disent qu'il est poète, magicien, et devin.
Mais lorsque j'ai examiné sa parole du point de vue poétique,
j'ai constaté qu'il n'est pas un poète. Il n'est ni magicien
- car j'avais vu des magiciens - ni un devin - car j'avais rencontré
des devins, lesquels n'ont rien de commun avec lui.»
- Abû Tharr: "Que fait-il et que dit-il?"
- Unays: "Il dit des choses merveilleuses."
- Abû Tharr: "Te rappelles-tu ce qu'il disait?"
Unays: "Par Allah! Son discours était très agréable,
mais je ne me rappelle pas plus que je t'en ai dit. Cependant, je l'ai
vu accomplir certaines prières à la Ka`bah et j'ai vu aussi
un beau garçon, pré-adolescent, accomplir la prière
à côté de lui. Les gens disent que c'est son cousin
`Ali. J'ai vu également une femme prier derrière lui, et
on dit qu'elle est sa femme Khadijah».
Chapitre 2
A la recherche du Prophète (P)
Après avoir écouté son frère, Abû
Tharr dit: «Je ne suis pas satisfait de ton rapport. Je dois y aller
moi-même pour le voir et l'écouter».
Abû Tharr effectua le voyage, arriva à la Mecque, entra
dans l'enceinte de la Ka`bah et se mit à la recherche du Saint Prophète.
Mais il n'y en trouva pas de trace et il n'en entendit pas parler non plus.
Il resta là, cependant, jusqu'au coucher du soleil. Finalement,
`Ali passa devant lui, et le voyant assis là, lui demanda: «Tu
as l'air d'un voyageur. N'est-ce pas?»
- Abû Tharr: "Si!"
- `Ali: Viens avec moi.
`Ali l'amena chez lui. Ils marchèrent tous les deux sans échanger
de paroles. Abû Tharr ne lui avait rien demandé avant d'arriver
à la maison. Là, `Ali prépara la chambre d'Abû
Tharr et celui-ci alla se coucher. Le lendemain matin, Abû Tharr
repartit à la Ka`bah à la recherche du Prophète (Ç).
Il ne demanda à personne où pourrait se trouver le Prophète
et personne ne lui en parla. Il attendit là avec anxiété
jusqu'à la fin de la journée. `Ali arriva à la Ka`bah
comme d'habitude et passa devant lui. Dès qu'il vit Abû Tharr,
il lui demanda: «N'as-tu pas pu rentrer chez toi jusqu'à maintenant?»
- Abû Tharr: "Non!"
- "`Ali: Bon! Viens alors avec moi."
Alors qu'ils se dirigeaient à la maison sans se parler, Ali lui
demanda:
-«Pourquoi es-tu venu ici?»
-Abû Tharr: "Je peux t'en dire la raison, si tu me promets de
la garder pour toi."
- Ali: "Parle franchement sur tout ce que tu voudras. Je n'en dirai
rien à personne."
- Abû Tharr: "Je viens d'apprendre l'apparition d'un homme qui
se dit être prophète. J'avais envoyé mon frère
pour parler avec lui, mais il est revenu sans pouvoir me fournir des informations
satisfaisantes sur lui. A présent, je suis déterminé
à le voir moi-même."
- Ali: "Cela tombe bien. Je vais justement le voir. Suis-moi. Entre
là où j'entre. Si je pressens le moindre danger, je poserai
mon soulier droit en restant debout près du mur. Quand je ferais
ce geste, tu devras revenir sur tes pas."
Abû Tharr raconte: «Ali m'a emmené dans une maison
où j'ai vu une lumière personnifiée. Dès que
j'ai aperçu cet homme entouré d'un halo de lumière,
j'ai été attiré vers lui et j'ai senti le désir
de me jeter à ses pieds. Je l'ai salué en lui disant: «As-Salâm
`Alaykum"[il était le premier homme saluant le Prophète de
l'Islam d'une manière islamique avant d'avoir embrassé l'Islam].
Répondant à sa salutation, le Prophète lui dit:
«Wa `Alaykum as-Salâm wa Rahmat-ullâhi wa Barakâtoh».
Et de demander tout de suite: «Oui, que désires-tu?»
Abû Tharr répondit: «Je viens vers toi dans l'intention
d'embrasser la foi». Le Prophète lui fournit quelques informations
nécessaires et lui demanda de réciter la Formule de la conversion:
«Lâ ilâha il-lal-lâh, Muhammadun Rasûl-ul-lâh».
Abû Tharr s'exécuta volontiers et entra ainsi au sein de
l'Islam.
Puis, il prit congé du Saint Prophète et se dirigea vers
la Ka`bah. En y arrivant, il vit un grand rassemblement d'infidèles
Quraychites; il s'écria à leur adresse à haute voix:
«O vous les Quraych! J'atteste qu'Allah est Un et que Mohammad est
Son Prophète».
Cette voix effraya les Quraych, car elle sonna comme une insulte adressée
à leurs dieux et ternit l'image de leurs "Lât" et "`Uzzâ".
Ils furent profondément perturbés en ayant le sentiment que
la dignité de leurs idoles étaient bafouée. Aussi,
encerclèrent-ils Abû Tharr et se mirent-ils à le frapper
si fort qu'il s'évanouit. Il serait bientôt mort sans l'arrivée
soudaine de `Abbâs Ibn `Abdul al-Muttalib. Lorsque celui-ci vit qu'un
dévoué de Mohammad était sur le point de mourir et
ne pouvant pas le délivrer lui-même, il s'écria: «o
gens! Que vous arrive-t-il? Vous êtes en train de tuer un grand homme
de la tribu de Banî Ghifâr. Avez-vous oublié que vous
entretenez des rapports commerciaux avec les gens de cette tribu et que
vous leur rendez visite souvent. N'avez-vous pas peur de sa tribu?»
En écoutant ces paroles les gens cessèrent de lyncher
Abû Tharr et se dispersèrent. Après leur départ,
Abû Tharr qui baignait dans son sang quitta le lieu, et traînant
ses pas, se dirigea vers le puits de Zamzam.
Il avait très soif en raison de ses blessures profondes et la
perte du sang. Aussi se mit-il à étancher sa soif d'abord,
et de se nettoyer par la suite. Puis, il alla voir le Saint Prophète
en gémissant. Lorsque le Prophète (Ç) le vit dans
cet état lamentable, il fut affligé et lui demanda; «As-tu
mangé ou bu quelque chose?»
- Abû Tharr: Maître! Je me suis senti un peu soulagé
après avoir bu l'eau de Zamzam.
- Le Prophète: Il ne fait pas de doute que cette eau soulage.
Par la suite le Prophète essaya de consoler Abû Tharr et
de lui offrir à manger.
Bien qu'Abû Tharr eût beaucoup souffert à cause de
sa parole lancée aux visages des Quraych, sa ferveur religieuse
ne lui permit pas de baisser les bras et de retourner dans son pays. Sa
foi solide l'appelait à convaincre les Quraych que l'intelligence
et l'entendement humains dédaignent la superstition et l'idolâtrie.
Il prit congé du Saint Prophète et se rendit à
nouveau à l'enceinte de la Ka`bah. Là, il se mit sur un lieu
élevé et se mit à prêcher: «O les Quraych!
Ecoutez-moi. J'atteste qu'il n'y a de dieu qu'Allah et que Mohammad est
le Messager d'Allah».
Mais en l'entendant, ces pervers qui avaient été déjà
très choqués par le précédent discours d'Abû
Tharr, sentirent s'ébranler la fondation de leurs dieux. Aussi se
rassemblèrent-ils autour de lui en criant à tue-tête:
«Tuez ce Ghifâri sans tarder, puisqu'il se permet d'insulter
nos dieux».
Toute l'assemblée cria d'une seule voix: «Tuons Abû
Tharr». Les gens se mirent à le battre si fort qu'il perdit
connaissance.
`Abbâs Ibn Abdul al-Muttalib s'avança en voyant la scène,
se jeta sur lui pour le protéger, comme la dernière fois,
et dit: «O Quraych! Que vous arrive-t-il pour vouloir tuer un Ghifâri,
alors que vous entretenez de bonnes relations avec sa tribu et que votre
commerce se trouve florissant grâce à l'aide de sa tribu?
Ecartez-vous! Que personne ne le touche plus».
Là encore, tout le monde fut sensible à l'argument d'al-`Abbas,
et lâcha Abû Tharr, le laissant dans le coma. Lorsque ce dernier
reprit connaissance, il se rendit au puits de Zamzam, pour boire de l'eau
et pour nettoyer son corps taché de sang.
Selon `Abdullâh al-Subaytî, bien qu'Abû Tharr ait
souffert encore de ses blessures, il continua ses prêches, conduisant
les Quraych à penser que l'Islam se répandait autour d'eux,
ce qui les inquiéta sérieusement.
En bref, Abû Tharr quitta le puits de Zamzam et se rendit chez
le Saint Prophète. Lorsque celui-ci le vit dans cet état
pitoyable, il lui dit: «O Abû Tharr! Où étais-tu
et pourquoi es-tu dans cet état?». Abû Tharr répondit:
«Je suis allé à la Ka`bah de nouveau. J'y ai fait un
prêche et pris un bain de sang. Maintenant je viens auprès
de toi, après m'être lavé avec l'eau de Zamzam».
Le Saint Prophète lui dit: «Abû Tharr! A présent,
je t'ordonne de retourner dans ta ville tout de suite. Ecoute! Lorsque
tu arriveras chez toi, ton oncle sera déjà mort. Et puisqu'il
n'a d'autre héritier que toi, tu seras son unique successeur et
le propriétaire de sa fortune. Dépense celle-ci pour la propagation
de l'Islam. Bientôt j'émigrerai de la Mecque pour la ville
des dattiers. Tu dois continuer ta tâche chez toi jusqu'à
ce que j'eusse émigré». Abû Tharr dit: «Oui,
mon maître. C'est très bien. Je vais partir rapidement pour
m'occuper de la propagation de l'Islam».(1)
Chapitre 3
De Retour dans sa tribu
Après avoir embrassé l'Islam, Abû Tharr quitta la
Mecque pour son pays. Selon `Abdullâh al-Subaytî, lorsque,
Abû Tharr prit congé du Prophète, il était débordant
de foi et l'Islam l'avait imprégné complètement. Il
commença dans sa ville, sa tâche avec grande joie. Il était
très content qu'Allah l'eût guidé vers une foi acceptée
par les esclaves, une foi qui satisfait la conscience et que la raison
accueille de bon coeur.
Lorsqu'il arriva dans sa ville, le premier homme qu'il salua fut son
frère Unays, lequel fut aussi le premier à être éclairé
par la lumière de sa foi. Unays s'avança vers son frère
pour se jeter à ses pieds en disant: «O frère! Tu as
passé plusieurs jours à la Mecque. Dis-moi ce que tu y as
fait».
Abû Tharr répondit: «Unays! Je suis arrivé
à la conclusion que tire toute raison saine. Après mûres
réflexion, j'ai compris que je dois accepter la foi de Mohammad.
O Unays! Je ne peux te décrire ce que j'ai senti lorsque j'ai rencontré
Mohammad et regardé son visage! J'ai eu la sensation que ma poitrine
se dilatait. Mon coeur était débordé de joie. J'ai
tout de suite récité la formule de la Foi, ai reconnu sa
mission prophétique et demandé à apprendre les enseignements
islamiques. Ainsi, le Saint prophète m'a expliqué les principes
de l'Islam. O Unays! Je te demande honnêtement et en toute sincérité
de t'incliner, humblement devant Allah et de cesser l'adoration de ces
dieux en pierres, fabriqués par les mains de l'homme».
Lorsque Unays entendit tout cela, il s'assit, la tête baissée,
et se mit à réfléchir. Il se plongea dans un tel état
de méditation qu'il se sentait comme intoxiqué. Il se rappela
tout ce qu'il avait entendu et vu lui-même à la Mecque. Après
un certain temps il revint à lui et dit à son frère:
«O frère! Mon esprit confirme ta véracité et
ma raison me dit de ne pas te désobéir. Écoute-moi
donc! J'atteste qu'il n'y a de dieu qu'Allah et que Mohammad est le Messager
d'Allah».
Abû Tharr fut très heureux de la conversion de son frère
Unays. Aussi, lui dit-il: «Maintenant, allons voir notre mère».
Et ils se rendirent tous les deux chez leur mère. Saluant sa
mère, Abû Tharr dit: «Chère mère! Je te
demande pardon! J'étais loin de toi pendant longtemps. Mais je t'ai
apporté un trésor que personne ne possède ici».
Sa mère lui demanda: «Quel est ce trésor qui t'a
éloigné de moi?». Abû Tharr répondit:
«C'est le trésor de la foi, mère! J'ai rencontré
à la Mecque une personne dont le visage rayonne de noblesse. Il
est inégalable en bonnes moeurs et en magnanimité. Il dit
ce qui est vrai et ce qui est juste. Il ne fait que ce qui est juste. Il
y a une sagesse dans ses mots. Mère! Même ses ennemis l'appellent
le "Véridique", le "digne de confiance". Il appelle les gens à
Allah, le Créateur des cieux et de la terre, et l'Organisateur de
l'existence de cet Univers. J'ai eu foi en lui après avoir été
influencé par sa conduite, ses affirmations et ses paroles. Unays
aussi est devenu Musulman. Nous avons reconnu l'Unicité d'Allah
et la Prophétie de Mohammad».
La mère d'Abû Tharr lui dit: «Mon fils! Si c'est
ainsi, j'atteste, moi aussi, qu'il n'y a de dieu qu'Allah et que Mohammad
est le Messager d'Allah».
Abû Tharr était ravi de voir son frère et sa mère
embrasser sa foi, et il se mit à réfléchir au moyen
de persuader les gens de sa tribu de se mettre sur le Droit Chemin.
Après une longue discussion, Abû Tharr partit avec son
frère et sa mère, pour camper tout près des tentes
de leur tribu. La nuit tomba. Alors qu'ils étaient allongés
sous leurs tentes pour se remettre de leur fatigue due au voyage, ils entendirent
quelques hommes de leur tribu qui se trouvaient là se raconter des
histoires et relater différents événements. Ils étaient
occupés à d'interminables conversations.
Lorsqu'Abû Tharr tendit l'oreille pour savoir de quoi ils parlaient,
il comprit qu'il était le sujet de leur discussion. Par la suite,
ces hommes se levèrent et se dirigèrent vers sa tente. Abû
Tharr dit à son frère Unays: «Les hommes de la tribu
s'approchent de notre tente. Sors pour les voir».
Unays sortit tout de suite. Il vit quelques jeunes hommes de sa tribu
rassemblés là. Ils se dirigèrent vers lui. Ils le
saluèrent. Après avoir répondu à leur salutation,
Unays leur demanda le motif de leur visite. Ils répondirent: «Nous
sommes venus simplement pour vous voir tous les deux».
Unays rentra dans la tente et dit à Abû Tharr: «Les
jeunes de la tribu sont venus pour en savoir plus sur notre voyage».
Abû Tharr dit: «Fais-les entrer. Je vais leur parler. Peut-être
réussirais-je à en faire des adorateurs d'Allah, l'Unique
Unays ressortit et dit aux jeunes: «Entrez! Mon frère Abû
Tharr vous attend».
Ils entrèrent tous. L'un d'eux dit: «O Abû Tharr!
Nous ne t'avons pas vu depuis longtemps, ce qui nous a beaucoup attristés».
Abû Tharr dit: «Chers jeunes gens! J'ai beaucoup d'affection
et de sympathie pour vous dans mon coeur».
- Un jeune homme: Abû Tharr! Où étais-tu depuis
si longtemps? Nous ne pouvions pas te joindre depuis quelque temps.
- Abû Tharr: J'étais allé à la Mecque. J'en
suis revenu depuis quelques jours.
- Un autre homme: Nous sommes contents que tu sois allé à
la Mecque.
- Abû Tharr: Je suis allé à la Mecque, mais je n'y
ai évidemment pas offert de sacrifice à Hubâl ni ne
me suis prosterné devant "Lât" et "`Uzzâ". Chers jeunes
gens! Pourquoi aurais-je fait de telles cérémonies devant
ces idoles qui n'ont pas de vie et qui ne peuvent faire ni de bien ni de
mal à personne? Elles ne peuvent ni voir ni entendre, ni parer à
une calamité qui s'abattrait sur elles. Ecoutez-moi bien! Je recours
à Allah dans toutes mes actions et affaires. IL est certainement
Unique et sans égal ni partenaire. J'atteste qu'Allah est le Seul
à être digne d'adoration. IL est le Créateur de toutes
choses et le Nourricier de toutes les créatures. Je vous demande
donc de vous joindre à nous dans notre plan d'action et de reconnaître
l'Unicité d'Allah comme nous».
En entendant ce discours inouï, tout le monde se mit à trembler.
L'un des visiteurs dit avec étonnement: «O Abû Tharr!
Que dis-tu là?!».
Abû Tharr reprit: Ecoutez bien ce que je vais vous dire. Bien
que je ne puisse voir Allah avec mes yeux, je Le vois partout avec mon
oeil intérieur. On peut Le voir à travers toutes les choses
dans le monde. Réfléchissez bien! Comment un objet peut-il
être digne de faire l'objet de l'adoration de l'homme, alors qu'il
est fait avec les mains de l'homme? Il n'est pas raisonnable d'adorer des
idoles faites de pierre et de bois, et de les implorer de satisfaire nos
besoins! Chers frères! Vous n'êtes pas sans savoir que ces
idoles n'ont aucun pouvoir. Elles ne peuvent ni éloigner un malheur
ni apporter le bien».
Une fois ces exhortations d'Abû Tharr terminées, les jeunes
gens échangèrent des propos à voix basse. L'un d'eux
dit: «J'ai déjà appris qu'un homme était apparu
à la Mecque; il se dit être prophète et appelle les
gens à adorer Allah l'Unique. Abû Tharr l'a rencontré
et était si touché par ses prêches, que toute idée
qu'il présente, provient de cet homme-là». Un autre
jeune dit: «La situation est très grave. Nous nous exposons
au danger à cause de la personnalité et des prêches
d'Abû Tharr. Nous sentons que s'il continue à prêcher
de la sorte, des différends surgiront à l'intérieur
de notre tribu et des vies humaines seront menacées. Il vaut mieux
donc aller chez Khafâf, le chef de notre tribu pour lui parler des
dangers que nous courons, et lui demander avec insistance de prêter
toute l'attention nécessaire afin de les prévenir».
Les jeunes gens de la tribu de Ghifâr prirent congé d'Abû
Tharr et partirent pour se rendre chez Khafâf. Chemin faisant, ils
échangèrent leurs vues. L'un d'eux dit; «Abû
Tharr a provoqué un grand trouble».
Un autre renchérit: «Ce sera honteux pour nous d'ignorer
ce grand péché d'Abû Tharr. Il a ouvertement outragé
notre religion et ridiculisé nos dieux».
Un troisième ajouta: «Il faut le chasser de notre tribu
dans les plus brefs délais, car si nous tardions à l'excommunier,
il pourra profiter de ce répit pour laver le cerveau de nos jeunes
hommes, nos femmes, et nos esclaves, et leur inculquer ses idées
subversives, auquel cas ce serait trop tard pour réagir».
Un quatrième jeune dit: «Ton point de vue est juste. Mais
qui va attacher le grelot? Abû Tharr n'est pas un homme quelconque.
C'est un grand de la tribu et l'aîné de la famille. Par ailleurs,
Unays aussi a les mêmes idées que lui, et lui aussi est un
homme de grande renommée».
Un cinquième jeune intervint sur un ton rassurant: «Il
n'y a pas de quoi s'alarmer. Venez! On va soumettre l'affaire à
Khafaf. Nous sommes sûrs que lui et les autres dignitaires de la
tribu vont l'expulser eux-mêmes de la tribu».
Un sixième objecta: «Je suis en train de réfléchir
sur les idées d'Abû Tharr et de son frère. Je ne suis
pas sûr que l'on puisse les faire changer d'avis. Il est possible
qu'ils reviennent d'eux-mêmes sur le droit chemin. Nous ne devons
pas être perturbés, mais nous devons quand même réfléchir
sur leur religion. Ecoutez! J'ai senti qu'il y a du vrai dans leur foi.
En tout cas, nous sommes sur le point d'arriver chez Khafaf. Nous parviendrions
bien à une conclusion finale après avoir discuté avec
lui».
Bref, alors qu'ils continuèrent à discuter, ces gens arrivèrent
chez le chef des Ghifâr et lui dirent: «Nous venons de chez
Abû Tharr pour te voir».
Khafaf: Abû Tharr est-il revenu de son voyage à la Mecque?
Un homme répondit: Monsieur! Abû Tharr est retourné
pervers. Il ridiculise nos dieux. Il dit qu'un homme a été
assigné comme prophète, dont le devoir est d'appeler les
gens à l'adoration du Dieu l'Unique et de leur dispenser des enseignements
religieux. Abû Tharr ne se contente pas de reconnaître son
prophète et de garder cela pour lui, mais il prêche constamment
chez les masses et les invite à rejoindre ce prophète et
son Dieu».
Lorsque Khafaf entendit ce rapport, il dit: «Il est dommage qu'Abû
Tharr abandonne tous les dieux pour propager l'adoration d'un Dieu Unique.
C'est très mal et répugnant. Je prévois que cela provoquerait
de sérieuses agitations dans notre tribu, causant sa destruction.
O jeunes hommes! Pas de précipitation! Laissez-moi un peu de temps
pour que je puisse réfléchir mûrement sur le cas d'Abû
Tharr».
Après le départ de ces jeunes gens, Khafaf, le chef de
la tribu, se mit à réfléchir et à chercher
la raison pour laquelle tous ces jeunes étaient contre Abû
Tharr. Il pensa à ce sujet toute la nuit dans son lit. Il était
très déconcerté et ne put pas se former une opinion
définitive sur la question. Mais dans son esprit, il avait une impression
profonde de partager les opinions d'Abû Tharr. Il passa ainsi une
nuit blanche, se contentant de fermer et d'ouvrir les yeux. Il se rappela
en même temps un discours du philosophe arabe, Qays Ibn Sâ`idah,
sur la place du marché. Ce philosophe avait dit que le Créateur
de l'Univers est indubitablement Un et qu'IL est le Seul à mériter
l'adoration. Il avait corroboré entièrement les points de
vue d'Abû Tharr dans son remarquable discours, et avait par ailleurs
mentionné que les idées de Warqa' Ibn Nawfal, Zayd Ibn `Amr,
`Othmân Ibn Huwâreth et `Abdullâh Ibn Hajach avaient
changé et que chacun de ceux-ci avait un penchant pour la foi d'Abû
Tharr.
Alors qu'il était plongé dans cette situation embarrassante,
un éclair illumina son esprit et il se dit: «En fait, Abû
Tharr a raison parce que Qays Ibn Sâ`idah l'a soutenu et je suis
sûr que ce dernier ne saurait se tromper ni accepter une fausse croyance.
Il faut qu'il y ait indubitablement un réformateur pour ce monde,
et qu'il existe un Etre Qui fait tourner le système de l'univers.
Il est évident que nos dieux de pierre et de bois sont à
mille lieues d'avoir de telles qualifications. O Dieu d'Abû Tharr!
Guide-nous, délivre-nous de cette perversion, et remets-nous sur
le droit chemin».
Pendant que Khafaf réfléchissait à la décision
importante qu'il avait à prendre, le jour se leva et le soleil commença
à répandre sa lumière. Avec l'apparition du soleil,
les nouvelles du retour d'Abû Tharr, de sa conversion à l'Islam,
ainsi que de celle de son frère et de sa mère se répandirent
comme une traînée de poudre.
Une fois ces nouvelles répandues, des agitations commencèrent.
Les gens se mirent à injurier Abû Tharr en disant: «Il
est devenu fou et incapable de comprendre que ce sont ces idoles qu'il
méprise, qui nous guérissent, nous fournissent la nourriture
et nous protègent. Abû Tharr est un homme bizarre qui nous
invite à adorer un Dieu Invisible. On dirait qu'il veut créer
des troubles et des perturbations au sein de notre jeunesse, et dévier
nos enfants et nos femmes. Il est sûrement un menteur, et ce qu'il
affirme est faux. Il doit être expulsé de la tribu».
Une voix s'éleva en protestation: «Pourquoi? Comment pouvez-vous
exprimer l'idée de son expulsion? Comment peut-on faire une chose
pareille? Non, jamais, on ne fera cela. Il est le plus courageux de notre
tribu».
Des discussions s'engagèrent au terme desquelles on décida
d'attirer l'attention des notables de la tribu sur cette affaire. Ces derniers
décidèrent de soumettre le problème au chef de la
tribu. Tout le monde se dirigea donc vers Khafaf.
Le chef de la tribu dépêcha immédiatement son esclave
chez Abû Tharr pour le faire venir chez lui. En arrivant à
destination, l'esclave dit: «Abû Tharr et Unays sont convoqués
chez le chef».
Abû Tharr l'informa qu'il pesait justement aller le voir. Après
le départ de l'esclave, Abû Tharr s'arma de son épée
et dit à son frère: «Allons voir Khafaf».
Unays observa: «Frère! J'ai entendu de mauvaises choses
sur toi par les gens. Je crains que cette rencontre soit inopportune. Quelque
chose d'imprévu peut se produire». Abû Tharr lui répondit:
«Non! Cela n'arrivera pas. Je connais Khafaf très bien. C'est
un homme sage. Allah l'a doué de raison. Il est le plus intelligent
de toute notre tribu».
Les deux frères sortirent et se dirigèrent vers la résidence
de Khafaf en discutant. Une fois arrivés à destination ils
virent les notables de la tribu, assis en cercle autour du chef. S'adressant
à l'assemblée, Abû Tharr salua: «As-Salâmu
`Alaykum (Que la paix soit sur vous)».
Les notables furent offusqués par la salutation islamique d'Abû
Tharr, et furieux, ils lui dirent: «Qu'est-ce que cette salutation
qu'on n'a jamais entendue avant?!».
L'un des notables ajouta: «C'est triste! Nous ne savons pas de
quel côté va bû Tharr».
Un autre reprocha: «Regardez! Il est assis avec son épée.
Il n'a pas de respect pour le chef».
Un troisième homme rectifia: «Tu as raison! Mais il est
un cavalier de la tribu et les guerriers sont toujours armés.».
Abû Tharr intervint: «Ecoutez-moi! Je vous respecte parce
que vous êtes les nobles de la tribu. Nous sommes fiers de vous et
nous vous tenons en estime. La salutation que je vous ai adressée
est introduite par l'Islam».
Ensuite, Abû Tharr et Unays prirent place juste devant le chef
de la tribu, Khafaf. Celui-ci commença à parler sur un ton
correct mais vif: «O Abû Tharr! J'ai appris que tu as été
amené à adorer Allah, Qui est Invisible. Les notables de
la tribu sont choqués par cette attitude. Ils disent que tu insultes
leurs dieux et prétends qu'ils sont des objets dépouillés
de toute sagesse.
«O Abû Tharr! Nous te respectons, mais cela ne signifie
pas que nous soyons enclins à tolérer qu'on insulte nos dieux.
Je te demande de te défaire de tes idées nouvelles et de
revenir à ta religion ancestrale, ou à défaut, de
m'expliquer ta nouvelle foi afin que je puisse comprendre sa vérité.
En retour, je te promets de l'accepter, si tu arrives à nous démontrer
qu'elle est raisonnablement meilleure que la nôtre».
Abû Tharr répondit: «O, Chef de notre tribu! Nous
te respectons et t'honorons, quoi que tu dises. Mais en même temps,
nous voudrions t'expliquer qu'Allah, l'Unique, que nous avons décidé
d'adorer et en Qui nous croyons, est Celui-là même qui a créé
le ciel et la terre, Qui donne subsistance à toutes les créatures,
Qui contrôle la vie de tous objets animés et Dont le Pouvoir
est illimité.
»Les idoles que nous adorions jusqu'à maintenant ont été
fabriquées avec nos mains et à l'aide de nos ciseaux et marteaux.
Est-il raisonnable de penser que celui que nous avons fabriqué avec
nos mains puisse être notre créateur, notre nourricier et
l'auditeur de nos prières?
»L'homme est le plus noble de toute la création. Comment
sa dignité permet-elle qu'il incline la tête devant une pierre?
Chef! Pense, s'il te plaît, sans passion à ce que je dis.
Ces idoles n'ont pas le pouvoir même de se protéger de leurs
ennemis.
»Ecoute-moi, O Chef! Un jour je suis allé auprès
de Manât et je lui ai offert un verre de lait. Alors que j'étais
encore là, un renard est venu. Il but le lait et urina sur Manât.
Cet incident eut un grand effet sur moi, et je me suis dit comment un dieu
peut être à ce point sans défense! Cela m'a montré
clairement que Manât ne saurait être un dieu. Je suis sûr
que tout homme raisonnable pensera que le Créateur du ciel est supérieur
au ciel, et que le Fondateur de la terre est meilleur que la terre. Conformément
à ce raisonnement, les idoles ne peuvent être meilleures que
nous, et n'étant pas supérieures à nous, il est insensé
pour nous de les adorer.
»O Chef! Je suis arrivé à la vérité
que Allah l'Unique est le Créateur et le Nourricier de tout l'Univers,
et que Mohammad al-Mustafâ qui a été envoyé
à la Mecque est Son Messager.
»Mohammad (P) possède de telles hautes qualités
que personne dans le monde ne peut l'égaler. Les Quraych qui sont
ses pires ennemis admettent sa sincérité, sa véracité
et ses qualités. Bien qu'ils sachent parfaitement que Mohammad est
contre leurs dieux et leur religion, ils l'ont surnommé al-Çâdiq
al-Amîn (le Véridique, le Sincère), comme je viens
de l'apprendre dernièrement. Écoutez! La lumière rayonne
de son visage et la sagesse découle de ses mots».
Dès qu'Abû Tharr termina son discours, un vacarme s'éleva
de partout. «Quel gentil discours fait Abû Tharr, là!
Nos dieux sont donc des sourds-muets! Abû Tharr a insulté
notre foi et humilié nos dieux».
Quelques-uns dans l'assistance prirent la défense d'Abû
Tharr: «Nos amis! Ne dites pas de bêtises. Nous disons sincèrement
que tout ce qu'Abû Tharr a dit nous semble juste, et la raison nous
commande d'accepter la vérité. Nous sommes sûrs que
nous ne pouvons avoir meilleure guidance que celle qu'Abû Tharr nous
a apportée».
Une autre voix s'éleva: «L'Arabie a besoin d'un réformateur
et personne ne s'avère être meilleur réformateur que
celui que nous a présenté Abû Tharr».
Une autre voix encore approuva: «Le discours d'Abû Tharr
est très raisonnable».
Puis une voix très forte s'éleva, perçant les tympans
des oreilles: «O Abû Tharr! J'atteste qu'il n'y a de dieu qu'Allah
et que Mohammad est Son Messager!».
Constatant ces différentes opinions, Khafaf, le chef de la tribu,
après mûre réflexion, leva la tête et dit: «Chers
hommes de la tribu! Ecoutez-moi bien attentivement! Vous avez entendu tout
ce qu'Abû Tharr a dit. Il est de notre devoir de réfléchir
à son discours très soigneusement et de voir quelle part
de vérité il contient. La précipitation est déconseillée.
Il serait insensé de rejeter les suggestions de quelqu'un avant
de les avoir examinées.
»Mes amis! Vous êtes conscients de la confusion dans laquelle
nous sommes plongés et des crimes dans lesquels nous sommes impliqués.
Les riches exploitent les pauvres et il n'y a pas de limites aux péchés
et au mal que nous commettons.
»Je suis arrivé à la conclusion que je doive accepter
et épouser ce qu'Abû Tharr dit. Maintenant, il vous appartient
de former votre opinion vous-mêmes.
»Ecoutez-moi tous: J'atteste qu'il n'y a de dieu qu'Allah et j'atteste
que Mohammad est Son Messager».
Dès que Khafaf prononça la prestation de foi "Ach-hadu
an Lâ Ilâha Illa-l-lâh wa Ach-hadû Anna Mohammadan
Rassûl-u-llâh", il y eut ut un déchaînement de
voix au sein de la tribu: «Khafaf est devenu Musulman. Khafaf a embrassé
l'Islam».
A peine Khafaf était-il devenu Musulman, la condition de la tribu
changea complètement. La plupart de ses membres se convertirent
à l'Islam, et les autres attendaient de connaître l'Islam
de la bouche du Saint Prophète lors de son arrivée à
Médine.
Bref, grâce aux gros efforts d'Abû Tharr, la majorité
de la tribu de Ghifâr embrassa l'Islam et on commença à
entendre dans son sein s'élever les cris de: «Allah est Le
Plus Grand», «Louanges à Allah», et citer le nom
du Saint Prophète jour et nuit.
Après avoir infusé l'esprit de l'Islam dans la tribu de
Ghifâr, Abû Tharr concentra son attention sur `Asfân.
Arrivant à cet endroit, il prêcha l'Islam aux gens. Etant
donné que cette région constituait un passage très
fréquenté par les Quraych et qu'Abû Tharr éprouvait
un sentiment de malaise envers ces derniers en raison des tortures qu'ils
lui avaient fait subir, il mit un peu de rigueur pour les faire se convertir
à l'Islam. Lorsqu'un groupe de Quraych arriva à cet endroit,
il lui présenta l'Islam et un grand nombre de ce groupe embrassa
la nouvelle Foi.
Chapitre 4
Lors de l'émigration du Prophète à Médine
Selon l'écrivain égyptien `Abdul-Hamîd Jawdat al-Sahar:
«L'Islam se répandit à Médine comme un feu sauvage».
La tribu de Ghifâr fut transportée de joie en voyant Médine
accueillir l'Islam. Les Musulmans se félicitèrent de la conversion
à l'Islam des Aws et des Khazraj, dont les hommes étaient
considérés comme étant les plus éloquents,
les plus guerriers parmi les Arabes et les meilleurs partisans de l'Islam.
Chaque Musulman vit dans cet événement la Volonté
d'Allah de faire triompher Sa Religion et d'aider le Saint Prophète
à réaliser Sa Promesse.
Unays apporta à son frère Abû Tharr ces bonnes nouvelles
et lui dit: «L'Islam s'est répandu à Médine.
Les Aws et les Khazraj ont embrassé l'Islam!».
Abû Tharr annonça: «Le Messager d'Allah ira très
bientôt les rejoindre et émigrera à Medine».
Unays regarda, d'un air surpris, son frère et lui demanda: «T'a-t-on
déjà apporté cette information?».
Abû Tharr répondit: «Non, Pas plus que je ne savais
rien jusqu'à ton arrivée, de la conversion des habitants
de Yathrib (Médine) à l'Islam».
- Unays: Mais alors, comment sais-tu que le Messager d'Allah émigrera
à Yathrib?
- Abû Tharr: Il m'avait dit, le jour même où je l'avais
vu pour la première fois, qu'il irait à une ville de dattiers,
et je pense que cette ville est Yathrib. Le Prophète avait dit la
vérité.
- Unays: Est-il possible que sa tribu (les Quraych) le laisse partir
avec les Musulmans sans penser qu'il reviendrait avec une armée
pour l'attaquer?
- Abû Tharr: Les Quraych pourraient le laisser ou ne pas le laisser
partir, peu importe. Mais lui en tout cas, il émigrera bientôt
à cette ville. Evidemment, Seul Allah sait quand et comment cela
arrivera.
* * *
Abû Tharr convertit sa tribu à l'Islam après être
devenu lui-même Musulman. Puis il concentra ses efforts sur Médine.
Depuis son retour de la Mecque jusqu'à l'émigration du Saint
Prophète il s'occupa à prêcher l'Islam, et il continua
à y appeler les masses.
Le Saint Prophète poursuivait son devoir de prêcher l'Islam
et les Quraych continuèrent de faire leur devoir de le torturer
pour l'empêcher d'accomplir son oeuvre. Ils le persécutèrent
tellement qu'il n'y avait plus d'autre alternative que de s'en aller. Toujours
est-il que l'Archange Jibrâ'îl (Gabriel) lui communiqua l'Ordre
d'Allah de quitter la Mecque et de demander à `Ali de dormir dans
son lit par diversion.
Le Saint Prophète s'exécuta. Après avoir laissé
`Ali dans son lit pour faire croire aux Quraych qu'il dormait, il quitta
la Mecque. Il se cacha pendant trois jours dans la grotte de Hirâ',
puis il poursuivit sa route vers Médine.
Pendant ce temps, Abû Tharr attendait avec angoisse cette émigration,
et les membres de sa tribu ne cessaient de demander à tout voyageur
des nouvelles du Saint Prophète.
Lorsque les Ghifâr apprirent que le Saint Prophète était
sur la route de Médine venant de la Mecque, ils furent très
heureux. Abû Tharr sentit venir une vague de bénédiction
vers les Musulmans. Il attendait avec impatience, comme les autres membres
de sa tribu, l'arrivée du Saint Prophète à Médine.
Les gens se rassemblèrent autour de lui pour lui poser des questions
sur le Messager d'Allah, son tempérament, son visage etc. Il leur
répondait: «Vous allez le voir très prochainement.
Il est le meilleur de tous et dépasse toute l'humanité dans
ses mérites».
Lorsque les gens étaient fatigués d'attendre, Abû
Tharr gardait un oeil ouvert sur la route afin d'être le premier
à informer les Musulmans de l'arrivée imminente du Saint
Prophète, et à soulager leurs coeurs assoiffés et
à en enlever la peur qu'ils éprouvaient pour lui, l'attente
ayant duré très long temps.
Le temps passait. Les Ghifâr avaient un désir ardent de
voir et d'accueillir le Saint Prophète. En jetant un coup d'oeil
sur la route, Abû Tharr aperçut de loin un chameau. Tout le
monde se mit à regarder les yeux d'Abû Tharr. Après
quelques instants, Abû Tharr s'écria: «Par Allah, le
Prophète est arrivé».
Al-`Allâmah al-Subaytî écrit à ce propos:
«Le Saint Prophète exhalait une lumière. Tout le monde
proclama d'une seule voix avec Abû Tharr «Grâce à
Allah! Le Prophète est arrivé».
Abû Tharr se lança sans tarder vers le chameau du Messager
d'Allah et en attrapa les rênes».
Les gens se mirent à crier avec enthousiasme: «Allâhu
Akbar» (Allah est le Plus Grand) autour du Saint Prophète.
Tout le monde, les femmes, les vieux, les jeunes, les garçons et
les filles, criait avec joie: «Le Prophète d'Allah est venu!».
«Le Prophète d'Allah est venu!».
Le Saint Prophète descendit du chameau et récita le Saint
Coran. Sa voix pénétra tout de suite les coeurs des masses
qui l'attendaient impatiemment. Puis, il commença à prêcher.
Les gens s'avancèrent par fournées vers lui pour prêter
serment d'allégeance. Abû Tharr était débout
tout près du Saint Prophète, et ressentait une fierté
et une joie indescriptibles.
La tribu de Ghifâr se présenta devant le Prophète
(Ç) et lui dit: «O Prophète d'Allah! Abû Tharr
nous a appris tout ce que tu lui avais dit. Aussi sommes-nous devenus Musulmans
et attestons-nous que tu es le Prophète d'Allah».
Par la suite les gens de la tribu Aslam dirent: «Nous aussi avons
embrassé l'Islam de la même façon que nos frères
(Ghifâr)». Le Prophète d'Allah en fut heureux, et levant
ses mains vers le ciel, il pria: «O Seigneur des mondes! Accorde
Ton Pardon aux Ghifâr et protège les Aslam».
La foule semblait joyeux et ne cessait de regarder le visage éblouissant
du Messager d'Allah, d'après `Abdul Hamîd Jawdat as-Sahar
qui écrit: «Les gens se mirent à regarder le visage
du Prophète (Ç) attentivement. Ils remarquèrent que
c'était un homme au visage brillant, aux lèvres souriantes
et au caractère agréable. Il n'était ni maigre ni
mince ni gros. Il avait les traits beaux. Ses yeux étaient grands
et noirs, ses cils longs, son arcade entre le noir et le brun, ses cheveux
noirs, le cou long et la barbe épaisse. Il était plein de
dignité lorsqu'il gardait le silence et il inspirait le respect
lorsqu'il parlait. Il parlait d'une façon agréable. Il n'était
ni taciturne ni bavard à la voix forte. Il paraissait plus beau
de loin et plus beau de près. Il était de taille moyenne:
ni tellement grand qu'il semblerait déplaisant à regarder
ni tellement petit que les gens paraîtraient le regarder de haut».
Ensuite, le Prophète se mit en route vers Médine et Abû
Tharr retourna chez sa tribu.
Lorsque le Messager d'Allah arriva à Médine, il eut droit
à un accueil chaleureux. Dès son arrivée, il prêcha
le message de l'Islam. Abû tharr qui n'avait pas pu l'accompagner
à Médine resta dans sa tribu si longtemps qu'il ne put participer
aux trois grandes batailles de l'Islam: la bataille du Badr en l'an 2 de
l'Hégire, de Uhud en l'an 3 et d'al-Ahzâb en l'an 5.
Après la bataille d'al-Ahzâb, un verset coranique fut révélé
qui conduisit Abû Tharr à partir pour Médine. En effet,
un jour, alors qu'il faisait les récitations de l'après-prière
du Maghrib dans la mosquée de sa ville, il entendit un homme réciter
le verset: "O vous les Croyants! Vous indiquerai-Je un marché
qui vous sauvera d'un châtiment douloureux?" (Sourate al-Çaff,
61:10). Ayant réfléchi sur la signification de ce verset,
il fut soucieux du Jihâd (Guerre Sainte), et il dit à Unays:
«Je partirai à Yathrib demain».
- Unays: C'est bien! Vas-y. Qu'Allah t'y conduise sain et sauf! Mais
dis-moi quand comptes- tu revenir?
- Abû Tharr: Je ne reviendrai pas. Je consacrerai le reste de
ma vie au service du Saint Prophète.
- Unays: O frère! Tu es devenu un vrai croyant et la foi semble
avoir pénétré ton coeur et ton âme. Ta tribu
et les tiens ont énormément besoin de toi ici. Ton départ
représentera une grande perte pour nous. Je crois donc que tu devrais
renoncer à ton projet de partir pour Médine, et passer ta
vie avec nous.
- Abû tharr: Le Saint prophète est meilleur que les gens
d'ici. J'ai déjà manqué trop à de devoirs:
Le Saint Prophète a livré la Bataille de Badr, et je n'ai
pas pu y assister. Il a combattu à Uhud et je n'ai pas pu l'y joindre.
Il s'est engagé dans la Campagne d'al-Ahzâb et je n'ai pas
pu être à ses côtés. Jusqu'à quand devrais-je
être au service de ma tribu en me privant des bénédictions
découlant du martyre? Ce que j'ai fait jusqu'à maintenant
est largement suffisant. A présent, je ne suis pas disposé
à renoncer, même l'espace d'une fraction de seconde, à
mon idée de partir pour Yathrib.
- Unays: A mon avis, tu devrais rester chez toi comme d'habitude. Le
Saint Prophète t'appellera lui-même lorsqu'il aura besoin
de toi. Réfléchis! Il y avait beaucoup de personnes qui étaient
dans leurs maisons et qui sont parties vers Médine lorsque le Saint
Prophète les a appelées.
- Abû Tharr: Le délai d'attente est écoulé.
Même si le Prophète ne m' appelle pas, j'ai quand même
une obligation dont je dois m'acquitter, et cela sans attendre que l'on
m'y convie. Je n'attendrai plus, j'irai sans invitation.
- Unays: D'accord! Mais pas de précipitation. Prends les provisions
nécessaires pour le voyage.
- Abû Tharr: Je n'ai besoin d'aucune provision. Quelques morceaux
de pain sec me suffiront.
Abû tharr abandonna ainsi terre et maison pour gagner Médine.
Une fois arrivé à destination, il eut l'honneur de rejoindre
le Prophète et de rester en sa compagnie.
Il avait l'habitude de passer toute la nuit à la Mosquée
du Prophète et de rencontrer les gens pendant la journée.
Il mangeait avec le Prophète (P) et il ornait sa vie matérielle
de piété et de vertu. Il se consacrait pleinement à
l'apprentissage de Hadith (Tradition du Saint prophète) par coeur.
Après son arrivée à Médine, Abû Tharr
était tombé malade à cause du changement de climat.
Le Saint Prophète apprit la nouvelle de sa maladie et vint le voir.
Il lui dit: «Abû Tharr! Tu dois rester quelques jours à
l'extérieur de Médine, là où les chameaux,
les moutons et les chèvres du Trésor public broutent. Et
prends note que tu ne dois manger comme aliment que du lait pendant ton
séjour à cet endroit».
Aussitôt qu'il reçut cet ordre du Prophète (P),
Abû Tharr partit avec son épouse pour l'endroit désigné.
Sa maladie fut dure à supporter pendant quelques jours, mais peu
à peu il recouvra sa santé, ce qui lui permit de consommer
son mariage avec son épouse. Là, un problème se posa.
Après l'acte sexuel, l'Islam exige que l'on prenne un bain rituel
(Ghosl) pour pouvoir accomplir les prières obligatoires. Or, il
lui était difficile de se procurer de l'eau. Jusqu'alors il ne savait
pas le mode de l'accomplissement du tayammum(2),
lequel est justement prévu comme solution de rechange lorsque l'accomplissement
du bain rituel est difficile ou impossible pour une raison ou une autre.
Ainsi, il se trouva dans l'embarras pendant un certain temps, ne sachant
pas comment s'acquitter de ses obligations religieuses. Finalement, le
bons sens lui commanda d'aller voir le Prophète. Aussi enfourcha-t-il
un chameau et se dirigea-t-il vers le Messager d'Allah.
Dès que le Saint Prophète aperçut Abû Tharr,
il lui sourit, et avant que ce dernier ouvre sa bouche, il lui dit: «Abû
Tharr! Ne te soucie pas. L'eau est préparée pour toi ici
et maintenant». En effet, une servante apporta l'eau, et Abû
Tharr put, ainsi, prendre le Bain Rituel. Après quoi, il revint
vers le Prophète, lequel saisit l'occasion pour lui apprendre le
mode de tayammum(3).
Alors qu'Abû Tharr continuait à mener sa vie en compagnie
du Saint Prophète, l'heure de la Bataille de Tabûk sonna en
l'an 9 de l'Hégire. Selon les historiens, lorsque le Prophète
(P) apprit que les Chrétiens de la Syrie venaient de prendre la
ferme résolution d'attaquer Médine avec une armée
forte de quarante mille hommes envoyés par le Roi de Rome (Hercule),
il décida de prévenir cette attaque en marchant à
la tête d'une force armée musulmane de trente à quarante
mille hommes, sur la Syrie. En même temps, il nomma `Ali Gouvernant
adjoint de Médine. Une fois son armée levée, il quitta
Médine pour la Syrie.
Après le départ du Prophète (P), les Hypocrites,
s'évertuèrent à se moquer de `Ali en lui disant que
le messager d'Allah l'avait laissé derrière lui pour porter
son fardeau. Voulant se démontrer que les Hypocrites disaient là
des mensonges, `Ali décida d'aller voir le Prophète. Lorsqu'il
rejoignit ce dernier à Jaraf, il lui expliqua la raison de sa venue
et la moquerie des Hypocrites.
Le Prophète (P) lui dit: «Les Hypocrites sont des menteurs.
Je suis venu ici après t'avoir désigné comme mon député.
O `Ali! N'es-tu pas content que ton grade soit monté! Tu es à
moi ce que Hârûn fut à Mûsâ, à cette
différence près qu'il n'y aura pas de prophète après
moi».(4) Il voulait dire par là
que de même que Mûsâ avait nommé Hârûn
comme son député avant d'aller au Mont Tûr, de même
lui (le Prophète Mohammad) l'élevait au rang de son représentant.(5)
Après cette explication, `Ali retourna à Médine
et le Prophète se dirigea vers Tabûk qui se trouvait à
une distance de dix étapes de Damas et de Médine à
la fois, et sur la frontière de l'Empire romain de l'époque.
Lorsque le messager d'Allah atteignit Tabûk, il y resta une vingtaine
de jours. Pendant son séjour dans cette localité, il s'appliqua
à envoyer tout autour des brigades qui avaient pour mission principale
l'appel à l'Islam. Mais aucune armée romaine ne vint à
leur rencontre. Le Prophète (P) rebroussa donc chemin. Pendant son
retour, alors qu'il traversait la vallée de `Aqabah Thî Fatq,
les Hypocrites projetèrent d'attenter à sa vie en effrayant
son chameau pour qu'il le jette par terre. Mais l'attentat fut un échec
et le Prophète fut sauvé par `Ammâr Ibn Yâcir
et Huthayfah Ibn Yaman. Après que le Prophète eut traversé
la vallée, il divulgua à Huthayfah les noms des Hypocrites
qui avaient attenté à sa vie à la faveur de la nuit,
et lui intima l'ordre de garder cela pour lui. Des "Compagnons"notables
figuraient sur la liste des noms divulgués par le Prophète.(6)
Selon Tah-thîb al-Tah-thîb, les gens impliqués dans
cet attentat tentèrent en vain de savoir de Huthayfah si leurs noms
étaient sur la liste. Finalement, l'un d'entre eux ne pouvant plus
supporter sa trahison reconnut auprès de Huthayfah sa participation
à l'attentat: «Que tu me le dises ou non, par Allah, lança-t-il,
j'ai été l'un d'eux».
En tout état de cause, le Prophète retourna sain et sauf
à Médine au mois de Ramadhân.
Au moment du départ de l'armée des Musulmans vers la Bataille
de Tabûk, Abû Tharr se trouvait aux côtés du prophète.
Mais son chameau étant trop faible et trop maigre, il ne put pas
aller à la même allure que la caravane. Il réussit
quand même à marcher sur la trace de celle-ci, mais avec un
retard d'une distance de trois jours de voyage. Il fit tout son possible
pour rejoindre la caravane mais sans succès. Il se sentit très
affligé de ne pas pouvoir se joindre aux troupes.
Selon une autre version, lorsque Abû Tharr fut resté derrière
la caravane, quelqu'un attira l'intention du Prophète sur la difficulté
qu'il avait rejoindre les troupes. Le Saint Prophète répondit:
«Laisse-le se débrouiller tout seul. Il réussira si
Allah le veut». Ainsi la caravane avança, laissant Abû
Tharr dans la perplexité et l'anxiété. Parfois, il
pensait parfois revenir à Médine, et parfois il se disait
qu'il fallait à tout prix parvenir à Tabûk, car l'idée
de rester loin du Prophète le tourmentait. Il pressait son chameau
avec excitation pour qu'il avance, mais ce dernier n'avançait pas
à cause de sa faiblesse. Constatant qu'il était inutile d'essayer
de forcer son chameau fatigué d'avancer, il en descendit et le déchargea
pour porter lui-même ses bagages sur son propre dos et il se mit
à marcher à pied. Comme il faisait très chaud à
cette saison, il avait, tout le temps, une soif terrible et insupportable.
Aussi se mit-il à la recherche d'eau. Lorsqu'il aperçut un
peu d'eau de pluie au fond d'une fosse, il y accourut, et sans perdre un
moment, il y en puisa dans le creux de sa main pour désaltérer.
Mais l'eau était si fraîche qu'il pensa subitement qu'il ne
convenait pas d'en boire avant que le Saint Prophète ne le fasse.
A cette idée, il rejeta l'eau de sa main pour remplir une aiguière
afin de l'apporter au Saint Prophète.
Malgré sa soif et son épuisement extrêmes, il continua
seul sa route en portant précieusement l'outre remplie d'eau. Lorsqu'il
arriva à la frontière de Tabûk les Musulmans l'aperçurent
et informèrent le Prophète de l'arrivée d'un voyageur
sinistré. Le Prophète dit sur-le-champ: «C'est mon
Compagnon Abû Tharr. Allez vite me l'amener». Entendant cet
ordre du Prophète, les Compagnons s'exécutèrent et
emmenèrent Abû Tharr auprès du Messager d'Allah.
Après s'être enquis de sa santé, le Prophète
lui demanda: «O Abû Tharr! Tu as de l'eau sur toi. Pourquoi
donc, tu as l'air tellement assoiffé?».
- Abû Tharr: Certes, Maître, l'eau est là, mais je
ne peux pas en boire.
- Le Prophète: Et pourquoi cela?
- Abû Tharr: O Seigneur! Sur mon chemin, j'ai trouvé de
l'eau fraîche au pied d'une colline, mais ma conscience ne m'a pas
permis d'en boire avant toi. C'est pourquoi je l'ai apportée pour
toi. J'en boirai une goutte après que tu en auras bu.
Le Saint Prophète lui fit alors cette prédiction: «O
Abû Tharr! Allah te couvrira de Sa Miséricorde. Tu vivras
et tu quitteras ce monde seul. Tu seras ressuscité seul le Jour
du Jugement. Tu entreras dans les cieux seul. Un groupe d'Irakiens seront
bénis grâce à toi, car, après, ta mort, ils
te laveront, t'envelopperont dans un linceul, et prieront sur toi».
Cet incident ne montre pas seulement l'amour et le dévouement
incomparables d'Abû Tharr pour le Prophète, mais il offrit
au Messager d'Allah l'occasion de prévoir les troubles et les calamités
dont sera victime ce noble Compagnon. Il ressort clairement de l'affirmation
du Savant Chiite rénovateur, Al-`Allâmah al-Majlici que le
Prophète avait jeté à diverses occasions la lumière
sur les événements auxquels Abû Tharr aura à
faire face, prédictions qui se réalisèrent toutes.
Il cite à ce propos un récit rapporté par Ibn Babwayh
(citant `Abdullâh Ibn `Abbâs), et selon lequel, un jour, alors
que le prophète était assis dans le Masjid de Quba, entouré
d'un certain nombre de Compagnons, il dit: «Le premier homme qui
va traverser la porte de ce masjid (mosquée) sera au nombre des
gens des Cieux». Peu de temps après, Abû Tharr entra
par cette porte. Il était le premier homme venant de l'extérieur
tout seul. A son entrée, le Prophète dit: «O Abû
Tharr! Tu es parmi les gens des Cieux». Et d'ajouter: «Tu seras
banni de la Mecque à cause de ton amour pour les Gens de ma Famille
(Maison) - Ahl-ul-Bayt -. Tu vivras sur une terre étrangère
et tu mourras dans la solitude. Un groupe d'Irakiens seront bénis
pour t'avoir fait le bain funéraire, pour avoir enveloppé
ton corps dans un linceul, et ils seront de ce fait avec moi au Ciel».
Chapitre 5
Un disciple modèle du Prophète
L'histoire témoigne qu'Abû Tharr était tellement
pieux après sa conversion à l'Islam que personne ne pouvait
se mesurer à lui dans le domaine spirituel. Il atteignit un tel
degré de perfection sur le plan de la pureté de la foi et
de la sincérité du coeur, qu'il devint un phare pour les
gens qui voulaient être éclairés. Il enrichissait leurs
esprits avec ses conseils, il leur inculquait le sens de l'égalité
et de l'amour, et il leur montrait la voie de l'obéissance à
Allah et à Son Saint Prophète.
Il menait une vie islamique tellement digne que les historiens trouvaient
difficilement les mots exacts pour la décrire. `Abdullah al-Subaytî
écrit qu'Abû Tharr se détachait, parmi les Compagnons
qui excellaient en piété, en abstinence, en adoration d'Allah,
en véracité, en fermeté de foi et en résignation
devant la Volonté d'Allah. Son alimentation quotidienne du vivant
du Prophète consistait en trois kilos de dattes et il avait maintenu
ce régime pendant le restant de sa vie. Sa moralité et sa
vertu étaient telles que le Saint Prophète, l'inclut, comme
Salmân al-Faricî dans les Ahl-ul-Bayt (La Famille du Prophète).
Al-Hâfidh Abû Na`îm dit qu'Abû Tharr était
un homme de piété et avait un coeur pleinement satisfait.
Il était la quatrième personne à embrasser l'Islam.
Il avait renoncé aux péchés avant même la mise
en application de la Loi islamique. Son but le plus cher était de
ne pas baisser la tête devant les gouvernants tyranniques. Il supportait
avec stoïcisme les afflictions et les malheurs. Il se distingua par
l'apprentissage, par coeur, des Traditions et des exhortations du Saint
Prophète.
Abû Nâ`îm fait remarquer qu'Abû Tharr a rendu
un grand service au Saint Prophète, dont il a appris les Statuts
légaux de la Loi islamique (Ahkâm Char`iyyah) dans
les domaines de l'adoration et des relations sociales, ce qui lui a permis
de s'abstenir de tout péché. L'un de ses traits caractéristiques
était de poser, souvent, des questions au Saint Prophète
afin de savoir tout. Il a apprit, par coeur, toutes les significations
et toutes les interprétations du Saint Coran et des Traditions du
Prophète, et il se montrait très avide sur ce plan. En bref,
il a appris du Saint Prophète énormément de choses,
non seulement, pour son usage personnel, mais aussi pour mettre ce trésor
de savoir au service des adeptes de l'Islam.
Un autre fait notable par lequel Abû Tharr se distingua, fut sa
marche continuelle et constante sur la ligne du Saint Prophète,
ligne dont il ne dévia jamais, même lorsque le vent changea
de direction, après la disparition du Messager d'Allah. En effet,
Abû Tharr resta aux côtés de l'Imâm `Ali après
la mort du Saint Prophète, et il ne le lâcha jamais. Il le
suivit toujours et continua à bénéficier de son immense
savoir pour compléter les connaissances qu'il avait acquises en
compagnie du Saint Prophète. Quoi de plus logique pour un homme
aussi pieux que lui et aussi assoiffé de savoir religieux! Le Prophète
n'avait-il pas dit: «Je suis la Cité du Savoir et `Ali en
est la Porte»? Il put ainsi s'imprégner de son savoir, de
son ascétisme, de sa bienfaisance, de ses vertus morales et de sa
conduite exemplaire. C'est pour cela que le Prophète avait dit:
«Abû Tharr est l'homme le plus véridique de la nation».
Ou encore:«Abû Tharr est pareil au Prophète `Isâ
(Jésus) par son ascétisme», et «Celui qui voudrait
connaître l'austérité et la modestie de `Isâ,
devrait aller voir Abû Tharr».
Il va de soi que la piété d'un homme aussi religieux qu'Abû
Tharr ne se limitait pas à l'accomplissement des prières
et d'autres pratiques rituelles. Il avait des compétences pratiques
dans toutes les formes de la piété et de l'adoration. Il
est indéniable que réfléchir sur l'existence et la
Création d'Allah est aussi un acte d'adoration très méritoire.
Or, Abû Tharr excella aussi dans ce domaine de l'adoration.
Les historiens et les rapporteurs de Hadith sont unanimes pour remarquer
qu'Abû Tharr atteignit un très haut degré de savoir
parce qu'il cherchait sincèrement à acquérir une large
connaissance en compagnie du Saint Prophète. Il s'attachait sans
cesse à poser des questions au Messager d'Allah et à en apprendre
la réponse par coeur. L'auteur de "Kitâb al-Darajât
al-Rafî`ah" dit qu'Abû Tharr était reconnu comme étant
au rang des grands érudits et ascètes. Il était un
des premiers Compagnons du Prophète et l'un de ceux qui respectèrent
parfaitement leur pacte avec Allah, c'est-à-dire, qui s'acquittèrent
de leur engagement devant Lui de se conformer scrupuleusement et loyalement
aux préceptes de la religion. Il était aussi l'un des quatre
personnages dont l'amour était rendu obligatoire à tous Musulmans.
Al-`Allâmah Manazir Ihsân al-Guîlânî,
soulignant le savoir immense d'Abû Tharr, écrit: «Lisez
le testament de `Ali, le meilleur juge parmi les Compagnons, et la Porte
de la Cité du Savoir, et vous constaterez vous-mêmes qu'il
avait raison de dire qu'Abû Tharr était très gourmand
et très cupide [en matière d'apprentissage]».
N'est-ce pas cette même attestation de l'Imam `Ali qui justifie
et corrobore ce que revendiquait parfois avec fierté, Abû
Tharr: «Nous avons quitté le Saint Prophète à
un moment où il n'y avait pas eu un seul oiseau volant avec des
ailes battantes, dans le ciel, à propos duquel nous n'ayons pas
appris quelque chose de particulier»(7).
Al-`Allâmah al-Guîlânî note à propos
du savoir d'Abû Tharr: «Quelqu'un a demandé un jour
à l'Imam `Ali ce qu'il pensait d'Abû Tharr. À cette
question il a répondu: «Wa`â ilman `ajaza fîhi
(c'est-à-dire: Abû Tharr a acquis un savoir qui l'a vaincu)».
On a pu constater combien il était disposé à écouter
et recevoir les idées; d'ailleurs on pourra pressentir cette disposition
à travers les différents éléments de sa biographie.
Il tenait toujours à appliquer tout de suite ce qu'il apprenait
du Saint Prophète. Dès qu'il entendait quelque chose du Messager
d'Allah, il le mettait en pratique sans hésitation. Son plus grand
désir était que sa conduite soit totalement en conformité
avec le savoir.
Abû Tharr était si résolu et si ferme sur ce point,
qu'aucune force terrestre ne pouvait entamer sa détermination et
sa fermeté en ce qui concerne l'application stricte de la Loi divine.
Ni les menaces ni les exhortations ne pouvaient ébranler la position
qu'il avait prise sur ce plan. Se montrant fier parfois de cette position
distinctive, il disait souvent: «O gens! Le Jour du Jugement, je
serai le plus proche de l'assemblée du Saint Prophète, car
j'ai entendu ce dernier dire que le plus proche de lui le Jour du Jugement
sera celui qui aura quitté ce monde dans la même condition
que l'aura quitté le Messager d'Allah lui-même. Or, je jure
par Allah qu'aucun parmi vous, à part moi, n'est dans sa situation
originelle ni n'est contaminé par quelque chose de nouveau»
("Tabaqât Ibn Sa`d" et "Musnad Ahmad Ibn Hanbal").
Ces propos ne sont pas de simples prétentions, mais des vérités
attestées par le dirigeant du monde et le dernier des Prophètes.
Il est écrit dans Tabaqât Ibn Sa`d qu'un jour, le Saint Prophète
demanda à un groupe de Compagnons: «Qui parmi vous viendra
me voir auprès de Kawthar (une Source au Paradis) dans la même
condition dans laquelle je l'aurai laissé?». Abû Tharr
répondit: «Moi!». Le Prophète acquiesça:
«Tu as raison, c'est-à-dire tu mourras dans le même
état de foi dans lequel je t'aurai laissé».
L'Imam `Ali aussi, disait: «Maintenant, il ne reste personne qui
ne craigne les sarcasmes et la raillerie des moqueurs, au sujet d'Allah,
sauf Abû Tharr».
Ainsi, le terme "`ajaza fîhi" signifie clairement qu'Abû
Tharr avait été vaincu par son savoir et son instruction,
en ce sens qu'il n'avait pas le pouvoir d'agir contrairement à ce
qu'il avait appris.
En d'autres termes, Abû Tharr acquit un savoir, comprit la réalité
et la base de ce savoir, et le propagea bien. Il ne se souciait jamais
du reproche de personne lorsqu'il communiquait aux gens les informations
qu'il avait acquises du Saint Prophète. Il ne céda jamais
aux intimidations d'un gouvernement quelconque. Il resta insensible aux
manoeuvres politiciennes de Mu`âwiyeh, et totalement indifférent
au miroitement de la fortune de `Othmân. Il appelait juste ce que
le Saint Prophète avait qualifié de juste et erroné
ce qu'il avait considéré comme erroné, et ce jusqu'au
dernier moment de sa vie. Il se conduisit conformément aux principes
et aux enseignements dispensés par le Saint Prophète, et
il tenait également à rappeler toujours aux gens ces principes
et enseignements, jusqu'à ce qu'il fût banni et mort dans
un endroit lointain et isolé.
On lit dans "Kitâb al-Istî`âb" citant le Commandeur
des Croyants, l'Imam `Ali, qu'Abû Tharr apprit quelques-uns des secrets
que le commun des mortels ne pouvait supporter, et qu'il les garda pour
lui-même.
Al-Hâfidh al-Baçrî écrit, dans "al-Machâriq",
que la foi a dix étapes. Celui qui a atteint la première
étape ne connaît pas les limites de la foi de celui qui est
dans la deuxième étape, et celui qui se trouve dans la deuxième
étape ignore l'étape de celui qui est arrivé à
la troisième étape... et il en va de même jusqu'à
la dixième étape. Or Salmân al-Faricî était
au zénith du savoir ésotérique et la position d'Abû
Tharr par rapport à Salmân al-Faricî était la
même que celle du Prophète Mûsâ (Moïse) par
rapport au Prophète al-Khidhr.
Al-Kharajaskî écrit dans "al-Kanz" que Salmân al-Faricî,
disait, lorsqu'il s'adressait à l'Imam `Ali: «Bi Abî
anta wa ommî, Yâ qatîla-l-Kûfa! (O futur martyr
de Kûfa! Que mon père et ma mère te soient sacrifiés),
avant d'ajouter: Si je divulguais les faits que je connais ta véritable
illumination, je provoquerais un terrible remue-ménage parmi les
gens». Al-`Allâmah al-Majlicî cite des hadith (récits
de la vie des saints de l'Islam) du même genre à propos de
Salmân et d'al-Miqdâd dans "Charh Uçûl al-Kâfî".
Cela montre que si un Compagnon ne peut mesurer les limites de la connaissance
d'un autre Compagnon, comment dès lors le commun des mortels pourrait
supporter les connaissances (qui le dépassent) d'un homme aussi
pieux qu'Abû Tharr?
On peut trouver la remarque ci-dessus de l'Imam `Ali à propos
d'Abû Tharr: «Le savoir l'a vaincu» dans "Tabaqât
al-Kubrâ" (Vol, 5), et "Sunan Abû Dawûd" également.
`Abdul Hamîd Jawdat al-Sahar écrit dans son livre "al-Ichtirâkî
al-Zâhed": «Allah a voulu lui faire du bien en le dotant de
la capacité et de la volonté d'apprendre. IL lui a inculqué
la conviction et la sincérité, et lui a conféré
des yeux scrutateurs et des oreilles attentives. Avec tous ces dons, il
put mémoriser tout ce qu'il entendait de la bouche du Saint Prophète».
Avec la même application dans l'apprentissage des Traditions du
Prophète, il narrait celles-ci et les communiquait aux gens. Il
devint ainsi l'un des grands "traditionnistes" (narrateur de Hadith ou
de Traditions du Prophète).
Abdul Hamîd Jawdat al-Sahar fait remarquer dans le même
livre cité ci-dessus (page 14): «Abû Tharr était
un muhaddith (rapporteur de Hadith) de premier ordre, et il parlait
un arabe très éloquent et très compréhensible.
Il était un modèle du Musulman pieux. Aussi devint-il l'homme
le plus respectable de tous. Un jour, alors qu'il était assis dans
la mosquée et qu'il narrait des Hadith comme d'habitude, un homme
exprima son désir d'avoir voulu voir le Prophète. Abû
Tharr cita alors un Hadith dans lequel le Prophète avait dit que
les gens de sa nation qui l'aimeraient le plus sont ceux qui viendraient
après lui et désireraient le voir même au prix de leurs
enfants et fortune».
La moralité signifie les bonnes habitudes, et la connaissance
de la morale ou de l'éthique est une sorte de philosophie pratique.
Abû Tharr atteignit le plus haut degré de la moralité.
Les bonnes habitudes et les nobles moeurs du Saint Prophète se reflétaient
sur sa personnalité. Il avait une conduite et un caractère
irreprochabls, islamiquement parlant. Tout ce qu'il fit sa vie durant était
un exemple incomparable de moralité, et tout ce qu'il dit était
conforme aux exigences de la société islamique. Et si d'aucuns
considéraient ses bonnes habitudes comme incorrectes, c'étaient
certainement des gens ignorants.
Al-`Allâmah al-Subaytî dit que les exemples de moralité
que nous offrit Abû Tharr méritent toutes nos louanges. Il
écrit à ce propos: «Ayant vu Abû Tharr enveloppé
dans un manteau noir dans un coin du masjid, je lui ai demandé pourquoi
il était assis là tout seul. Il m'a répondu qu'il
avait entendu le Saint Prophète dire: «Il est préférable
de s'asseoir dans un coin isolé qu'au milieu d'une mauvaise compagnie,
et il vaut mieux s'asseoir avec des moralistes que dans un coin isolé.
Garder le silence plutôt que dire des bêtises et dire ce qu'il
faut plutôt que rester silencieux».
Abû Tharr dit que le Saint Prophète lui avait énuméré
les règles des bonnes moeurs, comme suit:
1- Noue de l'amitié avec les pauvres et essaie de les garder
près de toi;
2- Pour améliorer ta propre condition, regarde les gens de condition
plus modeste plutôt que de te comparer avec ceux qui ont plus de
moyens que toi;
3- Ne demande à personne de l'aide matérielle, et habitue-toi
à la satisfaction (de ce que tu as);
4- Aie de la sympathie pour tes prochains et aide-les lorsqu'ils se
trouvent dans le besoin;
5- N'hésite pas à dire la vérité même
si le monde entier devait se mettre contre toi;
6- Ne fais pas attention aux propos des blasphémateurs concernant
Allah;
7- Dis souvent: «Lâ hawla wa lâ quwwata illâ
billâh (Il n'y a pas de pouvoir en dehors d'Allah)».
Abû Tharr poursuit: «Après m'avoir énuméré
ces règles le Saint Prophète mit sa main sur mon coeur et
ajouta: «O Abû Tharr! Il n'y a pas de sagesse meilleure que
la bonne planification, ni de piété meilleure que la maîtrise
de soi, ni de beauté meilleure que les bonnes moeurs».
Al-`Allâmah al-Guilânî, se référant
à Musnad d'Ahmad Ibn Hanbal cite seulement deux (1,2) des sept préceptes
ci-dessus mentionnés (ceux qui recommandent de lier amitié
avec les pauvres, et de regarder les gens de condition plus modeste) et
écrit: «En fait, ceci est le meilleur remède à
la maladie de l'amour des riches et de l'amour du monde. Supposons qu'un
homme qui possède une chemise en mousseline, et un pantalon de bonne
qualité à porter, du pain de blé et de la viande de
mouton à manger, une maison en argile, propre et bien arrangée
à habiter, se compare avec un autre homme qui n'a rien d'autre qu'un
vêtement rude, du pain d'orge et une chaumière de paille.
Il (le premier) ne pourrait que remercier Allah pour la condition meilleure
dans laquelle il vit, et éviterait sûrement les tourments
mentaux qu'il aurait connus s'il s'était comparé avec un
homme plus riche que lui, mangeant, s'habillant et se logeant mieux que
lui. Donc regarder toujours les gens d'une condition plus modeste que la
sienne est la meilleure façon d'être satisfait de ce qu'on
a dans ce monde. Combien d'entre nous se conforment à cette recommandation?
Je dirais qu'un homme qui agirait conformément à ce principe
ne souffrirait jamais. C'est la seule règle d'or existant pour connaître
le bonheur dans ce monde et dans l'Au-delà. Elle est magnifiquement
illustrée par le vers suivant du célèbre poète
iranien, Cheikh Sa`di: «Je pleurais pour une paire de chaussure,
jusqu'à ce que j'aie vu un homme qui n'avait pas de pied».
Après l'amour de la richesse, l'autre partie de l'amour de ce
monde se manifeste sous la forme de l'amour du pouvoir. Cette forme d'amour
est encore plus dangereuse et elle constitue une cause principale de la
corruption du système du monde. Les sottises commises dans le monde
par les esclaves de la richesse sont beaucoup moins nombreuses et moins
graves que celles faites par ceux qui ont une ambition excessive pour les
positions et pouvoirs.
La vraie raison de cette maladie réside dans le fait que lorsqu'un
homme se croit parfait dans un domaine, il oublie le pouvoir de l'Etre
Qui lui a conféré cette perfection relative, et s'attribue
des considérations en conséquence. Puis, il essaie de faire
sentir aux gens autour de lui, l'importance qu'il s'est donnée.
Ayant cet objectif en vue, il prépare des plans selon le pouvoir
de sa pensée. Il remplit d'hypocrisie son esprit et occupe tout
son temps à rendre tout le monde conscient de son existence par
tous les moyens. La perfection qu'Abû Tharr atteignit ou presque
était celle de la piété. Il craignait qu'elle n'engendre
en lui fierté et vanité, qui conduisent à l'ambition
d'une position et des honneurs, ce qui ne laisse aucune place à
la paix dans ce monde et dans l'Au-delà. C'est pour cette raison,
que le Prophète avait prévenu ce danger, et s'adressant à
Abû Tharr, il lui dit à mots ouverts et clairement:
«Allah dit: "O Mes serviteurs! Vous êtes tous des pêcheurs,
excepté ceux d'entre vous que Je préserve. Ainsi, chacun
de vous doit M'adresser régulièrement des prières
pour demander pardon, et Je le lui accorderai. Je pardonne les péchés
de quelqu'un qui Me considère assez Puissant pour rédimer
les péchés et que Je rédime, et de celui qui prie
pour que ses péchés soient pardonnés à travers
Mon Pouvoir. O Serviteurs! Chacun de vous est dévié sauf
ceux d'entre vous que Je maintiens sur le droit chemin. Aussi, devez-vous
prier pour solliciter Ma Guidance. Vous êtes tous pauvres et nécessiteux,
à l'exception de ceux d'entre vous que Je rendrai riches. Priez-Moi
donc d'assurer votre subsistance et rappelez-vous que même si vous
vous réunissez tous, les vivants et les morts d'entre vous, les
vieux et les jeunes, les vicieux et les vertueux pour pratiquer l'abstinence,
cela n'ajoutera rien à ce qui existe dans Mon Royaume actuel, mais
que si vous vous rassemblez tous, les morts et les vivants, les vieux et
les jeunes, les vicieux et les vertueux pour Me prier de subvenir à
vos besoins et que Je décide d'exaucer vos prières, il n'y
aura aucun manque dans Mon Royaume, même pas l'équivalent
d'une quantité d'eau puisée avec une aiguille que quelqu'un
plongerait dans l'océan. Ceci, parce que Je suis Le Bienfaiteur,
Le Pardonneur, Le Grand, L'Exalté et Celui Qui contrôle toutes
les fins"».
Qui peut, après avoir cru en la vérité de la Gloire
et de la Majesté Divines, telles que nous les percevons ci-dessus,
être fier de son existence, de ses réalisations et de ses
exploits, somme toute, insignifiants par rapport à la Grandeur et
au Pouvoir d'Allah? Qui oserait, même l'espace d'une seconde, prendre
de grands airs devant une telle Majesté? Quel croyant en Allah peut
se montrer vaniteux à cause de sa position sociale, de son honorabilité
et de ses moyens? Qui peut être assez idiot pour être fier
de sa piété, tout en sachant que chacun de nous est pêcheur?
Quand on sait que toutes les fortunes des gens riches sont sous le Contrôle
et l'Autorité d'Allah, il faut être vraiment sot pour se montrer
vaniteux à cause de la fortune qu'on possède. S'il est vrai
que, même réunis tous, grands et petits, pauvres et riches,
nous ne pouvons rajouter un iota à la Grandeur du Royaume d'Allah,
de quoi, un homme qui n'est qu'une poignée de sable, peut-il se
vanter? Lorsqu'un clergé ou un réformateur sait que même
en matière de guidance et de maturité mentale qui font sa
force, il dépend de la Faveur et du Pouvoir d'Allah, comment pourrait-il
considérer que ses efforts méritent estime et appréciation?
Lorsqu'on est conscient que tout appartient à Allah et que nous
sommes à ce point pauvres, nécessiteux et dépendants,
pourquoi donc cette vanité, cette présomption et cette arrogance
de notre part?
Tels sont les commandements et les sermons que l'austérité
du Prophète `Isâ grava dans l'esprit d'Abû Tharr. En
tout cas, c'est de cette façon que le Prophète Mohmmad s'appliqua
à façonner la nature ascétique d'Abû Tharr.
Mais nous devons être prudents lorsque nous abordons cet aspect (l'ascétisme)
des enseignements et des exhortations du Saint Prophète, car l'Islam
se distingue de toutes les autres religions pour ses réserves concernant
la vie monastique.
En effet, vu cet ascétisme d'Abû Tharr qui occupe une place
particulière parmi les Compagnons du Saint Prophète, d'aucuns
pourraient se demander pourquoi, l'Islam s'était opposé à
la vie monastique et l'avait considérée comme innovation
de moines et de clergés?
La réponse à une telle interrogation mérite qu'on
prête une attention particulière à cette question.
En général, abstinence et piété signifient
que l'on quitte la ville pour se réfugier sur une montagne et à
l'intérieur d'une forêt en vue d'adorer Allah dans l'isolement
et la solitude. Mais le récit suivant rapporté par Abû
Tharr nous permet de rectifier cette conception de l'ascétisme.
«Le Saint Prophète, raconte Abû Tharr, m'a dit que
ramasser une pierre dans une rue passante est aussi une bonne action, aider
une personne faible est aussi un acte de charité, et même
l'acte sexuel dans le cadre du mariage est un acte de bienfaisance (Musnad
Ahmad Ibn Hanbal).
»J'ai demandé alors au Saint Prophète avec étonnement:
"Comment! Cohabiter avec son épouse, constitue un acte de charité,
même si l'homme, ce faisant, satisfait, en réalité,
son besoin sexuel?! Si un homme satisfait son besoin, aura-il en plus une
récompense spirituelle pour cette satisfaction personnelle?!". Le
Prophète m'a répondu: "Bon! Dis-moi. Ne commettrais-tu pas
un péché, si tu avais satisfait ce besoin d'une façon
illégale et par des moyens interdits?" "Certainement", ai-je répondu.
Le Prophète dit: "Les gens pensent au péché et non
au bien. Habituellement, ceux qui mènent une vie d'ascétisme
renoncent au travail et à la profession, et lorsque, plus tard,
les nécessités de la vie se feront durement sentir, ils seront
conduits à mendier volontiers"».
Abû Tharr relate un autre récit: «Un jour le Saint
Prophète m'a appelé et m'a dit: "Voudrais-tu bien prêter
un serment d'allégeance pour une conduite qui ne te réservera
que le Paradis?". "Ah, oui"ai-je répondu. Puis, j'ai tendu ma main
(en guise de prestation de serment), et le Saint Prophète de dire:
"Je voudrais que tu me donnes ta parole que tu ne mendieras jamais rien
de personne". "D'accord" dis-je. Le Saint Prophète précisa:
"Même pas le fouet qui tombe de ton cheval. Tu dois, plutôt
que de demander à quelqu'un de le ramasser pour toi, descendre de
ton cheval et le ramasser toi-même"».
Toujours selon Abû Tharr, le Prophète lui dit: "Ne sois
pas indifférent aux autres. Si tu n'as rien à donner à
un frère musulman, tu devrais au moins le recevoir avec un sourire".
Il dit encore: «Mon bien-aimé (le Prophète) m'a
commandé de me montrer bon envers mes proches, même s'il m'était
difficile de le faire» (Musnad Ahmad Ibn Hanbal).
Les enseignements du Saint Prophète ne tarderont pas à
forger le caractère et la personnalité d'Abû Tharr
et à se refléter à travers sa conduite. En effet,
on le voyait de plus en plus en compagnie des indigents et des nécessiteux.
Il était très sensible à tout détail que le
Prophète lui avait envoyé, et se détachait de beaucoup
d'autres Compagnons qui n'étaient pas mus par les moeurs du Messager
d'Allah. Etant resté aux côtés de l'Imam Ali après
la disparition du Saint Prophète, il put conserver et consolider
le caractère doux et les bonnes habitudes qu'il avait acquis du
Messager d'Allah.
Le Saint Prophète avait ordonné: «Donnez à
vos serviteurs et à vos subordonnés ce que vous mangez et
ce que vous portez vous-mêmes» (Musnad Ahmad Ibn Hanbal). Or,
on trouve l'incarnation de ce commandement dans la conduite d'Abû
Tharr.
Conformément aux traditions du Saint Prophète, Abû
Tharr considérait le mariage comme quelque chose d'essentiel. Il
s'était marié, mais le mariage ne signifiait jamais pour
lui jouissance et joie. C'était seulement respecter une recommandation.
On dit que son épouse l'accompagnait partout où il se rendait.
Etant donné que sa femme était africaine, les gens lui
disaient parfois: «Ah! Tu as une femme noire!». Et il répondait:
«Il vaut mieux avoir une femme noire et laide qu'une belle femme
et pour la beauté de laquelle seulement mon nom serait évoqué».
Abû Tharr avait beaucoup d'estime pour son épouse.
L'hospitalité n'est pas seulement l'une des meilleures qualités
de l'homme, mais elle est l'essence de l'humanisme. Selon les principes
de l'Islam l'être le plus conscient est celui qui est le plus imbu
de l'esprit de l'hospitalité.
Na`im Ibn Qa`nat al-Riyâhî raconte: «Un jour, je suis
allé voir Abû Tharr et je lui ai dit que je l'aimais et le
détestais en même temps. Il m'a demandé comment je
pouvais réunir ces deux sentiments contraires? Je lui ai répondu:
«Je tuais mes enfants jadis. Maintenant, j'ai pris conscience que
ce que je faisais était une mauvaise pratique. Ainsi, chaque fois
que je pense devoir venir auprès de toi pour que tu m'indiques quel
est le rachat ou la rédemption de ce crime, ces deux sentiments
envers toi surgissent. Lorsque je pense qu'il vaudrait mieux que tu m'indiques
le moyen de me racheter, le sentiment d'amour envers toi apparaît,
mais lorsque je pense que ce serait douloureux pour moi pour toujours si
tu me disais que mon crime est impardonnable, le sentiment de haine envers
toi se soulève en moi. Maintenant, je suis venu quand même
pour savoir quelle est la solution de mon problème?».
- Abû Tharr m'a demandé: «Bon! Dis-moi d'abord si
tu avais commis ce crime pendant l'Epoque de l'Obscurantisme (pré-islamique)
ou après ta conversion à l'Islam?»
- Pendant l'Epoque Obscurantiste, ai-je répondu.
- Ton péché est pardonné. L'Islam est le remède
de tous ces genres de péchés, conclut Abû Tharr.
»En entendant cette réponse, j'ai été satisfait
et soulagé. Et m'apprêtant à prendre congé,
Abû Tharr me dit: "Attends". Je me suis exécuté, et
Abû Tharr a fait signe à son épouse pour qu'elle apporte
un repas. Celle-ci s'est éclipsée puis elle a réapparu
avec des choses à manger. Abû Tharr m'a dit: "Bismillâh
(Veuille bien commencer à manger, au nom d'Allah)". Avant de me
mettre à table, je lui ai demandé de venir me joindre. Il
m'a dit: "Je fais le jeûne"et il s'est mis à accomplir ses
prières. J'ai commencé à manger et lorsque j'étais
sur le point de terminer le repas, il a fini sa prière et s'est
mis à manger.
»Interloqué, je lui ai dit: "Dire des mensonges constitue
un grand péché en Islam, et même si je présume
qu'une personne serait menteuse, il est possible qu'elle le soit. Mais
je ne sais pas quelle opinion je devrais me faire de toi?".
- Abû Tharr m'a répondu: "Tu étais assis pendant
si longtemps avec moi. Qu'est-ce qui te fait présumer que je serais
menteur?".
- J'ai répondu: "Tout à l'heure tu m'as dit que tu faisais
le jeûne et te voilà maintenant en train de manger avec moi!".
- Abû Tharr: "Je n'ai pas menti. Je fais le jeûne tout en
mangeant avec toi".
- "Comment cela?" lui ai-je demandé avec étonnement.
- Abû Tharr m' a expliqué: "Le Saint Prophète a
affirmé que quiconque fait le jeûne le 13e, le 14e et le 15e
jours du mois de Cha`bân, est considéré comme observant
le jeûne pendant tout ce mois. En d'autres termes, il aura la récompense
spirituelle de dix jours pour chaque jour de jeûne. Et comme j'ai
fait le jeûne pendant ces trois jours, j'ai le droit de penser que,
sur le plan de la récompense, j'observe le jeûne pendant tout
le mois".»(8)
Al-`Allâmah al-Bayhaqî relate un récit similaire
dont ci-après le résumé:
«Un jour, Abû Tharr et `Abdullâh Ibn Chafîa
al-`Uqaylî sont allés chez quelqu'un, comme hôtes. Abû
Tharr avait dit d'abord qu'il observait le jeûne, mais quand on a
servi le repas, il s'est mis à manger. Abdullâh, déconcerté,
lui a demandé alors: "Mais tu fais le jeûne!". Abû Tharr
lui a répondu: "J'en suis tout à fait conscient. Je ne l'ai
pas oublié. Mais je fais toujours le jeûne pendant les trois
jours de chaque mois, appelés Ayyâm al-Bîdh,
et en vertu de la Tradition du Saint Prophète, j'ai le droit de
me considérer comme observant le jeûne pendant tous les jours
du mois"». (Sunan al-Bayhaqî)
Chapitre 6
Véridicité, érudition et ascétisme
Al-Chahîd al-Thâlith, al-`Allâmah al-Chustarî
écrit à propos d'Abû Tharr:
«Il était l'un des plus grands Compagnons et reconnu comme
étant parmi les premiers d'entre eux à avoir embrassé
l'Islam. En effet, il était la troisième personne à
épouser l'Islam, après la Mère des Croyants, Khadijah
al-Kubrâ et le Commandeur des Croyants, l'Imam `Ali Ibn Abî
Tâlib. Selon l'auteur de "Isti`âb", ses traits distinctifs
étaient sa vaste connaissance, son austérité, sa piété
et sa véracité. L'Imam `Ali disait qu'Abû Tharr avait
atteint une position dans l'acquisition et la compréhension des
enseignements islamiques que personne d'autre n'avait pu atteindre. Le
Saint Prophète disait qu'Abû Tharr était semblable
à `Isâ dans ma Nation et qu'il avait l'austérité
du Prophète `Isâ».
Selon une tradition, quiconque voudrait voir l'humilité du Prophète
`Isâ (Jésus) doit observer le caractère d'Abû
Tharr. Dans son livre "`Uyûn Akhbâr al-Redhâ", al-Chaykh
al-Çadûq écrit que l'Imam `Ali al-Redha rapporta de
ses grands-pères que le Prophète avait dit: «Abû
Tharr est le véridique de cette Ummah (Nation Musulmane)».
L'Imam `Ali Ibn Abi Tâlib prédisait qu'Abû Tharr
serait le seul homme à ne pas transiger avec les ordres et les Commandements
d'Allah, c'est-à-dire qu'il dirait ce qui est vrai et qu'il le suivrait
d'acte, sans se soucier d'aucune menace qui en découlerait, ni des
intimidations du pouvoir en place.
Des théologiens ont fait remarquer qu'Abû Tharr avait prêté
serment devant le Prophète de ne craindre aucun reproche lorsqu'il
s'agit de sa foi en Allah et de dire la vérité, si amère
soit-elle.
La véracité et le courage sont des qualités que
même les plus grandes personnalités ne peuvent s'en doter
facilement. Mais le Saint Prophète avait prédit que ces qualités
seront les traits saillants d'Abû Tharr, en ajoutant que ce dernier
jouera un grand rôle sur ce plan et qu'il préservera ces qualités
même lorsqu'il subira des persécutions difficilement supportables.
Le Prophète (Ç) dit: «Il n'y a entre le baldaquin
du ciel et le tapis de la terre, personne qui dépasse Abû
Tharr quant à sa véracité»(9).
Expliquant ce hadith, al-`Allâmah al-Subaytî écrit:
«Le Saint Prophète, s'adressant à ses Compagnons dit:
"Qui parmi vous me rencontrera le Jour des Comptes dans la même
condition que je l'aurai quitté dans ce monde?". A cette question
tout le monde se tut sauf Abû Tharr qui dit que ce serait lui. Le
Saint Prophète approuva: «Il n'y a pas de doute. Tu as
raison», avant d'ajouter, en s'adressant à ses Compagnons:
«O mes Compagnons! Rappelez-vous bien ce que je vais vous dire.
Il n'y a personne entre la terre et le ciel qui soit plus véridique
qu'Abû Tharr»(10).
Dans son livre "Hayât al-Qulûb", Al-`Allâmah al-Majlici
a mentionné ce Hadith en le faisant suivre par d'autres récits
dans le même sens.
Ibn Bâbawayh, citant des sources dignes de foi, écrit:
«Quelqu'un a demandé à l'Imam al-Çâdiq
si Abû Tharr était meilleur que les Gens de la Maison du Prophète
ou si c'est bien le contraire? L'Imam répondit: "Combien de mois
y a-t-il dans une année?". "Douze", répondit l'interlocuteur.
"Parmi ces douze mois, combien quel est le nombre des mois sanctifiés?"demanda
encore l'Imam. "Quatre", répondit l'interlocuteur. "Le mois de Ramadhân
fait-il partie de ces quatre mois?" poursuit l'Imam. "Non", dit l'homme.
"Ramadhân est-il meilleur que les quatre mois sanctifiés ou
le contraire?"continua l'Imam. "Le mois de Ramadhân est meilleur",
fit l'interlocuteur. "Tel est aussi notre cas nous les Ahl-ul-Bayt. On
ne peut comparer personne à nous"».
Un jour Abû Tharr était assis en compagnie d'autres personnes
qui étaient en train d'évoquer les mérites des notables
de la Ummah. Abû Tharr dit: «`Ali (Ibn Abi Tâlib) est
le meilleur de cette Nation, il est celui qui répartit les gens
entre le Paradis et l'Enfer; il est le Çiddîq (le véridique)
et le Faroûq (celui qui distingue le vrai du faux) de la Ummah, et
la preuve d'Allah auprès d'elle». En entendant ces éloges,
les Hypocrites de l'assemblée se détournèrent la face,
et le traitèrent de menteur. Abû Amâmah se leva sur-le-champ,
alla voir le Prophète et lui rapporta l'incident. Le Prophète
dit alors: «Il n'y a personne entre le ciel et la terre qui soit
plus véridique qu'Abû Tharr».
Le même livre, se référant à d'autres sources
parfaitement crédibles, relate que quelqu'un demanda un jour à
l'Imam J`afar al-Çâdiq si le Hadith du Prophète ci-dessus
cité était authentique, l'Imam répondit par l'affirmative.
L'interlocuteur demanda alors: «Quelle est dans ce cas la position
du Saint Prophète, de l'Imam `Ali, de l'Imam al-Hassan et de l'Imam
al-Hussayn». L'Imam al-Çâdiq répondit: «Nous
sommes comme le mois de Ramadhân qui renferme une nuit pendant laquelle
l'adoration d'Allah est égale à celle accomplie durant mille
mois, alors que les autres Compagnons sont comme les mois sanctifiés
par rapports aux autres mois de l'année. Personne ne peut être
comparé à nous, les Ahl-ul-Bayt».
Il ressort clairement du Hadith susmentionné du Saint Prophète
qu'Abû Tharr n'avait pas d'égal dans sa véracité.
Le commentaire et l'explication de ce même Hadith, faits par al-Subaytî,
nous indiquent qu'Abû Tharr aurait quitté ce monde dans la
même condition dans laquelle le Saint Prophète l'avait quitté,
et qu'il le rencontrera dans cette même condition le Jour de la Résurrection.
En fait, la persévérance d'Abû Tharr dans la voie qu'avait
tracée le Saint Prophète révèle son incomparable
vertu. Les théologiens s'accordent pour dire qu'Abû Tharr
ne s'était écarté, même pas d'un petit pouce,
de la ligne du Prophète. Après la disparition du Messager
d'Allah, même un Compagnon comme Salmân était contraint
de prêter serment d'allégeance au pouvoir, et il fut tellement
battu un jour dans le masjid que son cou en devint ballonné. Mais
Abû Tharr ne consentit jamais à se taire.
Al-`Allâmah al-Subayti écrit: «Abû Tharr était
l'un de ces adeptes du Saint prophète, qui collèrent sur
leur voie et restèrent fermement fidèles à leur convention
avec Allah. Il obéit au Saint Prophète très sincèrement,
suivit ses traces et imita sa conduite. Il ne quitta l'Imam `Ali même
pas l'espace d'une seconde, le suivit jusqu'à la fin et reçut
les bénéfices de la lumière de son savoir"».
Al-`Allâmah al-Majlicî écrit: «Ibn Bâbwayh
rapporte le récit suivant de l'Imam al-Çadiq: "Un jour Abû
Tharr passa chez le Prophète à un moment où il parlait
en privé avec Jibrâ'îl (l'archange Gabriel) qui avait
pris la forme de Dahyah al-Kalbî. Abû Tharr se retira, présumant
que Dahyah al-Kalbî tenait une conversation privée avec le
Messager d'Allah. Après son départ Jibrâ'îl dit
au Prophète: "O Mohammad! Abû Tharr vient d'arriver, mais
il est reparti tout de suite sans me saluer. Crois-moi que s'il m'avait
salué, j'aurais certainement répondu à sa salutation.
O Mohammad! Abû Tharr porte sur lui une Invocation que les habitants
du Paradis connaissent bien. Ecoute! Quand je retourne au Ciel, interroge-le
sur cette invocation". Le Prophète (P) dit: "D'accord". Lorsque
Jibrâ'îl repartit et qu'Abû Tharr revint chez le Prophète,
celui-ci lui demanda: "O Abû Tharr! Pourquoi ne nous as-tu pas salués
quand tu es venu tout à l'heure?". Abû Tharr répondit:
"Quand je suis venu, Dahyah al-Kalbî était assis à
côté de toi et tu tenais une conversation avec lui. Je pensais
que vous aviez des choses privées à vous dire et j'ai estimé
qu'il n'était donc pas convenable de vous interrompre. Aussi, ai-je
rebroussé chemin". Le Saint Prophète lui dit: "Ce n'était
pas Dahyah al-Kalbî, mais Jibrâ'îl éguisé
en ce personnage. O Abû Tharr! Il m'a dit que si tu l'avais salué,
il aurait répondu à ta salutation. Il m'a informé
aussi que tu possèdes une invocation bien connue parmi les gens
du Ciel". Abû Tharr se sentit très gêné et exprima
son regret. Puis le Saint Prophète lui dit: "O Abû Tharr!
J'aimerais connaître la prière que tu récites et dont
parlent les gens des ciels". Abû Tharr lui récita alors la
prière suivante:
"Allâhumma innî As'aluka-l-amna wa-l-îmâna
bika wa-t-taçdîqa bi-nabiyyika wa-l-`âfiyata min jamî`-il-balâ'i
wach-chukra `ala-l-`âfiyati wa-l-ghinâ `an chirâr-in-nâss»
(= O Allah, Je Te demande de m'accorder la sécurité et
la foi en Toi, la croyance à Ton Prophète, l'évitement
de tous les malheurs, la reconnaissance pour la bonne santé, le
non-besoin des méchants parmi les gens)"(11).
Il y a d'innombrables traditions, aussi bien Chiites que Sunnites, qui
affirment que le Prophète avait ordonné que les Musulmans
doivent aimer quatre Compagnons. Les théologiens disent que ces
quatre Compagnons sont: `Ali Ibn Abi Tâlib, Abû Tharr, Al-Miqdâd
et Salmân al-Faricî.
`Omar Kachi dans son "Rijâl", Abû Ja`far al-Qummî
dans "Al-Khaçâ'il", `Abdullâh al-Humayrî dans
"Qurb-ul-Asnad", Al-Chaykh al-Mufîd dans "Al-Ikhtiçâç",
Al-Ayâchî dans son "Commentaire", Al-Çadûq dans
"`Uyûn Akhbâr al-Redhâ", `Abdul Barr dans "Al-Isti`âb",
Ibn Sa`d dans son "Tabaqât" et l'auteur de "Usud al-Ghâbah"
dans son livre, ont rapporté le Hadith suivant:
«Le Saint Prophète a dit: "Allah m'a ordonné
de préserver et d'aimer mes quatre Compagnons et amis, et j'ai été
également informé qu'Allah aussi les considère comme
des amis. Ces Compagnons sont:
1- `Ali Ibn Abi Tâlib
2- Abû Tharr al-Ghifârî
3- Al-Miqdâd Ibn Aswad
4- Salmân al-Farecî"»
(voir "Michkât Charîf", p. 572).
Selon un autre Hadith ces quatre Compagnons étaient: Salmân
al-Farecî, Abû Tharr al-Ghifârî, Al-Miqdâd
et Ammâr Ibn Yâcir. Les théologiens sont d'avis que
ce sont ces quatre noms qui font l'objet de l'affection des cieux et de
leurs habitants. Il est dit dans une tradition (hadith) que lorsqu'un crieur
proclamera le Jour du Jugement: "Où sont ces Compagnons de Mohammad
Ibn `Abdullâh qui n'ont pas trahi leur promesse d'aimer les Ahlu
Bayt al-Risâlah (les Gens de la Maison du Messager = la famille du
Prophète), et qui sont restés fidèles à cet
engagement?", Salmân al-Farecî, Al-Miqdâd et Abû
Tharr se lèveront».
Al-`Allâmah Nûrî écrit, citant "Rawdh-ul-Wâ'idhîn"
de Cheikh al-Chahîd Mohammad Ibn Ahmad Ibn `Ali Ibn Fital Nîchâpûrî
que l'Imam Mohammad al-Bâqir a dit: «Il y a dix degrés
de foi. Al-Miqdâd en avait atteint huit, Abû Tharr neuf et
Salmân al-Fârecî dix».
"Le lien de fraternité" fait référence à
l'événement historique pendant lequel le Saint Prophète
établit la fraternité entre chaque deux individus de ses
compagnons, avant et après son Emigration à Médine.
Avant l'Emigration, il avait établi le lien de fraternité
entre chaque deux compagnons afin que chacun d'eux, ainsi lié, reste
attaché à l'autre. Le choix des deux partenaires tenait compte
du tempérament de chacun. Il choisissait, pour la fraternisation,
deux compagnons, de nature et de caractère semblables. C'est sur
cette base qu'il avait établi la fraternité entre Abû
Bakr et `Omar, Talhah et al-Zubayr, `Othmân et `Abdul-Rahmân
Ibn `Awf, Hamzah et Zayd Ibn Hârithah, Salmân et Abû
Tharr, lui-même et `Ai.
Puis, cinq ou huit mois (selon des versions différentes) après
l'Emigration, le Saint Prophète établit de nouveau des liens
de fraternité de la même façon. Il était nécessaire
d'établir des liens de fraternité entre les Emigrants (Muhâjirîn)
et les Partisans (qui sont les autochtones) afin qu'ils sympathisent entre
eux. Il établit ainsi des liens de fraternité entre cinquante
personnes.
Al-`Allâmah Chibli al-No`mânî écrit: «L'Islam
possède les meilleures moeurs et les vertus les plus parfaites.
Il a tenu compte de la nécessité de la compatibilité
des goûts et des tempéraments lorsqu'il a établi la
fraternité entre chaque deux compagnons. L'unité du goût
entre l'instituteur et l'élève est nécessaire pour
l'assimilation du savoir. L'étude de l'événement de
la fraternisation nous permet de constater que le facteur de l'unicité
du goût entre chaque deux compagnons appelés à fraterniser
était pris en compte. Et lorsqu'on sait qu'il est quasiment impossible
de juger et de déterminer avec précision, et en si peu de
temps, les tempéraments, les goûts et les caractères
de centaines de personnes, on doit reconnaître que le jugement du
Saint Prophète était un exemple spécifique des attributs
de la prophétie»(12) .
En outre, l'étude de la fraternisation et du choix de deux compagnons
pour être liés par un lien de fraternité nous fournit
des indications supplémentaires importantes sur la personnalité
et la position de chacun de ces compagnons. Il est notable de remarquer
ici que le Saint Prophète n'avait trouvé personne ni parmi
les Emigrants, ni parmi les Partisans qui fût du goût de `Ai
Ibn Abi Tâlib. Et lorsque celui-ci demanda au Saint Prophète:
«O Messager d'Allah! A qui m'as-tu lié par alliance de fraternité?»,
ce dernier répondit: «Tu es mon frère dans ce monde
et dans l'Autre». Ce qui autorisa l'Imam Ali à proclamer par
la suite du haut de sa chaire au Masjid de Kûfa, et à diverses
reprises: «Je suis le serviteur d'Allah et le frère du Prophète
d'Allah»(13) .
Il est à noter dans ce contexte que le Saint Prophète
disait à propos de Salmân al-Farecî: «Salmân
est l'un de nos Ahl-ul-Bayt (la Famille du Prophète)». Or,
ce n'est sûrement pas par hasard que le Saint Prophète choisit
pour Salmân, Abû Tharr comme "frère".
Al-`Allâmah al-Subaytî cite à ce propos la déclaration
de Çâleh al-Ahwal selon laquelle il avait entendu l'Imam Ja`far
al-Çadiq dire que le Saint Prophète avait établi le
lien de fraternité entre Salmân et Abû Tharr et demandé
à celui-ci de ne pas s'opposer à celui-là» ("Abû
Tharr al-Ghifârî", p.86, cité par Uçûl
al-Kâfî).
La position d'Abû Tharr dans l'Islam était telle, que des
versets coraniques furent révélés en ses louanges.
L'un de ces versets est: «Ceux qui auront cru et qui auront accompli
des oeuvres bonnes habiteront les Jardins du Paradis où ils demeureront
immortels sans désirer aucun changement» (Sourate al-Kahf,
18: 107-108).
L'Imam Ja`far al-Çadiq dit que ce verset faisait allusion à
Abû Tharr, al-Miqdâd, `Ammâr Ibn Yâcir et Salmân
al-Farecî. Selon une Tradition, le Prophète (P) dit qu'Allah
lui avait ordonné d'aimer Salmân, Abû Tharr, al-Miqdâd
et `Ammâr, en ajoutant qu'il les tient, lui-même, pour des
amis. Selon une autre Tradition le Prophète dit: «Le Paradis
est heureux de recevoir ces gens»(14).
Al-`Allâmah al-Guilânî écrit que l'honneur
et le prestige d'Abû Tharr s'affirmaient, jour après jour,
dans le cercle du Prophète, à tel point que lorsque le Messager
d'Allah partit pour livrer la Bataille de Thât al-Ruqa`(15),
il le nomma chef de Médine, et il élevait même d'autres
membres de sa tribu, à cette dignité, pour marquer son estime
pour lui et les siens. Par exemple, le Saint Prophète nomma Saya`
Ibn `Urfah al-Ghifârî, chef de Médine lors de la Bataille
de Dawmat al-Jandal" (voir Zâd al-Ma`âd).
Il était courant en Arabie que chaque fois que quelqu'un monte
sur un chameau, il demandait à son ami le plus cher de servir de
"dossier" pour lui. Le "dossier" s'asseyait normalement derrière
lui et le tenait par la taille. Conformément à cette coutume
générale, le Prophète, aussi, avait un homme-"dossier".
Au cours du dernier pèlerinage son "homme-dossier" était
Al-Fadhl Ibn `Abbâs Ibn `Abdul Muttalib.
Les Compagnons considéraient que le fait de se servir de "dossier"
au Saint Prophète était un grand honneur. Le "dossier"du
Prophète était appelé "Radif al-Nabî". Les théologiens
disent que le Prophète conférait cet honneur, la plupart
du temps à Abû Tharr. Le Messager d'Allah montait non seulement
sur les chameaux, mais souvent aussi, sur des animaux plus petits, tels
que les ânes. Il avait l'habitude de mettre Abû Tharr derrière
lui et de converser avec lui tout au long du trajet (Tabaqât Ibn
Sa`d).
Châh Walyyullâh Delhavi, décrivant la période
de troubles pendant l'événement de Harrah, écrit:
«Abû Dâwûd a cité le récit suivant
relaté par Abû Tharr: "Un jour, j'étais assis derrière
le Prophète sur un âne. Lorsque nous avons quitté le
quartier populaire de Médine, il m'a demandé quelle sera
mon attitude lorsque la famine sévira à Médine et
qu'il me sera difficilement supportable même de quitter mon lit pour
aller jusqu'au masjid? J'ai répondu: "Allah et Son Messager le savent
mieux que moi". Il dit: "O Abû Tharr! N'essaie pas de mendier pendant
ces temps difficiles". Et de me demander encore: "Quelle sera ton attitude
lorsque le prix d'un tombeau sera égal à celui d'un esclave
en raison du très haut taux de mortalité?". J'ai répondu:
"Allah et Son Messager le savent mieux que moi". Il a dit: "O Abû
Tharr! Pratique la patience en ce moment-là". Il m'a demandé
encore: "O Abû Tharr! Quelle sera ton attitude lorsqu'il y aura à
Médine un génocide tel que les pierres et le sable seront
rouges de sang?". J'ai répondu: "Allah et Son Messager le savent
mieux que moi." Il m'a commandé alors: "Tu dois rester chez toi".
Je lui ai demandé: "Ne dois-je pas porter l'épée en
ce moment-là?", il a répondu: "Tu seras alors considéré
comme le complice des assassins". J'ai demandé encore: "O Messager
d'Allah! Que dois-je faire alors?". Il a répondu: "Même si
tu craignais que l'éclat du sabre aveugle tes yeux, tu devras te
contenter de couvrir ton visage avec ton vêtement. Ne te bats pas
et garde le silence"».
Enfin, on peut lire à la page 176, Vol. 5 de "Musnad Ahmad Ibn
Hanbal" (Edition d'Egypte) que le Saint Prophète avait l'habitude
de confier ses secrets à Abû Tharr et de dire qu'il avait
une confiance totale en lui. Abû Tharr, quant à lui, montra
qu'il était digne de cette confiance, et il sut effectivement, garder
pour lui les confidences que le Prophète lui avait faites. Chaque
fois qu'on lui demandait quelque chose sur une Tradition, il répondait:
«A l'exception des secrets que le Saint Prophète m'avait confiés
pour que je les garde pour moi, je vous dis tout, volontiers. Vous pouvez
me demander tout ce que vous voulez».
Chapitre 7
Les Enseignements du Prophète à
Abû Tharr
Les exhortations que le Saint Prophète avait faites à
Abû Tharr ne se comptent pas. Nous jetons ci-dessous la lumière
sur quelques-unes d'entre elles.
Mohammad Hârûn Zangipûrî écrit, en citant
les "Amâlî" de cheykh al-Tûcî, que le Prophète
dit à Abû Tharr:
- «O Abû Tharr! Adore Allah comme si tu Le voyais ou
qu'IL te voyait, et ce, même si tu ne le voyais pas.»
- «Sache que la première étape de l'adoration
d'Allah est Sa Connaissance, c'est-à-dire comprendre qu'IL est le
premier et qu'avant Lui il n'y avait rien. IL est Unique et sans partenaire.
IL est Eternel et n'a pas de fin. IL est le Créateur de tout ce
qui existe entre le Ciel et la Terre. IL est Pur et Omniscient. IL est
dépouillé de tout défaut, et IL est le Créateur
de toutes choses.»
- «Après avoir compris l'Unicité d'Allah, il
est nécessaire de reconnaître ma Prophétie et de croire
qu'Allah m'a envoyé comme annonciateur de bonnes nouvelles, avertisseur
et phare lumineux de guidance afin de conduire les gens vers Allah.»
- «Après la reconnaissance de ma Prophétie, il
est obligatoire et essentiel d'aimer les Ahl-ul-Bayt (les membres désignés
de ma famille) qu'Allah a purifiés de toutes sortes de péchés.(16)
- «Prends un soin particulier de deux bienfaits que beaucoup
de gens ne savent pas apprécier à leur véritable valeur:
la bonne santé et le temps libre [qu'on doit exploiter pour le consacrer
à l'adoration d'Allah]».
- «Exploite bien cinq choses avant l'échéance
de cinq autres choses: 1- Ta jeunesse avant [l'échéance de]
ta vieillesse; 2- Ta bonne santé avant que tu ne tombes malade;
3- Ta richesse avant que tu ne connaisses la pauvreté; 4- Tes loisirs
[ton temps libre] avant que tu ne sois trop occupé; 5- Ta vie avant
ta mort ».
- «O Abû Tharr! Prends garde de te nourrir de trop d'espoir,
car tu appartiens seulement au jour d'aujourd'hui et non au lendemain.
Si tu vis encore le lendemain, tu pourras encore faire, pendant ce jour,
ce que tu as fait aujourd'hui et si tu ne connais pas le lendemain tu ne
regretteras pas ce que tu auras fait aujourd'hui.»
- «O Abû Tharr, des gens se sont réveillés
le matin sans avoir pu terminer la journée et combien de gens attendaient
le lendemain sans avoir pu l'atteindre!»
- «O Abû Tharr, si tu observes bien la mort et son déroulement,
tu détesteras l'espoir et sa vanité.»
- «O Abû Tharr! Conduis-toi dans la vie comme un voyageur
ou un simple passager, et considère-toi comme un habitant des tombeaux.»
-«O Abû Tharr! Quand tu te réveilles le matin,
ne pense pas à vivre jusqu'au soir et si tu vis le soir ne pense
pas au lendemain. Profite de ta bonne santé avant de tomber malade,
et de ta vie avant de mourir, car tu ne sauras jamais quel sera ton sort
le lendemain.»
- «O Abû Tharr! Sois plus parcimonieux avec le temps
de ta vie qu'avec ton argent et tes biens.»
- «O Abû Tharr! Allah réservera le regard le plus
réprobateur à un `Alem (savant religieux) dont le savoir
ne profite pas aux gens. D'autre part, quelqu'un qui cherche à acquérir
le savoir pour attirer le regard des gens sur lui ne respirera jamais l'air
du Paradis ».
- «O Abû Tharr! Si on te pose une question dont tu ne
connais pas la réponse, dis: "Je ne sais pas", pour que tu sois
à l'abri des conséquences fâcheuses d'une mauvaise
réponse. D'autre part n'émets pas une opinion sur un sujet
que tu ignores, cela te sauvera des supplices infligés par Allah
le Jour du Jugement.»
- «O Abû Tharr! Un jour des gens parmi les habitants
du Paradis diront à un groupe d'habitants de l'Enfer: «Qu'est-ce
qui vous a conduits en Enfer, alors que nous sommes entrés au Paradis
grâce à votre enseignement et vos conseils?!». Le second
groupe répondra: «Nous avions l'habitude de commander le bien
sans le faire nous-mêmes.»
- «O Abû Tharr! Allah a trop de droits sur les serviteurs
pour que ceux-ci puissent s'en acquitter, et Ses bienfaits sont trop nombreux
pour qu'ils puissent les recenser. Mais le seul moyen pour les serviteurs
de se montrer reconnaissants, c'est de se repentir matin et soir.»
- «O Abû Tharr! Dans l'écoulement du jour et de
la nuit, tu ne sais jamais quelle est le moment de l'échéance
(la mort), mais tes actes sont enregistrés et produiront leurs effets.
La mort peut te surprendre à tout moment. Celui qui sème
le bien s'achemine vers la récolte du bien et celui qui sème
le mal s'achemine vers la récolte du regret. Chaque cultivateur
aura le produit de ce qu'il a semé (...). Celui qui obtient un bienfait
c'est Allah Qui le lui a donné et celui qui échappe à
un malheur, c'est Allah Qui l'en a sauvé.»
- «O Abû Tharr! Ceux qui font preuve de leur crainte
révérencielle vis-à-vis d'Allah sont des maîtres,
les faqîh (jurisconsultes) sont des dirigeants. Les fréquenter
est toujours un avantage. Le vrai croyant regarde son péché
comme une roche qui risquerait de tomber sur lui, alors que le mécréant
considère son péché comme une mouche qui passe devant
son nez.»
- «O Abû Tharr! Si Allah - Le Très- Haut - veut
le bien pour un serviteur, IL place ses péchés devant ses
yeux, mais s'IL veut punir un serviteur, IL lui fait oublier ses péchés.»
- «O Abû Tharr! Ne regarde pas l'insignifiance du péché,
mais mets plutôt devant tes yeux Celui à Qui tu as désobéi.»
- «O Abû Tharr! L'âme du croyant est plus agitée
et mal à l'aise face au péché, que le moineau tombé
dans un piège.»
- «O Abû Tharr! Ne te mêle pas des affaires dans
lesquelles tu n'as rien à avoir et ne parle pas de ce qui ne te
regarde pas. Contrôle ta langue de la même façon dont
tu protèges ta nourriture.»
- «O Abû Tharr, Allah m'a fait considérer la prière
comme la prunelle de mes yeux. IL m'a fait aimer la prière comme
un affamé aime la nourriture et un assoiffé, l'eau, à
cette différence près que lorsque l'affamé mange,
il est rassasié et lorsque l'assoiffé boit, il est désaltéré,
alors que moi, ma soif de prière n'est jamais apaisée.»
- «O Abû Tharr! Tant que tu te trouves en prière
tu es en train de frapper à la porte du Roi Absolu. Or, quiconque
ne se lasse pas de frapper à la porte du Roi, la porte finira par
s'ouvrir devant lui.»
- «O Abû Tharr! Ne transforme pas ta maison en tombeau.
La maison dans laquelle on ne prie pas est aussi obscure qu'une tombe.
Et si tu désires aménager une lumière dans ton tombeau,
prie dans ta maison, et la lumière ainsi procurée sera transférée
vers ta tombe.»
- «O Abû Tharr! La prière est le pilier de la
foi, et la charité rédime le péché. Mais contrôler
ta langue est plus important que l'accomplissement de ces deux actes réunis.»
- «Quelqu'un qui a le coeur dur ne peut s'approcher d'Allah.
Tu dois donc attendrir ton coeur. Les pleurs attendrissent le coeur. Quiconque
peut donner libre cours à ses larmes, qu'il le fasse. Quiconque
est incapable de pleurer, qu'il s'efforce de le faire.»
- «O Abû Tharr, rappelle-toi Allah dans l'état
de "khumûl" (dans l'obscurité)».
(Je lui ai demandé: «O Messager d'Allah! Et qu'est-ce que
le "khumûl"?» Il m'a répondu: "C'est se rappeler
Allah en secret".)
- «Allah a dit: "Mon serviteur est celui qui Me craint. Le
Jour du Jugement, J'ôterai la crainte du coeur de quiconque Me craint
dans ce monde. Il ne sera pas effrayé par la terreur de la Résurrection;
bien au contraire, il aura la paix de l'esprit"».
«Est intelligent celui qui se regarde avec modestie et oeuvre
en vue de l'Au-delà, et est impuissant et stupide celui qui suit
ses désirs charnels et néglige l'Autre-Monde.»
- «Le monde et ses habitants sont condamnés. Seul ce
qui aura été dépensé (fait) pour la cause d'Allah
peut bénéficier aux gens de ce monde.»
- «Allah a révélé à mon frère
le Prophète `Isâ (Jésus): «O `Isâ! N'aime
pas ce monde car Je ne l'aime pas. O `Isâ! J'aime l'Au-delà,
car il est le lieu du Retour. Tout un chacun y retournera pour rendre des
comptes, et recevoir la récompense ou la punition de ses actes.»
- «Allah remplira de sagesse le coeur (l'esprit) de celui qui
pratique l'austérité. Il conférera à sa langue
le pouvoir de parler un langage judicieux. IL lui montrera les vices du
monde et lui indiquera leurs remèdes. IL le sortira indemne de ce
monde vers Dâr al-Salâm (La Demeure de la Paix = la Vie Éternelle)».
- «Allah ne m'a jamais commandé d'accumuler la richesse.
Ce qu'IL m'a révélé, c'est: «Proclame la louange
de ton Seigneur! Sois au nombre de ceux qui se prosternent! Adore ton Seigneur
jusqu'à ce que la certitude te parvienne.» (17)
- «Je porte des vêtements rudes, je m'assois par terre
et je monte sur un âne non sellé. Tu dois donc suivre mes
traces, car celui qui se défait de ma Tradition, ne fait pas partie
de ma Nation (religion).»
- «Bienheureux sont ceux qui se détachent de ce bas-monde,
qui pointent leurs regards vers l'Autre Monde, qui font de la terre d'Allah
leur lit, de son sable leur matelas, de son eau leur parfum, et qui adoptent
le Livre d'Allah comme slogan, et Son invocation, comme rite, et qui enfin
se désintéressent des artifices de ce monde.»
- «La récolte des efforts pour ce bas-monde est la richesse
et la progéniture, et la récolte de la bonne action est la
Vie Éternelle.»
- «Crains Allah sans prêter attention aux gens, lesquels
finiront par t'apprécier.»
- «Rabaisse ta voix lors des cérémonies funèbres,
du combat, et de la récitation du Coran.»
- «Sache que le remède de toute chose avariée
est le sel,(18) mais si le sel devient
lui-même pourri, il n'a pas de remède». (Cette Tradition
est relative aux ulémas, et signifie que la religion sera corrompue
lorsque les ulémas eux-mêmes auront dévié).
- «Demande des comptes à toi-même, avant que tu
ne sois appelé à rendre des comptes. Cela t'aidera à
mieux te préparer pour le Jour du Compte.»
- «Celui qui prie sans accomplir la bonne action est semblable
à quelqu'un qui tire une flèche sans objectif.»
- «Allah fait état de Son admiration devant les Anges
pour trois catégories de personnes:
1- Un homme qui se trouve dans un lieu désert et qui après
avoir prononcé le "Athân" (l'appel à la prière)
suivi de l' "Iqâmah"(l'annonce du commencement immédiat de
la prière), se met à prier. Allah dit alors aux Anges: «Regardez
mon serviteur! Il prie et personne d'autre que Moi ne le voit». Sur
ce, soixante-dix mille Anges descendent du Ciel pour prier derrière
lui et continuent à implorer le pardon pour lui jusqu'au lendemain.
Mais se contente de réciter l'Iqâmah sans l'avoir prononcé
le Athân, seuls les deux Anges qui l'accompagnent habituellement
prient avec lui.»
2- Un homme qui se relève pendant la nuit et se met à
prier tout seul, puis il s'endort pendant qu'il est en prosternation. Allah
dit alors aux Anges: «Regardez mon serviteur. Son âme est auprès
de Moi et son corps est prosterné.
3- Un combattant qui lors d'une bataille reste dans son poste et
continue à se battre jusqu'à ce qu'il soit tué, alors
que ses compagnons d'armes ont déjà déserté.»
- «Celui qui invoque Allah là où les gens négligent
de le faire a le même mérite que celui qui continue à
se battre alors que ses compagnons ont déserté.»
- «Fréquenter un homme pieux est préférable
à la solitude, mais la solitude vaut mieux qu'une mauvaise fréquentation.
Dicter le bien est mieux que garder le silence, mais garder le silence
vaut mieux que dicter le mal.»
- «Partage ton repas avec quelqu'un que tu aimes pour sa piété,
et accepte de partager le repas de celui qui t'aime pour ta piété.»
- «Allah se trouve sur la langue de quiconque parle. Lorsqu'on
parle on doit donc veiller à son langage par crainte d'Allah.»
- «Quand tu parles, évite de trop parler. Dis juste
ce qu'il faut pour te faire comprendre.»
- «Il suffit de répéter tout ce qu'on entend
pour qu'on devienne menteur.»
«Lorsqu'on ne sait pas contrôler sa langue, on mérite
la prison.»
- «Allah aime que l'on respecte le savoir, les savants, les
aînés des Musulmans, les adeptes du Saint Coran et le Gouvernant
juste.»
- «O Abû Tharr! Ne veux-tu pas que je t'apprenne des
choses grâce auxquelles Allah te rendra service?». "Si!
O Messager d'Allah", répondis-je. Il dit: «Garde et suis
les Commandements d'Allah, IL te préservera et tu Le trouveras devant
toi. Rappelle-toi Allah lorsque tu es dans l'aisance, IL se souviendra
de toi lorsque tu te trouveras dans la difficulté. Si tu veux demander
quelque chose, demande-le à Allah. Si tu as besoin de secours, fais
appel à Allah. Car tout est prédéterminé (par
Allah) jusqu'au Jour du Jugement, et même si toute l'humanité
faisait tout pour te faire bénéficier de ce qui ne t'a pas
été prédestiné, elle n'y parviendra pas, et
si toute l'humanité faisait tout pour te porter un préjudice
qu'Allah ne t'a pas prédestiné, elle ne le pourrait pas.
Ainsi, donc, si tu pouvais oeuvrer pour la cause d'Allah en étant
certain que tu en acceptes les conséquences, fais-le; autrement
arme-toi de patience face à ce que tu n'aimes pas, cela vaudra beaucoup
mieux. Et sache que la victoire vient avec la patience, le soulagement
suit l'affliction, et le confort (l'aisance) la difficulté.»
- «Allah ne te jugera pas selon ton physique ou ta richesse,
mais d'après tes intentions et tes actes.»
- «Les traits caractéristiques d'un croyant sont : un
caractère paisible, la courtoisie et l'évocation d'Allah
dans toutes les circonstances.»
- «Maudit soit celui qui dit des mensonges dans l'intention
de faire rire.»
- «O Abû Tharr! Evite de médire, car la médisance
est pire que l'adultère». Etonné, j'ai dit: "Comment
cela? O Messager d'Allah!". Il m'a répondu: «Car, lorsque
celui qui commet l'adultère se repent, Allah accepte sa repentance,
alors que le péché de médisance ne sera pardonné
que lorsque la personne qui fait l'objet de médisance aura elle-même
pardonné à celui qui a médit d'elle.»
- «O Abû Tharr! Quiconque abuse d'un croyant est pécheur
et quiconque se bat contre lui est incroyant. Médire d'un croyant,
équivaudrait à manger de sa chair, ce qui est un grand péché.
Protéger la propriété d'un croyant, équivaudrait
à protéger sa vie». J'ai demandé alors:
"O Messager d'Allah! Qu'est-ce que la médisance?". Il m'a répondu:
«C'est de mentionner de ton frère musulman, des choses
qu'il n'aimerait pas qu'on mentionne». J'ai dit: «Même
si ce sont des choses vraies?». Il m'a répondu: «C'est
cela en fait la médisance. Autrement, lorsqu'on raconte sur quelqu'un
des choses qui ne sont pas vraies, c'est de la calomnie (et non pas de
la médisance), laquelle est passible d'une peine à part.»
- «O Abû Tharr! Le "qattât" n'entrera pas au Paradis».
Je lui ai demandé: «Qui est qattât?». Il
m'a répondu: «Le médisant».
- «O Abû Tharr! Le médisant ne pourra pas échapper
à la punition d'Allah le Jour du Jugement.»
-«Celui qui a un double langage et une double face ira en Enfer.
»
- «Divulguer les secrets d'un ami, c'est le trahir.»
- «Celui qui meurt avant de se repentir pour s'être montré
orgueilleux même une seule fois, ne sentira pas le parfum du Paradis.»
- «Quiconque possède deux chemises doit en utiliser
une pour lui-même et donner l'autre à un frère qui
en a besoin.»
- «Quiconque renonce à porter des vêtements coûteux,
malgré sa fortune, pour l'amour d'Allah, Allah lui donnera des costumes
au Paradis.»
«A la veille de l'avènement d'Al-Mahdi (P), il y aura
des gens qui porteront des vêtements en laine aussi bien en été
qu'en hiver pour faire étalage de leur richesse. Allah les maudira.»
-«Ce bas-monde est une prison pour le vrai croyant et un paradis
pour l'incroyant.»
- «On doit avoir des intentions honnêtes dans toutes
les circonstances, même lorsqu'on mange et on dort.»
Selon al-Hâfidh Abû Na`îm dans son livre "Hulyat al-Awliyâ'
", Abû Tharr dit:
«Un jour je suis allé voir le Saint Prophète alors
qu'il était assis dans le Masjid. À peine me suis-je assis
respectueusement en face de lui, il m'a dit:
- "Tu n'as pas fait montre de respect envers la mosquée".
- "Comment cela?", lui demandai-je.
- "Avec deux rak`ah (unité) de prière. Oui, Abû
Tharr! Chaque fois que tu entres dans un masjid, tu dois accomplir immédiatement
deux rak`ah de prière", m'a-t-il répondu.
J'accomplis tout de suite deux rak`ah de prière et je
lui demandai:
- "Quel est le meilleur qualificatif de la prière?".
- "La meilleure des piétés", me répodit-il
.
- "Quelle est la meilleure action?", demandai-je encore.
- "Croire en Allah et combattre sur le Chemin d'Allah constituent
la meilleure action", me répondit-il.
- "O Messager! Qui sont les croyants dont la foi est considérée
comme étant la plus parfaite?", dis-je.
- "Ceux dont les actes et les comportements sont bons", me répodit-il.
- "Quels sont les vrais Musulmans parmi les croyants?", porsuis-je.
- "Ceux dont la langue et la main ne nuisent pas aux gens", professa-il.
-"Qu'est-ce qu'il vaut mieux éviter?", lui demandai-je.
- "S'abstenir et s'écarter des péchés".
- "Et quelles sont les meilleures des prières?".
- "Celles dans lesquelles un long qunût (une supplication)
est récité".
- "O Maître! Qu'est-ce que le jeûne?" demandai-je.
-"C'est un acte d'adoration obligatoire qui appelle une grande récompense",
affirma-t-il.
- "Quel est le meilleur jihâd?".
- "Celui dans lequel la monture a les pattes coupées et le
combattant qui la monte tombe au champ d'honneur".
-"Quelle est la meilleure charité?"
- "Celle qui est prélevée sur un salaire gagné
dans un travail dur".
- "O Maître! Et quels sont les meilleurs des versets coraniques
révélés par Allah?".
- «Âyat al-Kursî»(19),
trancha le Messager d'Allah.
Je demandai enfin:
-"O Maître! Donne-moi quelques conseils".
Le Saint Prophète me dit alors:
"Je te conseille de:
*craindre Allah, car cette crainte est à la base de tous bons
actes;
* Réciter le Saint Coran, car il est la source de la lumière
pour toi sur la terre et ta mention favorable dans le ciel;
* Ne pas rire trop, car rire beaucoup fait mourir le coeur et fait
perdre au visage sa brillance;
* Garder le silence le plus souvent, cela t'évitera beaucoup
d'ennuis;
* Etre l'ami des déshérités et les fréquenter;
* Regarder toujours ceux qui sont moins favorisés que toi
économiquement, et non ceux qui sont plus riches que toi;
* Bien traiter tes proches (parents), même s'ils ne se montrent
pas très amicaux envers toi;
* Ne craindre aucune censure, si ton action est accomplie pour la
cause d'Allah;
* Dire la vérité, si amère soit-elle"».
Etant donné que le Saint Prophète était doué
de prescience, il prédit à Abû Tharr, à diverses
reprises, les événements futurs et les malheurs qui allaient
le frapper personnellement par la suite.
Ainsi, selon "Musnad Ahmad Ibn Hanbal", un jour Abû Tharr, épuisé
après de longues heures de prêche, se rendit au masjid et
s'y endormit profondément. Le Prophète voulant lui exprimer
sa sympathie pour ses efforts louables pour la Cause d'Allah, se dirigea
lui aussi vers le masjid. Il le réveilla et lui dit:
"O Abû Tharr! Que feras-tu si l'on venait à te chassera
de ce masjid un jour?". Abû Tharr répondit sans hésiter:
"O Maître! Si cela venait à arriver un jour, je dégainerai
mon épée et je trancherai la tête de celui qui essaiera
de me faire quitter le masjid." Le Prophète lui dit: «Non,
Abû Tharr! Ne fais pas cela, mais arme-toi plutôt de patience
dans de telles circonstances. Va là où on t'enverra et marche
vers l'endroit où on te conduira".
Selon al-`Allâmah al-Majlicî, un jour le Prophète
dit à Abû Tharr: «O Abû Tharr! Tu vivras seul,
tu mourras seul et tu seras ressuscité seul. Tu mourras seul dans
l'exil. Quelques Irakiens te laveront, te mettront en linceul et t'enterreront»
(Anwâr al-Qulûb).
Toujours selon al-`Allâmah al-Majlicî, un jour `Othmân
et Abû Tharr étaient entrés en discutant dans la Mosquée
du Prophète. Là ils virent le Messager d'Allah assis, penché
sur un coussin. Ils se dirigèrent tous deux vers lui. Peu après,
`Othmân quitta le lieu. Le Prophète dit alors à Abû
Tharr:
«O Abû Tharr! De quoi parlais-tu avec `Othmân?».
Abû Tharr répondit: «Nous discutions d'un verset du
Saint Coran». Le Prophète dit: «O Abû Tharr!
Un jour, pas très lointain, viendra où un différend
sérieux surgira entre vous deux, et où chacun de vous deux,
sera l'ennemi juré de l'autre. A cette époque-là l'un
de vous sera l'oppresseur et l'autre l'opprimé. Abû Tharr!
Tu ne devras jamais t'abstenir de dire la vérité, quelle
que soit l'oppression de la tyrannie sur toi» (Hayât al-Qulûb).
Il est plus que probable que le verset auquel fait allusion Abû
Tharr ci-dessus est celui qui concerne la Zakât. En effet, al-`Allâmah
al-Subaytî faisant référence à ce sujet, écrit
dans son livre qu'une discussion entre Abû Tharr et `Othmân
avait eu lieu à propos de la Zakât, et elle fut tranchée
par le Saint Prophète (Hayât al-Qulûb).
Les historiens et les "traditionnistes" (mohaddith) sont d'accord
pour dire qu'Abû Tharr avait atteint le sommet de la piété.
Il passa sa vie à prêcher, après avoir prêté
serment, devant le Saint Prophète, de dire toujours la vérité
à haute voix, de ne craindre aucun reproche tant qu'il s'agira de
défendre les Commandements d'Allah. Ses sermons sont innombrables,
en voici quelques-uns:
Selon al-`Allâmah al-Turayhî, Abû Tharr disait souvent
dans ses prêches: «O gens! Même si votre dos devenait
courbé et que vos membres cessaient de fonctionner à force
de vous être livrés à des prières interminables
et à d'autres actes d'adoration, vous ne pourrez pas espérer
tirer des récompenses de ces prières tant que l'amour des
Ahl-ul-Bayt n'habiterait pas vos coeurs. Vous devez donc avant tout susciter
dans vos coeurs l'amour de la Famille de Mohammad» ("Majam` al-Bahraïn",
p. 356).
Al-`Allâmah al-Subaytî écrit qu'un jour Abû
Tharr s'écria à haute voix à la porte de la Ka`bah:
«O mes frères! Approchez-vous et écoutez-moi bien».
Les gens s'attroupèrent autour de lui. Abû Tharr dit à
leur adresse: « Chacun de vous fait des provisions pour son voyage
et commence celui-ci une fois que ses provisions ont été
faites. Ce serait très difficile pour quelqu'un de voyager sans
provisions. O mes frères! Votre voyage vers le Jour de la Résurrection
vous attend inévitablement. Il vous est donc nécessaire de
préparer les provisions pour la route». Les gens dirent: «O
frère! Il n'y a pas de doute que nous partirons en voyage vers la
Résurrection, mais nous ne savons pas quelles provisions nous devrions
apporter». Abû Tharr répondit: «La provision de
ce voyage est "le Hajj" de la Ka`bah, le jeûne pendant les
jours les plus chauds, l'accomplissement de deux rak'ah (unité)
de prière en vue d'échapper à l'horreur du tombeau
pendant l'obscurité de la nuit. O mes frères! Accomplissez
de bons actes. Préservez votre langue de mauvaises paroles. Dépensez
votre fortune dans la charité. Passez vos jours à vous préparer
pour l'Au-delà et veillez à gagner votre vie légalement.
Si vous gagnez deux dirhams, dépensez-en un pour vos prochains et
donnez l'autre en charité pour vous assurer le bien-être dans
l'Au-delà.
»Ecoutez-moi bien! Votre vie est divisée en deux étapes.
L'une d'elles est déjà passée, l'autre est à
venir. Faites la bonne action et délivrez-vous des péchés
déjà commis pendant l'étape à venir. Ecoutez-moi
encore! Si vous ne suivez pas ces conseils, vous serez certainement ruinés
et dans l'Au-delà vous n'aurez que la damnation».
Un homme lui demanda: «Dis-nous pourquoi donc nous n'aimons pas
aller à la mort?». Abû Tharr répondit: «Parce
que vous avez détruit votre vie future à cause de votre attachement
à ce monde éphémère. Vous savez que vous n'avez
rien fait pour la Vie Future et que vous ne sauriez vous y attendre à
des circonstances favorables. Donc, il est normal que vous n'aimeriez pas
aller à un endroit qui vous soit hostile».
Puis on lui demanda: «De quelle façon serons-nous présentés
devant Allah?». Abû Tharr répondit: «Ceux d'entre
vous qui auront accompli de bons actes, iront vers Lui comme un voyageur
qui retourne chez lui, tandis que les pécheurs y seront conduits
comme des évadés ramenés à la prison».
On lui demanda encore: «Quelle sera notre condition devant Allah?».
Abû Tharr répondit: «Vous pouvez en juger vous-mêmes.
Jugez vos actes à la lumière du Livre d'Allah. Allah dit:
«Les vertueux iront au Paradis, et les pécheurs en Enfer».
On lui demanda: «Si c'est ainsi, comment Sa Miséricorde pourrait-Elle
nous aider?». Abû Tharr dit: «Allah nous a déjà
informés que Sa Miséricorde est pour les vertueux».
Un homme écrivit un jour à Abû Tharr: «Ecris-moi
quelque chose sur la connaissance». Abû Tharr répondit:
«La connaissance n'a pas de limites. Jusqu'à quel niveau veux-tu
que je t'écrive? Mais je pourrais d'ores et déjà te
dire ceci: Prends garde de ne pas faire de mal à tes amis».
Son correspondant, lui écrivit encore: «Mais personne ne peut
faire du mal à un ami!». Abû Tharr répondit:
«Tu t'aimes toi-même plus que personne et personne n'est plus
ami avec toi que toi-même. Pourtant, il arrive que tu commettes un
péché contre Allah. Or, ce faisant tu fais certainement du
mal à toi-même».
Un jour Abû Tharr, s'adressant à une foule, dit: «O
gens! Allah vous a créés comme des êtres humains. Ne
vous transformez pas en des animaux et des bêtes de proie en péchant
contre Lui».
Al-`Allâmh al-Cheikh al-Mufîd écrit: «Un jour
Abû Tharr dit dans un sermon: «Vous serez récompensés
selon vos actes, et vous ne récolterez que ce que vous aurez semé,
c'est-à-dire que votre récompense sera proportionnelle à
vos actes. Si vous accomplissez de bons actes dans ce monde, vous aurez
une bonne récompense dans l'autre Monde, et si vous commettez des
péchés vous serez rétribués en conséquence.
Votre langue est la clé du bien et du mal à la fois. Vous
devez fermer votre coeur aussi hermétiquement que votre bourse,
c'est-à-dire que vous devez préserver votre coeur de la même
façon que vous conservez votre fortune, afin d'empêcher tout
élément nuisible d'y pénétrer. Les sentiments
qui habitent votre coeur doivent rester nobles et purs» ("Al-Amâlî"
d'al-Cheikh al-Mufîd).
Al-`Allâmah al-Majlicî écrit: «Abû Tharr
avait l'habitude de dire dans ces serments et discours: «O chercheurs
de la Connaissance! Toute chose dans le monde ne peut qu'être dans
l'un des deux cas suivants: soit son aspect positif vous est bénéfique,
soit son aspect négatif vous est nuisible. Vous devez donc désirer
la chose qui présente une perspective de bénéfice.
O chercheurs de la Connaissance! Il est à craindre que votre famille
et vos biens ne vous distraient de votre vie, car un jour vous devrez vous
séparer de votre famille et de vos biens, et lorsque vous serez
sur le point de quitter ce monde, vous serez pareils à un invité
qui reste avec un groupe de gens toute la nuit et les quitte au petit matin.
Ecoutez-moi bien! La distance entre la mort et la Résurrection est
égale à la distance entre le rêve et le réveil.
»O chercheurs de la Connaissance! Envoyez vos bons actes à
l'avance pour être prêts le Jour où vous serez emmenés
devant Allah pour l'interrogatoire et le jugement. Ce Jour-là vous
recevrez la récompense de vos bons actes et de toute bonne action
que vous aurez accomplie» ("Hayât al-Qulûb", Vol. 2).
Chapitre 8
Abû Tharr, rapporteur du Hadith
du Prophète (P)
La narration des Traditions (Hadith) est une discipline d'une importance
primordiale. Il n'est pas donné à n'importe qui de relater
des Hadith, et les Hadith rapportés par n'importe qui n'ont aucune
valeur. La connaissance des narrateurs est la pierre de touche de la valeur
des hadith rapportés. Abû Tharr est l'un de ces narrateurs
authentiques dignes de foi et de confiance, et dont la narration ne saurait
être mise en doute ni rejetée. Il avait passé la plupart
de son temps en compagnie du Saint Prophète. C'est pourquoi il était
en mesure de rapporter d'innombrables Hadith dont ci-après quelques-uns:
A propos du verset coranique: «O vous les croyants! Obéissez
à Allah, à Son Messager et aux uli-l-amr minkum»
(Sourate al-Nisâ', 4:59), l'imam Fakhr-ul-Dîn al-Râzî
a expliqué dans son "Tafsîr al-Kabîr" que le terme "Uli-l-Amr
Minkum" désigne les Imams infaillibles des Ahl-ul-Bayt. Sayyed `Ali
al-Hamadânî a noté dans son"Mawaddat-il-Qorbâ"que
ce verset coranique concerne les Douze Imams infaillibles. Mais cette affirmation
se trouve confirmé par Abû Tharr lui-même se référant
au Saint Prophète. En effet, Abû Tharr raconte que lorsque
ledit verset avait été révélé, il a
demandé au Saint Prophète de désigner les "Uli-l-Amr"
(Ceux qui détiennent l'autorité légale), et ce dernier
(le Prophète) nomma les douze Imams. Après avoir spécifié
leurs noms, il précisa que le premier d'entre eux est `Ali Ibn Abî
Tâlib et le dernier l'Imam al-Mahdi ("Yanâbî` al-Mawaddah"
de Cheikh Sulaymân al-Qandûzi al-Hanafî. Voir aussi Rawdhat
al-Ahbâb).
Abû Is-hâq al-Tha`labî écrit dans son Commentaire:
«Un jour alors qu'Ibn `Abbâs était en train de relater
des Traditions du Saint Prophète, près du puits de Zamzam,
un homme se présenta, le visage voilé. Ibn `Abbâs poursuivit
la narration. Mais l'homme voilé se mit lui aussi à relater
des Traditions. Ibn `Abbâs lui dit: «O Monsieur! Je te demande
au Nom d'Allah de me dire ton vrai nom». L'homme dévoila son
visage et dit: «O gens! Ceux d'entre vous qui me reconnaissent savent
qui je suis. Quant à ceux qui ne me connaissent pas, qu'ils sachent
que je suis Abû Tharr al-Ghifârî. J'ai entendu de mes
propres oreilles - qu'elles deviennent sourdes si je me trompais - et j'ai
vu de mes propres yeux - qu'ils soient atteints de cécité,
si je mentais - le Prophète dire:
«`Ali est le dirigeant des vrais croyants et le bourreau des
malfaiteurs. Quiconque le soutient sera victorieux et quiconque le trahira
sera trahi».
Selon Abû Tharr al-Ghifârî le Prophète (P)
a dit: «`Ali est la porte de mon savoir et un guide pour mes adeptes
vers ce pour quoi j'ai été envoyé. L'aimer fait partie
de la foi. Etre son ennemi, c'est être au nombre des hypocrites,
et être son ami est un acte de piété» (voir
"Arjah al-Matâlib", p. 604, cité par al-Daylamî).
Selon un Hadith rapporté par Abû Tharr, le Prophète
(P) a dit:
«Quiconque m'obéit aura obéi à Allah et
quiconque me désobéi aura désobéi à
Allah. Quiconque obéit à `Ali m'aura obéi, et quiconque
lui désobéit m'aura désobéi»(20).
Abû Tharr dit: «Nous arrivions à reconnaître
les Hypocrites à trois signes: 1- À leur dénégation
d'Allah et de Son Prophète; 2- À leur omission de prier;
3- À leur rancune envers l'Imam `Ali» ("Arjah al-Matâlib",
p. 608, rapporté par Ibn Chazân)
Selon un Hadith rapporté par Abû Tharr al-Ghifârî,
le Prophète a dit:
«`Ali est la porte de mon savoir. Il relatera après
moi ce pour quoi j'ai été envoyé. L'aimer fait partie
de la foi, le détester c'est être au nombre des Hypocrites,
et le regarder est un acte d'adoration».
Ibn Abû al-Berr écrit dans "Al-Isti`âb" que de nombreux
Compagnons avaient rapporté le Hadith suivant du Saint Prophète:
«O `Ali! Personne ne sera ton ami, si ce n'est un vrai croyant,
et personne ne sera ton ennemi, à moins qu'il soit un Hypocrite»(21).
Abû Tharr rapporte d'Om Salama que le Saint Prophète disait:
«`Ali est avec la vérité et la vérité
est avec `Ali. Ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils
arrivent au Bassin de Kawthar (le Paradis)» ("Arjah al-Matâlib",
p. 699, cité par Ibn Marduwayh).
Abû Tharr rapporte que le Prophète a dit:
«Mes adeptes ne seront pas bénis tant qu'ils se hâtent
de rompre le jeûne, et qu'ils retardent leur repas de jeûne
(souhour) jusqu'aux dernières minutes qui précèdent
l'aube (le début de l'horaire prescrit du jeûne)»,
et:
«Mon bonheur est de voir l'or distribué en charité,
lors même que sa quantité serait égale au Mont d'Ohod»
("Tafsîr Ibn Kathîr", p. 61)
et:
«O `Ali! Allah nous a créés toi et moi du même
arbre. Je suis la racine de cet arbre et tu en es les branches. Allah jettera
de face, en Enfer, celui qui coupera ses branches».
«`Ali est le guide des Musulmans et l'Imam des Croyants. Il
tuera les briseurs du serment d'allégeance (les gens de Jamal),
les sécessionnistes (les Kharijites) et les renégats»("Tafsîr
Ibn Kathîr", p. 61).
«`Ali est à moi ce que Hârûn fut à
Mûsa (Moïse), à cette différence près qu'il
n'y aura pas de Prophète après moi».
Cette dernière parole du Prophète a été
rapportée par de nombreux Compagnons éminents dont `Omar
Ibn al-Khattâb, Sa`d Ibn Abî Waqqâç, `Abdullâh
Ibn Mas`ûd, `Abdullâh Ibn `Abbâs, Jâbir Ibn `Abdullâh,
Abû Hurayyah, Abû Sa`d al-Khudarî, Jabir Ibn Samrah,
Mâlik Ibn Hawîrath, Al-Barâ', Ibn `Athib, Zayd Ibn al-Arqam,
Anas Ibn Mâlik, Abû Ayyûb al-Ançârî,
`Aqîl Ibn Abî Tâlib etc. (Voir "Arjah al-Matâlib").
Al-`Allâmah `Abdul Mo'min al-Chablanjî al-Châfi`î
écrit dans son livre "Nûr al-Abçâr" qu'Abû
Tharr avait rapporté le Hadith suivant du Saint Prophète:
«Le meilleur des actes de piété est d'aimer Allah et
de ne rien faire contre Sa Volonté».
Selon Abû Tharr, le Saint prophète a dit:
- «Lorsque vous éprouvez de l'amitié pieuse envers
quelqu'un, exprimez-la-lui».
- «Si quelqu'un se met en colère, il doit s'asseoir
s'il était debout, et si sa colère persiste, il doit s'allonger»
("Nûr al-Abçâr", p. 29).
- «Allah aime celui qui se montre patient face aux mauvais
comportements d'un voisin» ("Nûr al-Abçâr",
p. 32)
Abû Tharr rapporte aussi: «Le Saint Prophète nous
a commandé la piété et l'abstinence et nous a demandé
de bien garder le dépôt qui nous est confié, de ne
jamais mendier à personne, de ne pas causer la brouille dans une
relation d'amour entre deux personnes, de faire le bien envers la personne
qui nous aurait fait du mal et de craindre toujours Allah pour toute affaire
publique ou secrète» ("Nûr al-Abçâr", p.
33)
Selon Abû Tharr, le Saint prophète a dit:
«Allah a comparé mes Ahl-ul-Bayt à l'Arche de
Noé. Quiconque de mes adeptes monte à bord de cette arche
(s'attache aux Ahl-ul-Bayt) sera sauvé du Déluge, et quiconque
la manque, se noiera (sera égaré). De même mes Ahl-ul-Bayt
sont à mes adeptes ce que la porte de Hittab (repentance) fut aux
Enfants d'Israël. En effet, Allah avait informé les Israëlites
que quiconque entrait par cette porte échappera aux tortures de
ce monde et de la Vie Future. De la même façon, quiconque
parmi mes adeptes suivra la voie des Ahl-ul-Bayt et restera ferme sur cette
voie, sera sauvé le Jour des Comptes» ("`Ayn al-Hayât").
Selon `Ali Ibn Chahab al-Hamadânî, Abû Tharr rapporta
que le Prophète lui avait dit:
«O Abû Tharr! `Ali sera celui qui séparera le
Paradis de l'Enfer. O Abû Tharr! Même pas un Ange ne put atteindre
à cet honneur de séparer le Paradis de l'Enfer.." Le Paradis
a été réservé à ses partisans, et il
a eu le privilège a de m'avoir pour frère, alors personne
d'autre ne saurait avoir un frère comme moi.»
Selon Abû Tharr le Prophète a dit:
«Allah a renforcé l'Islam à travers `Ali. `Ali
est de moi et je suis de `Ali. Le verset coranique: «Peuvent-ils
être comparés à celui qui a reçu la guidance
d'Allah, guidance attestée par un témoin...»(22)
a été révélé à propos de `Ali.
Je suis le détenteur de la Preuve dans ce verset et `Ali est mon
témoin» ("Mawaddat al-Qorbâ", p. 78).
Selon Abû Tharr, le Prophète a dit à Ali:
«O Ali! Quiconque m'obéit, aura obéi à
Allah et quiconque t'obéit, m'aura obéi. De même, quiconque
me désobéit aura désobéi à Allah, et
quiconque te désobéit m'aura désobéi»
("Mawaddat al-Qurbâ", p. 78 et "Yanâbî` al-Mawaddah"
de Cheikh Sulaymân al-Qanduzî).
Abû Tharr raconta qu'un jour, alors qu'il se trouvait dans le
cimetière d'al-Baqî` (Médine) avec le Saint Prophète,
celui-ci dit: «Je jure par Allah Qui détient ma vie entre
Ses Mains, qu'il y a parmi vous celui qui combattra pour l'interprétation
correcte du Saint Coran de la même façon dont j'ai combattu
les polythéistes à l'époque de la Révélation
du Coran, même si, ceux qu'il combattra, prononcent l'Attestation
de l'acceptation de l'Islam (al-chahâdatayn). Lorsque l'individu
en question (`Ali Ibn Abî Tâlib) combattra ces gens (qui refusent
son interprétation correcte du Saint Coran), certains désapprouveront
son juste combat, critiqueront cet ami d'Allah (Ali), et s'opposeront à
lui, de la même façon que le prophète Mûsâ
(Moïse) fut opposé à Khidhr à propos de la destruction
du bateau, de l'assassinat de l'enfant et de la construction du mur, bien
que ces actes (la destruction du bateau, l'assassinat de l'enfant etc.)
eussent été accomplis conformément à la Volonté
et au Commandement d'Allah» ("Arjah al-Matâlib", p. 31).
Selon Abû Tharr, cité par Mohammad Ibn Yûsuf al-Kanjî
al-Châfi`î, le Prophète (P) a dit:
«La bannière de l'Imam Ali Ibn Abî Tâlib,
le guide des Croyants (...) et mon héritier présomptif me
parviendra au Bassin de Kawthar» ("Kifâyat al-Tâlib").
Abû Tharr dit qu'il avait demandé au Saint Prophète:
«Quel est le premier masjid construit sur la terre?» et que
le Messager d'Allah lui a répondu: «Masjid al-Harâm
(la Ka`bah)». Je lui avais demandé ensuite: «Et
le suivant?». Il a répondu: «Le masjid de Bayt al-Maqdis
(Jérusalem)». Et je lui ai demandé enfin: «Quelle
était l'intervalle entre la construction de ces deux masjid?».
Le Prophète répondit: «Quarante ans» (Tajrîd
Bukhârî).
Abû Tharr, cité par l'imam al-Bukhârî, rapporte
le Hadith suivant du Saint Prophète:
«Celui qui se rattache intentionnellement à quelqu'un
d'autre que son propre père est au nombre des incroyants; et celui
qui se vante d'appartenir à une race qui n'est pas la sienne doit
élire domicile en Enfer» (Tajrîd Bûkârî).
Chapitre 9
Prise de Position concernant la Succession du Prophète
(P)
Les historiens et les "traditionnistes"(23),
aussi bien Sunnites que Chiites s'accordent pour dire que lorsque le Prophète
s'était apprêté à effectuer le dernier pèlerinage,
il annonça, partout à travers le territoire de l'Etat islamique,
que tous les Compagnons devaient l'accompagner dans ce pèlerinage.
Après cette annonce les Compagnons du Prophète commencèrent
à affluer de toutes parts vers Médine. D'autre part, il fit
savoir à tout le monde que ceux qui ne pouvaient pas venir à
Médine devaient se rendre directement à la Mecque pour accomplir
avec lui les rites du pèlerinage.
Le Prophète (P) quitta Médine le 25 Thil-Qi`dah de l'an
10 de l'Hégire (Ta'rîkh Ibn Al-Wardî). D'innombrables
Compagnons, dont Salmân al-Farecî, al-Miqdâd, Abû
Tharr et `Ammâr Ibn Yâcir, quittèrent Médine
en sa compagnie.
Lorsqu'il arriva à la Mecque, il y accomplit les cérémonies
du Pèlerinage. Tous les Ahl-ul-Bayt (les membres élus de
sa famille) ainsi que ses femmes et ses Compagnons se joignirent à
lui dans le Pèlerinage. Dans ce vaste rassemblement il tint à
prononcer un sermon, pendant le Pèlerinage, dans lequel il énuméra
les points saillants du bien-être de ses adeptes et expliqua les
moyens par lesquels la Ummah avait pu obtenir le salut.
Après avoir terminé le Pèlerinage, il quitta la
Mecque pour retourner à Médine, accompagné d'environ
125.000 (selon le traditionniste Dehlawî) ou 124.000 (selon Khâwand
Châh) compagnons.(24)
Sur le chemin du retour et une fois arrivé avec ses compagnons
à un endroit appelé Ghadîr Khum, Jibrâ'îl
(l'Archange Gabriel) lui fit parvenir le Messager divin suivant:
«O Mon messager! Communique ce qui t'a été
révélé par ton Seigneur, autrement, si tu ne le communiquais
pas, tu n'auras pas communiqué Son Message (transmets Mon Message
sans crainte), Allah te protégera de la méchanceté
des gens». (Sourate al-Mâ'idah, 5:67)
Après cet ordre clair et formel, le Noble Prophète n'avait
d'autre alternative que la transmission du Message d'Allah aux gens. Aussi,
ordonna-t-il qu'on érige une chaire avec des bâts de chameau.
Ensuite il demanda à Bilâl l'Africain:
«O Bilâl! Appelle les gens et dis à mes Compagnons
que ceux d'entre eux qui sont déjà partis doivent revenir
et que ceux d'entre eux qui sont restés en arrière doivent
se hâter d'avancer (pour se joindre au rassemblement)».
Bilâl s'écria: «Hayya `Alâ Khayr al-`Amal»
(Accours au meilleur acte). Les masses de compagnons se rassemblèrent
autour de la chaire. Le Prophète monta sur la chaire et après
avoir prononcé un très long et éloquent sermon il
demanda à Ali de venir le rejoindre. Puis tenant les deux mains
d'Ali dans ses mains, il les releva si haut que l'on pouvait voir clairement
la blancheur de ses aisselles, et s'écria:
«Quiconque me considère comme étant son maître
doit considérer Ali comme étant son maître.
O Allah! Sois l'ami de celui qui sera l'ami d'Ali, et l'ennemi de celui
qui sera l'ennemi d'Ali».
Dès que le Prophète (P) eut terminé son sermon
et le couronnement d'Ali comme le maître des croyants, des voix d'approbation
s'élevèrent de partout. Le Saint Prophète descendit
de la chaire et ordonna à Ali d'aller sous la tente verte pour recevoir
les félicitations des Compagnons. Ali s'exécuta et reçut
les congratulations pour sa désignation on ne peut plus claire et
solennelle pour la succession au Prophète. Il remercia à
son tour les Compagnons pour leur félicitation. Il est noté
dans "Ma`ârij al-Nubbuwwah" qu'outre les Compagnons, les femmes du
Prophète aussi félicitèrent Ali pour son accession
au titre de maître et de gardien de la Ummah (la Nation musulmane).
Selon "Ta'rîkh Ibn Khalqân", le Prophète (P) avait
dans son discours de Ghadîr Khum, jeté la lumière sur
la prééminence et le statut particulier d'Ali en soulignant
que le même lien qui liait Hârûn à Mûsâ,
liait Ali à lui (le Prophète). Selon Mustadrak al-Hâkim,
le prophète dit à cette occasion:
«Je laisse derrière moi, pour vous, deux choses précieuses,
le Livre d'Allah et mes Ahl-ul-Bayt (les membres bénis de ma famille).
Tant que vous vous y attacherez, vous ne serez pas égarés».
Ce même Hadith est mentionné dans "Khaçâ'iç
al-Nisâ'î". Selon Rawdhat al-Ahbâb, le Saint Prophète
dit aussi dans ce sermon:
«O Allah! Sois l'ami de quiconque est l'ami d'Ali, et l'ennemi
de quiconque est l'ennemi d'Ali; et fais tourner la vérité
vers la direction dans laquelle Ali tourne son visage».
Il est dit dans:
- "Tafsîr Fat-h al-Bayân" de Siddîq Hasan,
- "Asbâb al-Nuzûl",
- "Tafsîr al-Dorr al-Manthûr", que le verset
"Balligh" (O Messager! Com-munique...etc) susmentionné a été
révélé exclusivement à propos d'Ali.
De même, on peut lire dans:
- "Charh al-Bukhârî",
- "Tafsîr Gharâ'ib al-Qor'ân" d'al-Nichâpûrî,
- "Ta'rîkh Ibn al-Wâdhih",
- "Kanz al-`Ummâl", etc.
que le verset en question (Balligh) a été révélé
pour souligner la haute position d'Ali.
Comme on peut le déduire du verset révélé
au Saint Prophète à cette occasion, la désignation
publique de l'Imam Ali comme maître de la Ummah devant l'ensemble
des Compagnons, n'était pas vue d'un bon oeil par tout le monde,(25)
puisque le verset appelle le Prophète à ne pas craindre la
réaction des gens, la protection d'Allah lui étant assurée.
Mais si, à ce moment-là, personne n'osa contester publiquement
cette désignation faite par le Prophète sur ordre d'Allah
devant des milliers de dignitaires de l'Islam, la contestation ne tarda
pas à se manifester directement et indirectement à diverses
occasions.
En effet, on peut lire dans "Ta'rîkh Abu-l-Fidâ" que le
Saint prophète tomba malade après son retour de Ghadîr
Khum. On était vers les derniers jours du mois de Çafar de
l'An 11 de l'hégire. Selon "Michkât Charîf" la cause
de cette maladie était le même poison qui lui avait été
administré à Khaybar et qui manifestait ses effets épisodiquement.
"Ta'rîkh Ibn al-Wardî" note que de son lit d'agonie, le Prophète
donna l'ordre à tous les Compagnons d'aller rejoindre l'armée
de Usâmah Ibn Zayd qu'il venait de nommer comme Commandant Général.
A propos de cette affaire de l'armée de Usâmah, le Muhaddith
(traditionniste) al-Dehlawî écrit dans "Al-Madârij"
que le lendemain de son arrivée, et alors que sa maladie s'aggravait
sérieusement, le Saint Prophète tendit à Usâmah
le drapeau de la guerre et lui demanda de partir en campagne contre les
incroyants pour défendre la cause d'Allah. Usâmah confia ce
drapeau à Buraydah Ibn Khâzib à l'extérieur
de la ville et le nomma porte-drapeau de l'armée. Usâmah partit
de Médine et fit halte à Jaraf non loin de cette ville en
attendant que l'armée se rassemble. Le Prophète (P)avait
ordonné que tous les "Muhâjirîn" (les Emigrants Mecquois)
et "Ançâr" (les Partisans Médinois), à l'exception
d'Ali Ibn Abi Tâlib doivent se joindre à l'armée d'Usâmah
et partir en campagne avec ce dernier. Mais certains Compagnons critiquèrent
la nomination par le Saint Prophète, d'un esclave à la tête
des hauts dignitaires qu'étaient "les Muhâjirîn et les
Ançâr". Peu à peu, leur grogne devint publique. Lorsque
la nouvelle de cette grogne parvint aux oreilles du Saint Prophète,
il sortit de sa maison très fâché, et il monta sur
la chaire, d'où il s'adressa aux gens:
«O gens! Pourquoi tous ces bruits à propos de la nomination
d'Usâmah au commandement de l'armée, exactement comme vous
les (bruits) aviez faits, déjà, à l'époque
de la Campagne de Mo'tah, lorsque le père de Usâmah avait
été nommé commandement de l'armée! Par Allah,
Usâmah mérite ce commandement tout comme son père avait
mérité le commandement de son armée».
Selon "Al-Milal wa-l Nihal" d'al-Chahristânî et "Hujaj al-Karâmah"
de Çiddîq Hassan, le Saint Prophète avait insisté
pour que tous les Compagnons se préparent immédiatement pour
participer à l'armée de Usâmah et dit: «Maudit
soit celui qui s'oppose à l'armée de Usâmah!».
Cependant, selon Madârij al-Nubuwwah, Abû Bakr et `Omar restèrent
derrière, à Médine alors que Usâmah avait déjà
mis en marche son armée. Mais alors que l'armée était
sur le point de partir, la mère de Usâmah informa celui-ci
que la maladie du Prophète s'aggravait. Aussi, lui conseilla-t-elle
de revenir sur ses pas, ce qu'il finit par faire. Il est dit dans "Ta'rîkh
al-Tabarî": "Le Saint Prophète se sentant agonisant, il demanda
qu'Ali vienne auprès de lui. `Ayechah, l'une de ses épouses
lui suggéra d'appeler plutôt son père (Abû Bakr),
et Hafçah son autre épouse, le sien (Omar). Entre-temps,
ces Compagnons et d'autres se rendirent auprès de lui. Mais le Saint
Prophète s'écria: «Partez! Je vous appellerais
si jamais j'avais besoin de vous». Sur ce, tout le monde
est reparti.»"
Selon Ibn Abbâs cité par Çahîh Muslim, lorsque
le Saint prophète agonisait sur son lit de mort, `Omar Ibn al-Khattâb
et d'autres Compagnons étaient présents. Le Saint Prophète
demanda: «Apportez-moi du papier et de l'encre pour que je
vous écrive quelque chose (comme testament) grâce auquel vous
ne serez pas égarés après moi.». `Omar
Ibn al-Khattâb s'opposa à la demande du Prophète et
dit: «Le Prophète divague. Nous avons le Saint Coran, et
ceci nous suffit largement». Sur ce, une dispute éclata
entre les Compagnons présents. Les uns disaient: «Il est obligatoire
d'obéir aux ordres du Prophète et de le laisser écrire
ce qu'il veut écrire à notre intention». D'autres approuvèrent
`Omar dans son objection. Lorsque la dispute s'envenima, le Saint Prophète
outré, s'écria: «Allez-vous-en».
Ibn `Abbâs dit à ce propos: «C'était une vraie
tragédie et un désastre que le Prophète n'ait pas
pu écrire ce qu'il voulait écrire, à cause de la dispute
et des dissensions entre les gens présents auprès de lui».
`Abdullâh Ibn Abbâs, cité par Sa`îd
Ibn Jubayr dans "Çahîh al-Bukhârî" dit
à propos de cet incident: «Quelle journée calamiteuse
était ce jeudi-là!». Et d'ajouter: «Lorsque
ce jeudi l'état de santé du Saint Prophète s'aggrava
sérieusement, il demanda qu'on lui apportât du papier et un
stylo (de l'encre) pour écrire quelque chose grâce auquel
les gens éviteraient de s'égarer après lui, les Compagnons
présents se mirent à se disputer à ce propos. Le Messager
d'Allah leur fit remarquer qu'il était inconvenable de se quereller
devant le Prophète. D'aucuns, répondirent: «Le Prophète
délire!». Le Prophète s'écria alors: «Allez-vous-en.
J'ai raison quelle que soit la condition dans laquelle je me trouve, et
tout ce que vous dites est faux. Laissez-moi seul. Allez-vous-en».
Après quoi le Saint Prophète exprima ses trois volontés:
1- chasser tous les mécréants de la Péninsule Arabe;
2- entretenir les délégations venues de loin. Mais le narrateur
ne mentionna pas la troisième volonté, ou l'oublia».
Sa`îd Ibn Jubayr rapporte, dans "Musnad Ahmad Ibn Hanbal" et "Çahîh
Muslim" ce témoignage de `Abdullâh Ibn Abbâs: «Quelle
journée que celle de Jeudi! (Il se mit à pleurer tellement
en évoquant cette journée que ses larmes coulaient sur ses
joues comme un fil de perles). Puis, il expliqua que le Jeudi en question
était le jour où le Saint prophète avait demandé:
«Apportez-moi de quoi écrire quelque chose grâce
auquel vous ne vous égarerez jamais après moi».
Mais hélas! Les gens dirent: «Il délire».
Chahâb al-Dîn al-Khafâjî écrit dans "Nasîm
al-Riyâdh" que selon la même version de ce hadith, c'est `Omar
Ibn al-Khattâb qui dit: «Le prophète délire».
Al-Chahristânî écrit pour sa part, dans son livre"
al-Milal wa-l-Nihal"que la première dispute ou le premier différend
qui avait éclaté entre les musulmans lors de la maladie du
Prophète (P) est celui que Mohammad Ismâ`îl al-Bukhârî
rapporta de `Abdullâh Ibn Abbâs dans son livre "Çahîh
al-Bukhârî" et selon lequel, lorsque la maladie mortelle du
Prophète s'aggrava, il (le Prophète) dit: «Apportez-moi
de l'encre et du papier afin que je vous écrive un document (testament)
de crainte que vous ne soyez égarés après moi».
Entendant cela, `Omar dit: «Le Prophète parle ainsi, à
cause de la gravité de sa maladie. Le livre d'Allah nous suffit».
Lorsqu'une querelle s'ensuivit, le prophète dit: «Allez-vous-en
et ne vous disputez pas devant moi». C'est là, la raison
pour laquelle `Abdullâh Ibn Abbâs dira souvent: «Quelle
calamité que cette dispute-là! Elle fut l'obstacle entre
nous et l'écrit du Prophète, et empêcha celui-ci d'écrire».
Al-`Allâmah Chiblî al-No`mânî écrit:
«Il y a le mot "Hajr"dans ce hadith et il signifie "Délire".
`Omar interpréta la demande du Saint Prophète comme un "délire"
("Al-Fârûq", p. 61). Nathîr Ahmad Dehlavî commentant
cet événement écrit: «Ceux qui convoitaient
la Khilâfah (Califat, la succession) contrecarrèrent le dessein
du Prophète en provoquant la dispute et justifièrent leur
opposition à la volonté du Prophète (de désigner
par écrit son successeur légal) en arguant que le Livre d'Allah
leur suffisait (pour éviter l'égarement), et que le Prophète
n'étant pas en possession de tous ses sens, il n'était pas
nécessaire de lui apporter de l'encre et du papier pour écrire
des choses inutiles»(26).
L'imam al-Ghazâlî écrit, concernant cette affaire
lourde de conséquences pour tout l'avenir de la Ummah, tout au long
de son histoire que, avant sa mort le Prophète d'Allah avait demandé
à ses Compagnons de lui apporter de l'encre, du papier et un "stylo"
afin qu'il puisse leur désigner, par écrit, celui qui méritera
d'être leur Imam et Calife. Mais à ce moment-là, `Omar
demanda aux personnes présentes d'ignorer la demande du Prophète,
parce qu'il disait - selon lui - des choses insensées(27).
En bref, lorsqu'on refusa de donner au Prophète l'encre, le papier
et le stylo, une dispute éclata entre les Compagnons. Abû
Tharr, Salmân al-Farecî, al-Miqdâd et Ibn `Abbâs...etc
qui étaient présents, s'opposèrent à ceux qui
récusaient la volonté du Prophète de rédiger
son testament. Les dames présentes à la maison, derrière
le rideau, les blâmèrent, elles aussi, en leur disant: «Que
vous arrive-t-il? Pourquoi n'écoutez-vous pas ce que le Saint Prophète
vous demande? Pour l'amour d'Allah, apportez-lui ce qu'il demande».
Ecoutant ce blâme, `Omar dit; «Taisez-vous! Vous êtes
comme les femmes de Yûsuf (Josef). Vous pleurez quand le Prophète
est malade, et vous lui tapez sur les nerfs lorsqu'il est bien portant».
Lorsque le Prophète entendit ces propos de `Omar, il lui dit: «Ne
les réprimande pas. Elles sont mieux que toi» (Al-Tabarânî).
Selon Rawdhat al-Ahbâb, le Prophète (P) lors de son agonie
demanda à sa fille Fâtimah al-Zahrâ' d'appeler ses fils,
ce qu'elle fit tout de suite. Les deux petits-fils, après avoir
présenté leurs respects à leur grand-père,
s'assirent à ses côtés, et le voyant agonisant, ils
se mirent à pleurer si douloureusement que l'assistance ne put s'empêcher
de pleurer à son tour. Al-Hassan mit sa joue contre la joue du Prophète
et al-Hussayn mit sa tête sur sa poitrine. Le prophète lui-même
ne put retenir ses larmes devant cette scène pathétique.
Puis il fit venir son cher "frère", Ali. A son arrivée, Ali
prit place devant la tête du Prophète. Lorsque celui-ci releva
la tête, Ali se rapprocha et la posa sur son bras. Le Prophète
dit: «Ali, j'ai emprunté une grosse somme à un certain
Juif pour les équipements de l'armée de Usâmah. Rends-la-lui.
O Ali! Tu seras le premier à venir auprès de moi au Bassin
d'al-Kawthar (le Paradis), mais tu auras beaucoup d'ennuis et de troubles
après moi. Fais-y face avec patience, et quand tu auras remarqué
que les gens ont choisi de s'attacher au monde d'ici-bas, tu devras t'occuper
de l'Au-delà»(28)
.
On peut lire également dans "Madârij al-Nubuwwah" que Fâtimah
al-Zahrâ, était très choquée et affectée
par la mort du Prophète et qu'elle pleurait et se lamentait douloureusement.
Al-Muhaddith Dehlavî écrit dans son livre "Mâ Thabata
bi-l-Sunnah" qu'elle vécut beaucoup d'événements tragiques
après la mort de son père. Elle les décrivit dans
un couplet qui se résume ainsi:
"Si les drames qu'elle avait vécus tombaient sur le jour, celui-ci
se transformerait en nuit ténébreuse".
D'après l'auteur de "Rawdhat al-Ahbâb", Fâtimah al-Zahrâ'
n'était jamais vue souriante depuis le décès du Prophète
(P).
Il est écrit dans "Tabaqât Ibn Sa`d" que la tête
du Prophète reposait sur le genou d'Ali au moment de sa mort. Al-Hâkim
écrit dans son "Mustadrak" qu'avant de rendre son dernier soupir,
le Prophète confia des secrets à Ali et lui divulgua des
mystères.
Selon `Abdullâh Ibn Abbâs, cité par `Abdul-Barr dans
son "Isti`âb":
«Ali avait quatre distinctions qu'aucun de nous ne possédait.
Tout d'abord il était la première personne à gagner
l'honneur de prier avec le Saint Prophète. En deuxième lieu,
il était le seul porte-drapeau du Prophète dans toutes les
batailles. En troisième lieu, lorsque dans les guerres saintes les
gens s'enfuyaient, laissant le Prophète derrière eux, Ali
restait imperturbable à ses côtés. Quatrièmement,
Ali était celui qui a fait le bain funéraire (ghusl al-Mayyet)
du Saint Prophète et qui descendit son corps dans le tombeau».
Selon les sources des adeptes d'Ahl-ul-Bayt, le Saint Prophète
rendit l'âme le lundi 28 Çafar de l'an 11 Hégire(29).
Sa mort donna lieu à des scènes de lamentations, de gémissements
et de manifestation de douleur chez les membres de sa famille, ses proches
et ses vénérables Compagnons. Abû Tharr, Salmân
al-Farecî, al-Miqdâd et `Ammâr, ainsi que d'autres fidèles
Compagnons pleuraient à chaudes larmes. L'histoire montre qu'Abû
Tharr al-Ghifârî était durablement affecté par
la disparition du Prophète. Mais il gardera une fidélité
à toute preuve à la mémoire de son bien-aimé,
à ses commandements, à ses enseignements et à sa volonté,
fidélité qui lui coûtera très cher et le condamnera
à l'exil et au bannissement, car, il n'oubliera à aucun moment
de rappeler à l'ordre les gouvernants de l'Etat islamique, en invoquant
les Traditions du Prophète dont il était le meilleur témoin.
Manazir Ihsân al-Guilanî écrit à ce propos: «Dans
la plupart des biographies d'Abû Tharr, bien qu'il y ait des indices
de l'immensité de la douleur qu'il éprouva à la mort
du Prophète, douleur sans laquelle un croyant ne saurait être
considéré comme un vrai croyant, certains événements
ou certaines scènes présentent un beau portrait de l'amour
réciproque entre l'amoureux et le bien-aimé devant notre
mémoire visuelle» ("Al-Ichtirâkî al-Zâhid",
p. 90).
Au moment du décès du Saint Prophète, Abû
Bakr était chez lui à Sakh, distant d'un mile de Médine.
`Omar se déploya pour empêcher la propagation de la nouvelle
de la mort du Messager d'Allah, et lorsqu'Abû Bakr arriva, ils allèrent
tous les deux à Saqîfat Banî Sâ`idah, distante
de trois miles de Médine. Ils furent accompagnés d'Abû
`Ubaydah Ibn Jarrah qui était laveur de profession. Les principaux
Compagnons se rendirent eux aussi à Saqîfah pour se disputer
à propos de la succession du Saint prophète, sans se soucier
de son corps et de son enterrement. Ali qui resta aux côtés
du corps du Saint Prophète s'en occupa. Il se chargea du lavage
du corps, alors que Fadhl Ibn Abbâs maintenait sa basque relevée,
al-Abbâs et Qathm tournaient le corps, et `Usâmah et Chaqrân
versaient l'eau. Après que le corps fut lavé et mis en linceul,
Abû Talhah creusa le tombeau. Ali dirigea la prière du mort,
puis descendit dans le tombeau pour y poser le corps du Saint Prophète.
Ensuite il recouvrit le tombeau avec de la terre en se lamentant. Abû
Bakr, `Omar et d'autres Compagnons ne purent donc assister aux cérémonies
funéraires, car après leur retour de Saqîfah, le Prophète
(P) était déjà inhumé(30).
Le Saint Prophète mourut à l'âge de 63 ans. ("Abu-l-Fidâ",
Vol. 1, p. 152)
Chapitre 10
Le Transfert de la Succession
du Saint Prophète
Après la mort du Prophète, ceux parmi les Compagnons qui
n'étaient pas d'accord sur le sermon de Ghadîr Khum concernant
la succession, et qui ne voulaient pas que `Ali fût le successeur
du Messager d'Allah, prient se hâtèrent de se réunir
à la Saqîfah de Bâni Sâ`idah pour régler,
eux-mêmes, la question de la succession et choisir un successeur
à leur convenance. Beaucoup d'historiens, d'analystes et de traditionnistes
expliquent cette hâte avec laquelle les promoteurs de la réunion
de Saqîfah voulaient régler la question de la succession du
Prophète avant même qu'il ne fût enterré, comme
étant leur volonté de prendre la Ummah de court et de la
mettre devant le fait accompli. Le nombre de personnes réunies -
y compris les Immigrants et les Partisans - à Saqîfah était
d'environ 200. On convint dans cette réunion de fonder un gouvernement
dont le chef fut choisi parmi les participants. Après la réunion
et à leur retour à Médine le Saint Prophète
était déjà inhumé. Les promoteurs de la réunion
se mirent à demandèrent aux gens de prêter serment
d'allégeance au Calife ainsi désigné afin de donner
une apparence de démocratie et de légitimité au gouvernement.
Ils obligèrent non seulement des honorables Compagnons, mais même
les membres des Ahl-ul-Bayt, et d'une manière révoltante,
à se soumettre à leur mascarade.
L'essentiel de cette histoire indigne se résume ainsi: on demanda
à `Ali Ibn Abi Tâlib à prêter serment d'allégeance,
de gré ou de force. Devant son refus, la police califale l'emmena
à la Cour, une corde au cou(31).
La maison de Fâtimah al-Zahrâ' où il se trouvait lors
de son arrestation, fut incendiée(32).
La porte de la maison avait été forcée et tombée
sur Fâtimah, lors de l'intervention policière, ce qui lui
occasionna une fausse couche (elle était enceinte d'un enfant mâle)
(Voir "al-Milal Wal-Nihal" d'al-Chahristânî).
Sur le même sujet, al-`Allâmah Mullah Mu`în Kâchifî
écrit qu'à cause du choc qu'elle reçut lorsqu'on força
la porte de sa maison, Fâtimah tomba malade et ne tarda pas à
succomber à cette maladie(33).
De la même façon, tous ceux qui avaient refusé de
prêter serment d'allégeance à Abû Bakr furent
forcés sans ménagement et d'une main de fer, de reconnaître
le califat d'Abû Bakr. Certains d'entre eux furent sauvagement battus,
comme Salmân al-Fârecî que le Prophète avait inclus
dans les membres d'Ahl-ul-Bayt en raison de sa piété exceptionnelle
et de sa position particulière auprès de lui. Il reçut
tellement de coups que son cou resta tordu pour le reste de sa vie.
Voici les noms de ceux des Compagnons qui se trouvaient à Médine
et qui refusèrent de prêter serment d'allégeance à
Abû Bakr:
- L'Imam `Ali
- Abû Tharr al-Ghifâri
- Salmân al-Fârecî
- `Ammâr Ibn Yâcir
- Al-Miqdâd Ibn al-Aswad
- Khâlid Ibn Sa`ïd
- Burayda Aslamî
- Ubay Ibn Ka`b
- Huthaymah Ibn Thâbit
- Suhayl Ibn Hanîf
- `Othmân Ibn Hanîf
- Abû Ayyûb al-Ançârî
- Huthayfah Ibn al-Yamân
- Sa`d Ibn `Obaydah
- Qays Ibn Sa`d
- `Abdullâh Ibn `Abbâs
- `Abbâs Ibn `Abdul-Muttalib
- `Abdul Haytham Ibn Tayhân
- Jâbir Ibn `Abdullâh
- `Abdullâh Ibn Thâmit
- `Ubayd Ibn Thâmit
- Abû Sa`ïd Khudarî
(Voir "Tabçarat al-`Awâm", p. 24, et "`Ayn al-Hayât",
p. 5).
Il est dit dans la page 43 de "Tabçarat al-`Awâm" que quelques
jours plus tard, Sa`d Ibn `Obaydah fut tué par une flèche
pour avoir refusé de prêter serment d'allégeance.
En tout état de cause, cette politique sauvagement répressive
contre des Compagnons éminents se poursuivit après la mort
du Saint prophète. Certains historiens écrivent que la terre
de Fadak, propriété légale des Ahl-ul-Bayt leur fut
confisquée uniquement à cause de leur refus de prêter
serment d'allégeance. Ils affirment, diverses preuves irréfutables
à l'appui, que le Califat était un droit inaliénable
de `Ali et il aurait dû lui revenir. `Ali lui-même explique
et énumère les détails des arguments de son droit
inaliénable au Califat, dans son très célèbre
sermon "al-Chiqchiqiyyah" qui fait partie de son chef-d'oeuvre "Nahj al-Balâghah".
Il y dit clairement que le Califat était son droit confisqué,
et il y explique, comme le fait Ibn al-Athîr dans "al-Nihâyah",
comment il avait essayé vainement de faire valoir ce droit.
Nous essayons ci-après d'extraire de "Târikh-é-Ahmadî"
un résumé de cet événement tragique et lourd
de conséquence, dont avaient tant souffert les descendants du Saint
Prophète et ses plus fidèles Compagnons, seulement deux semaines,
après la mort du Messager d'Allah, et de mettre en évidence
le rôle joué par Abû Tharr dans cette conjoncture.
Selon "Ta'rîkh Ibn Jarîr", `Omar était présent
à Médine au moment de la mort du Saint Prophète, tandis
qu'Abû Bakr se trouvait chez lui dans le village de Sakh. Lorsque
le Prophète décéda `Omar dit: «D'après
la présomption des Hypocrites le Prophète est mort, mais
moi, je jure par Allah qu'il est vivant».
Selon "al-Milal Wal-Nihal" d'al-Chahristânî, `Omar menaça
de tuer avec sa propre épée quiconque dit que le Prophète
est mort. Ce récit est rapporté dans bien d'autres références
telles que: "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", Vol. 1, p. 164; "Al-Tabaqât
al-Kubrâ", Vol. 2, p. 271; "Sunan Ibn Mâjah", Vol !, p. 571,
Hadith 1618; "Musnad Ahmad Ibn Hanbal", Vol. 1.
Selon Rawdhat al-Ahbâb les gens commencèrent à avoir
des doutes sur la mort du Prophète lorsqu'ils entendirent la menace
de `Omar. Abû Bakr qui était chez lui à ce moment-là,
se rendit à Médine dès que la nouvelle de la mort
du Prophète lui fut parvenue. Lorsqu'il arriva à Masjid al-Nabî,
il remarqua que les gens étaient dans la confusion. Selon "Ta'rîkh
`Abdul-Fidâ", en voyant les gens dans cet état, Abû
Bakr se mit à réciter le verset suivant: «Mohammad
n'est qu'un Prophète; des prophètes ont vécu avant
lui. Reviendriez-vous sur vos pas s'il mourait, ou s'il était tué?»
(sourate `Ale `Imrân, 3;144). Ayant entendu réciter ce verset,
les gens eurent la conviction que le Saint Prophète était
mort. Aussi accoururent-ils à Saqîfah Banî Sâ`idah.
Selon "Ta'rîkh Ibn Khaldûn", lorsqu'Abû Bakr arriva
à Saqîfah, il dit; «Nous sommes les Compagnons et les
proches du Prophète. Aussi, sommes-nous à ce titre mieux
placés que quiconque pour accéder au Califat».
Selon "Ta'rîkh al-Tabarî" d'Ibn Jarîr, `Omar dit alors
à Abû Bakr: «Tends ta main pour que je te prête
serment d'allégeance». Abû Bakr répondit: «Non!
C'est à toi de tendre ta main car tu es à tous égards
plus puissant que moi». Cet échange d'invitation au Califat
entre les deux hommes dura un certain temps. A la fin `Omar tira la main
d'Abû Bakr, y mit la sienne, lui promit loyauté et lui dit:
«Tu pourras compter sur ma force, conjuguée avec la tienne».
Dans "Ta'rîkh al-Kâmel" d'Ibn al-Athîr, il est dit
que `Omar et d'autres promirent loyauté à Abû Bakr,
mais que tous les Ançar (les Partisans médinois) ou certains
d'entre eux déclarèrent: «Nous ne prêterons de
serment d'allégeance à personne d'autre que `Ali».
"Ta'rîkh Khamis", note que lorsqu'Abû Bakr s'était
soulagé des formalités de la prestation du serment d'allégeance,
il quitta Saqîfah pour retourner au Masjid al-Nabî où
il prit place sur la chaire, pour recevoir le serment d'allégeance
de ceux qui ne l'avaient pas fait à Saqîfah. Cela dura jusqu'à
la fin de la journée, et les gens manquèrent ainsi d'assister
aux cérémonies de l'enterrement du Saint prophète.
C'était le mardi soir.
Selon "Kanz al-`Ummâl" citant `Urwah, «Abû Bakr et
`Omar n'étaient pas présents à l'enterrement du Saint
Prophète. Ils se trouvaient dans le rassemblement des Ançâr
(Saqîfah Banî Sâ`idah), et le prophète fut inhumé
avant leur retour».
Selon "al-Nihâyah" d'Ibn al-Athîr al-Jazarî, "Majma`
al-Bihâr" de Molla Tâhir Qutnî et "al-Milal Wa-l-Nihl"
d'al-Chahristânî, `Omar dira plus tard à propos
de la prestation de serment d'allégeance à Abû Bakr
«C'était une erreur dont Allah nous a épargné
les mauvais effets».
D'après "Ta'rîkh `Abul-Fidâ" un groupe de Hâchimites
ainsi qu'Abû Tharr, Zubayr Ibn al-`Awwâm, al-Miqdâd Ibn
`Amr, Salmân al-Fârecî, `Ammâr Ibn Yâcir,
al-Barâ' Ibn Athîb etc. qui étaient dans le camp de
`Ali, s'abstinrent de prêter serment d'allégeance à
Abû Bakr.
Selon "al-Istî`ab" de `Abdul-Barr, lorsqu'on demanda aux gens
de promettre loyauté à Abû Bakr, `Ali ne le fit pas
et resta à la maison.
"Murûj al-Thahab" d'al-Mas`ûdî, fait remarquer que
le jour de Saqîfah où on prêta serment d'allégeance
à Abû Bakr, `Ali dit à ce dernier: «Tu as détruit
notre affaire, tu ne nous as pas consultés et tu n'as pas respecté
notre droit». Abû Bakr lui répondit: «Ton grief
est justifié, mais j'ai agi ainsi par crainte d'une révolte».
Selon "Rawdhat al-Ahbâb", losqu'Abû Bakr finit de recevoir
la prestation d'allégeance, il convoqua `Ali par l'intermédiaire
de certains Muhâjirîn et Ançar. `Ali se présenta
et lui demanda: «Pourquoi m'a-t-on convoqué?». `Omar
dit: «Tu as été convoqué pour que tu prêtes
serment d'allégeance à l'instar des autres». `Ali répondit:
«J'invoque à votre égard le même argument que
vous avez invoqué devant les Ançâr pour justifier votre
prétention au Califat»(34).
`Omar ignorant les remarques de `Ali, lui dit: «Nous ne te laisserons
pas partir d'ici avant d'avoir prêté serment d'allégeance».
`Ali rétorqua: «Réponds d'abord à mon observation,
et par la suite tu pourras me demander de prêter serment d'allégeance».
Abû `Obaydah al-Jarrâh intervint: «O Abul-Hassan (surnom
de `Ali)! Tu es le seul à mériter le Califat et le gouvernement
en raison de ta préséance dans l'Islam et de ta proche parenté
avec le Prophète, mais étant donné que les Compagnons
ont accepté Abû Bakr, il vaut mieux que tu te joignes à
eux». `Ali répondit: «O Abû `Obaydah! Tu veux
transférer ailleurs la grande bénédiction qu'Allah
a placée chez la Famille du Prophète! Ecoute! Nous sommes
le lieu de la descente de la Révélation, le siège
de l'arrivée des Commandements et des Interdictions, la source de
la vertu et du savoir, la mine de la sagesse et de l'endurance».
Un autre Compagnon, Bachîr Ibn Sa`ïd tenta à son tour
de faire infléchir `Ali: «O Abul-Hassan! Lorsque nous avons
remarqué que tu es resté à la maison (du fait que
tu n'as pas assisté à Saqîfah) nous avons présumé
que tu avais renoncé au Califat». `Ali lui dit: «Tes
amis estiment-ils qu'il était convenable de laisser le corps du
Saint prophète sans lavage, sans mise en bière et sans inhumation,
pour pouvoir venir disputer le Califat?».
Selon "Usud al-Ghâbah", `Ali évoqua à ce moment-là
ce que le Prophète lui avait dit un jour: «O `Ali! Tu es comme
la Ka`bah vers laquelle tout le monde doit se diriger, alors qu'elle, elle
ne va vers personne (c.-à-d. qu'elle reste à sa place). Ainsi,
si les gens venaient vers toi pour te prêter serment d'allégeance,
accepte leur démarche. Ne vas donc pas vers eux, mais attends jusqu'à
ce qu'ils viennent vers toi».
Selon "Rawdhat al-Ahbâb", Abû Bakr ayant remarqué
que les arguments avancés par `Ali étaient indiscutables,
solides et irréfutables, il lui dit aimablement: «O Abul-Hassan!
J'avais présumé que tu ne me refuserais pas ton allégeance.
Si j'avais su que tu allais refuser de me prêter serment d'allégeance,
je n'aurais pas accepté le Califat. Maintenant, les gens m'ont prêté
serment d'allégeance, tu devrais faire comme eux. Mais si tu hésites
là-dessus, je ne te blâme pas». Sur ce, `Ali se leva
et retourna à la maison.
Selon "al-`Iqd al-Farîd" de Chahâb al-Dîn Ibn `Abd
Rabbih al-Andulsî, les Compagnons qui refusaient de prêter
serment d'allégeance à Abû Bakr étaient: `Ali,
Al-`Abbâs, Zubayr et Sa`d Ibn `Ubâdah. `Ali, al-`Abbâs
et Zubayr restèrent dans la maison de Fâtimah jusqu'à
ce que Abû Bakr envoyât `Omar pour les faire sortir, sous la
menace de l'épée, s'il le fallait. `Omar se présenta
à la porte de la maison de Fâtimah avec du feu pour l'incendier.
Lorsque Fâtimah vit ce qui se passait, elle lui dit: «O fils
de Khattâb! Es-tu venu pour mettre le feu dans ma maison?!».
`Omar répondit: «Bien sûr, je suis venu dans cette intention,
sauf si ceux qui s'y réfugient sortent en promettant leur allégeance
à Abû Bakr». Ta'rîkh Abul-Fidâ rapporte
cette même version des faits.
Selon "Ta'rîkh al-Tabarî" d'Ibn Jarîr, `Omar se présenta
à la maison d'al-Murtadhâ (surnom de l'Imam `Ali) où
se trouvaient Talhah, Al-Zubayr et quelques autres Emigrants à l'adresse
desquels il s'écria: «Par Allah! Je vais brûler la maison,
à moins que vous ne sortiez pour prêter serment d'allégeance».
Selon "Al-Imâmah wal-Siyâsah" d'Ibn Qutaybah Dînûrî,
lorsqu'Abû Bakr constata l'absence du groupe des partisans de `Ali
parmi les gens qui lui avaient prêté serment d'allégeance,
il envoya `Omar pour les lui amener. Ces gens qui se trouvaient dans la
maison de `Ali, refusèrent de sortir. `Omar fit apporter des fagots
et s'écria: «Sortez, sinon par Allah, je brûlerais les
gens qui s'abritent dans la maison en y mettant le feu». Ces gens
lui firent remarquer: «Fâtimah, la fille du Prophète
y est aussi». `Omar répondit: «Peu importe». En
entendant cette menace sérieuse tout le monde sortit de la maison,
sauf `Ali qui s'adressa aux gens envoyés par ABû Bakr: «O
Emigrants! J'ai droit au Califat plus que personne à tous égards.
D'ailleurs vous devez prêter serment d'allégeance à
moi. Ecoutez-moi bien. Vous avez obtenu le Califat en brandissant contre
les Partisans l'argument de votre lien de sang avec le Prophète,
et maintenant vous essayez d'écartez ce Califat des Gens de la Maison
du Prophète (Ahl-ul-Bayt). N'avez-vous pas invoqué l'appartenance
du Prophète à votre tribu pour faire valoir votre priorité
sur les Partisans (Ançâr)? Maintenant je retourne contre vous
l'argument que vous avez brandi contre les Partisans, à savoir que
nous les Ahl-ul-Bayt, sommes plus proches parents que vous à tous
égards, et ce, aussi bien de son vivant qu'après sa mort.
Soyez donc justes et aimables, si vous croyez en Allah et que vous Le craigniez.
O Emigrants! Rappelez-vous Allah et ne transférez pas la direction
du Message du Prophète de sa Maison vers les vôtres».
Ensuite Fâtimah dit du seuil de sa porte: «O gens! En nous
laissant le corps du Prophète, vous avez détourné
en votre faveur l'affaire du Califat, ignorant notre droit».
Selon "Ta'rîkh Ibn Qutaybah", `Omar dit à Abû Bakr
après le refus de `Ali de prêter serment d'allégeance:
«Pourquoi n'arrêtes-tu pas `Ali pour refus de prestation de
serment d'allégeance?». Abû Bakr, envoya alors son esclave
Qanfaz pour convoquer `Ali. Qanfaz dit à `Ali: «Le Calife
du Prophète d'Allah te demande». `Ali répondit: «Les
tiens ont trahi si vite le Prophète». Qanfaz retourna chez
Abû Bakr et répéta devant lui ce qu'il avait entendu
de la bouche de `Ali. Abû Bakr se mit alors à pleurer pendant
un certain temps. `Omar demanda à Abû Bakr une seconde fois:
«Ne laisse pas de répit à `Ali qui refuse de te prêter
serment d'allégeance». Abû Bakr ordonna à Qanfaz
de retourner chez `Ali et de lui dire: «Le Commandeur des Croyants
t'appelle pour que tu lui prêtes serment d'allégeance».
Qanfaz transmit le message d'Abû Bakr à `Ali, lequel lui dit:
«Allah soit loué! Ton maître s'est attribué une
parenté avec laquelle il n'a rien à avoir». Qanfaz
répéta devant Abû Bakr les propos de `Ali, et Abû
Bakr se mit à pleurer de nouveau. `Omar se leva alors, et se faisant
accompagner de quelques hommes, il se dirigea vers la maison de Fâtimah
et frappa à sa porte. Fâtimah, exaspérée, se
mit à pleurer et à crier: «O mon père! O Prophète
d'Allah! Quels troubles nous causent le fils de Khattâb (`Omar) et
le fils de Quhâfah (Abû Bakr)». Lorsque les gens accompagnant
`Omar entendirent les lamentations de Fâtimah, la plupart d'entre
eux repartirent, les larmes aux yeux. Seuls quelques-uns d'entre eux restèrent
derrière `Omar. `Ali sortit alors de la maison de Fâtimah
et les accompagna chez Abû Bakr. Là, ce dernier lui demanda
de prêter serment d'allégeance. `Ali lui dit: «Et si
je ne le fais pas?!». Abû Bakr répondit: «Par
Allah nous te tuerons». `Ali dit: «Allez-vous tuer celui qui
est le serviteur d'Allah, frère du Messager d'Allah?». `Omar
répondit: «Nous admettons que tu es un serviteur d'Allah,
mais nous ne reconnaissons pas que tu sois aussi le frère du Prophète».
Abû Bakr était resté silencieux pendant cet échange
de propos. `Omar lui dit alors: «Pourquoi ne donnes-tu pas tes ordres
et pourquoi restes-tu assis sans faire quelque chose?». Abû
Bakr répondit: «Je ne forcerai pas `Ali à prêter
serment d'allégeance tant que Fâtimah est vivante».
Sur ce, `Ali se leva, et sortant de chez Abû Bakr, il se dirigea
vers le tombeau du Prophète, à qui il adressa ses complaintes:
«O frère! Les gens de la tribu m'ont insulté tellement,
et ils allaient même me tuer...!».
Abû Tharr voyait toutes ces choses incroyables se dérouler
sous ses yeux. Le sermon de Ghadîr Khum était ancré
dans son esprit. Il imaginait mal que de tels écarts puissent survenir
alors que le Prophète venait à peine d'être enterré.
Ne supportant plus ce qui se passait, médusé, indigné,
sa foi et son amour indéfectible pour la justice, le poussèrent
à agir et à réagir. Il se dirigea donc à Masjid
al-Nabî, l'esprit révolté, le sang en ébullition.
Une fois arrivé à la Mosquée (Masjid al-Nabî)
il y vit un rassemblement autour d'Abû Bakr et de `Omar. Il prit
place sur un terrain élevé et fit le discours suivant: «O
gens de Quraych! Que vous arrive-t-il? Êtes-vous inconscients! Vous
avez totalement ignoré les proches parents du Saint Prophète!
Par Allah, un groupe d'Arabes a apostasié et a suscité des
doutes dans la Foi. Ecoutez-moi! Le Califat est le droit des Ahl-ul-Bayt.
Cette violence et ces querelles sont injustifiées. Que vous arrive-t-il?
Vous estimez capable celui qui est incapable, et incapable celui qui est
capable. Par Allah, chacun de vous sait ce que le Prophète a déclaré
à maintes reprises, à savoir: «Le Califat et la direction
reviendront après ma disparition à `Ali, puis à al-Hassan,
puis à al-Hussayn et après à ma progéniture
infaillible». Vous avez ignoré la parole du Prophète
et le Commandement d'Allah! Vous avez oublié votre engagement et
votre promesse. Vous avez obéi aux impératifs de ce monde
éphémère et vendu la Vie future qui est éternelle
et dans laquelle le jeune ne vieillira pas, les bénédictions
seront inépuisables, l'affliction et la tristesse n'auront pas d'existence,
et à laquelle l'Ange de la mort n'aura pas d'accès. Oui,
vous avez vendu cette inestimable chose pour presque rien. Vous avez fait
ce que les peuples des Prophètes précédents avaient
fait. Ils rompirent leur allégeance et abandonnèrent leur
foi après la mort de leurs Prophètes respectifs. Ils résilièrent
les conventions, modifièrent les Commandements et métamorphosèrent
la foi. Vous vous êtes montrés semblables à eux. O
gens de Quraych! Vous ne tarderez pas à subir les conséquences
de vos agissements inconvenables et la punition de votre mauvaise action.
Ce que vous avez lancé à travers votre conduite se retournera
contre vous. Rappelez-vous! Ce qui vous arrivera, vous l'aurez mérité
et sera juste, car Allah n'est pas injuste envers Ses serviteurs»
("Al-Ichtirâkî al-Zâhid", p. 113).
Ce discours montre le courage d'Abû Tharr et confirme le trait
principal de son caractère et de sa conduite, à savoir: dire
la vérité sans craindre rien ni personne, et ce, quelles
que soient les circonstances. En effet, Abû Tharr fit ce discours
à un moment où personne n'osait prononcer un mot contre le
Pouvoir. L'armée du Calife s'acharnait sur tous les Compagnons qui
faisaient preuve d'une velléité d'opposition à l'arrangement
de la Saqîfah. Quiconque refusait de prêter serment d'allégeance
était décapité. Quiconque hésitait à
le faire, était muselé. Un homme aussi courageux et aussi
prestigieux que `Ali fut pourtant emmené, le cou attaché
à une corde, et un Compagnon éminent aussi intouchable que
Salmân al-Farecî fut tellement battu qu'il en gardera des séquelles
jusqu'à la fin de sa vie.
Cheikh `Abbâs al-Qummî écrit que Fâtimah, la
fille du Prophète, était morte des suites de sa maladie provoquée
par la chute sur elle, de la porte de sa maison lorsque celle-ci fut attaquée
par les hommes du Calife, venus chercher `Ali pour l'obliger à prêter
serment d'allégeance. Selon la volonté et le testament de
Fâtimah, `Ali n'informa pas ceux qui avaient troublé la vie
de la fille du Prophète, de la mort de celle-ci(35).
Lorsqu'il finit de laver le corps de son épouse (Fâtimah),
il demanda à son fils al-Hassan d'aller appeler Abû Tharr
pour l'aider à l'inhumer. ("Safinat al-Bihâr" de Cheikh `Abâs
al-Qummî, Vol. 1, p. 483).
Al-Hâfidh Muhammad Ibn `Ali Ibn Chahr Âchûb (mort
en 588 H) écrit que la prière funèbre sur Fâtimah
fut accomplie par `Ali, al-Hassan et al-Hussayn. Selon une autre version,
s'ajoutent à ces noms ceux de `Abbâs Ibn `Abdul-Muttalîb,
al-Fadhl, Huthayfah, et Ibn Mas`ûd ("Manâqib ibn Chahr Âchûb",
Vol., p. 62, imprimé à Multan).
Chapitre 11
Les Racines du mal et du malaise
De part son tempérament, sa nature, son habitude et sur l'ordre
du Prophète (P), Abû Tharr ne pouvait retenir sa langue ni
rester tranquille dans son coin lorsque la vérité se trouvait
bafouée. Depuis la mort du Saint Prophète, qui l'avait affecté
énormément, sa principale occupation, en plus de son adoration
d'Allah, était de rester auprès du tombeau de son bien-aimé
disparu, et de faire les louanges des Ahl-ul-Bayt (Les membres bénis
de la famille du Prophète). Pourtant, il apparaît d'après
certains livres d'histoire que `Ali lui avait conseillé d'avoir
une attitude plus modérée, vu les circonstances(36).
Les jours s'écoulèrent ainsi. En l'an 13 H. Abû
Bakr décéda. Selon "Ta'rîkh al-Tabarânî"
et "Mu`jam al-Kabîr", Abû Bakr avait dit avec regret et remords
avant sa mort: «Combien j'aurais aimé ne pas forcer la porte
de la maison de Fâtimah, même si elle eût servi de base
de combat, et combien j'aurais aimé ne pas accepter la tâche
du Califat, mais en mettre la chaîne autour du cou de `Omar ou d'Abû
`Ubaydah». Selon "Ta'rîkh Ibn al-Wardî", Abû Bakr
finit par exécuter ce souhait intime en nommant `Omar comme successeur.
Et d'après "Al-Milal Wal-Nihal" d'al-Chahristânî, lorsqu'Abû
Bakr nomma `Omar comme successeur au moment de sa mort, les gens s'écrièrent:
«Tu as nommé un homme de mauvais caractère et au coeur
dur comme gouvernant».
Selon "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", Abû Bakr mourut le 22
Jumâdi al-Thânî de l'an 13 H, entre le Maghrib (coucher
du soleil) et le `Ichâ' (la nuit), et le même jour la prestation
du serment d'allégeance fut prise pour `Omar. Abû Tharr n'assista
vraisemblablement ni à la prière du mort ni aux funérailles
d'Abû Bakr, puisque aucun livre d'histoire ne mentionne sa présence.
Après la mort d'Abû Bakr, l'Etat islamique connut des conquêtes
fulgurantes. Abû Tharr décida de quitter Médine pour
la Syrie pour y passer le reste de sa vie. Selon "Musnad Ahmad", il préféra
partir pour la Syrie conformément à une recommandation du
Saint Prophète, lequel lui avait dit: «Abû Tharr! Quitte
Médine pour la Syrie lorsque la population de cette ville augmentera
et s'étendra jusqu'au Mont Sala».
Aussi, Abû Tharr se conformant à ce testament du Prophète
partit avec sa femme et sa fille pour la Syrie, après la mort d'Abû
Bakr.(37)
Abû Tharr, resta toujours fidèle à lui-même
quant à sa façon de dire la vérité sans détour
et sans craindre la colère de ses interlocuteurs ni l'autorité
d'un gouverneur. Lorsqu'il se trouvait en Syrie, `Omar y vint un jour pour
une raison quelconque. Il y rencontra Abû Tharr qui n'hésita
pas à lui rapporter, pour rappel, le Hadith suivant: «Je certifie
que le Saint Prophète a dit: «Celui qui se fait le maître
ou le gardien de quelqu'un, sera mit debout sur le pont de l'Enfer. S'il
est vertueux, il sera sauvé, mais s'il est méchant, le pont
craquera et il tombera dans l'Enfer».
L'amour profond et indéfectible d'Abû Tharr pour le Prophète
se manifestait encore, de plus en plus, après son décès.
Aussi, se mettait-il à pleurer douloureusement chaque fois qu'il
se souvenait de son bien-aimé disparu.
Pendant le séjour d'Abû Tharr en Syrie les gens pressaient
Bilâl (le muezzin attitré à l'époque du Prophète)
de faire l'appel à la prière (Azân), mais il évitait
d'accéder à leur demande en prétextant: «J'ai
renoncé à faire l'Azân depuis la mort du Prophète.
Je ne peux plus ni le faire ni le supporter». Toutefois, on finit
par le persuader de reprendre cette tâche, non sans difficulté.
Bilâl se mit donc debout et commença à réciter
le Azân avec la même voix sonore et haute qui résonnait
jadis à travers les rues de la ville de Médine à l'époque
du Prophète. En entendant cette voix, Abû Tharr ne put empêcher
ses larmes de couler à flots sur ses joues. Les souvenirs remontèrent
dans sa tête et le transportèrent vers Médine où
il revit le Prophète entouré de ses Compagnons. Il se rappela
le passé, les yeux débordant de larmes» ("Al-Ichtirâkî
al-Zâhid").
Abû Tharr demeura pendant environ 10 ans à l'extérieur
(en Syrie) et il retourna à Médine après avoir appris
l'assassinat de `Omar dans cette ville.
`Abul-Fida écrit dans son "Histoire" qu'un nommé Abû
Lu'lu' avait attaqué `Omar le 24 Thil-Hajjah de l'an 23 H. Selon
"Ta'rîkh al-Kâmil" d'Ibn al-Athîr, lorsque `Omar avait
été blessé, on fit venir un médecin de la tribu
de Banî Hârîthah pour le soigner. Le médecin lui
fit avaler du vin de datte, lequel ressortit à travers la blessure.
Puis on lui fit boire du lait, mais le lait aussi ressortit de la même
façon. Le médecin lui dit alors pour le rassurer: «O
Commandeur des croyants! Fais ce que tu veux».
Il est dit dans "Kanz al-`Ummâl" citant Abû Majliz que `Omar
demanda aux gens: «Quelle personne voulez-vous qu'elle soit votre
Calife après moi?». Quelqu'un s'écria: «Zubayr
Ibn al-`Awwâm». `Omar dit: «Vous voulez porter au Califat
un homme avare et discourtois!». Une autre personne dit: «Nous
choisirons Talhah comme Calife». `Omar répondit: «Vous
voulez comme Calife quelqu'un qui a hypothéqué avec un Juif,
un terrain garanti par le Messager d'Allah!». Une troisième
personne proposa: «Nous élirons `Ali au Califat». `Omar
dit: «Par ma vie! Si vous le faites, il fera tout pour vous maintenir
sur le droit chemin malgré vous!». Walîd Ibn `Uqbah
intervint à son tour: «Je sais qui sera le Calife après
toi». `Omar se leva et lui demanda: «Qui?». Walîd
répondit: «`Othmân». Or, selon Huthayfah ibn al-Yaman,
on avait demandé à `Omar, lorsqu'il était en parfaite
santé qui serait le Calife après lui, il avait répondu:
«`Othmân Ibn `Affân». Al-Walîd savait donc
pertinemment que les jeux avaient été déjà
faits, et la question de la succession déjà réglée.
Tout le reste n'était qu'un test visant à préparer
les gens à accepter un choix déjà arrêté.
Mullâ `Ali Qarî écrit dans "Charh Fiqh Akbar" que
lorsque `Omar avait senti sa fin proche, il plaça la charge du Califat
entre `Othmân, `Ali, Talhah, al-Zubayr, `Abdul-Rahmân Ibn `Awf
et Sa`d Ibn Abî Waqqâç et ordonna que le Califat ne
doive pas sortir du cadre de ces six personnes.
Selon "Ta'rîkh al-Kâmil", après la désignation
de ces six successeurs possibles, `Omar ordonna à un nommé
Suhayb: «Conduis la prière en assemblée pendant trois
jours, enferme ces six candidats pressentis pour le Califat dans une maison
et surveille-les. Si cinq d'entre eux tombent d'accord sur un candidat
et un s'y oppose, tue celui-ci. Si quatre d'entre eux s'accordent sur un
candidat et deux s'y opposent, ceux-ci doivent être décapités.
Et si trois d'entre eux tombent d'accord sur un candidat et que les trois
autres s'y opposent, `Abdullâh Ibn `Omar doit être choisi comme
arbitre et on doit donner raison, entre les deux groupes de trois candidats,
à celui qui compte dans son sein `Abdul-Rahmân, alors que
les trois membres de l'autre groupe doivent être exécutés».
Or, il suffit d'étudier la personnalité de chacun de ces
candidats, sa moralité et ses tendances, ainsi que les rapports
entre eux pour comprendre que les dispositions de ce testament ne pouvaient
qu'aboutir à la désignation de `Othmân et à
l'élimination de toute contestation ou objection.(38)
Selon "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", `Omar mourut le samedi, le 30
Thil-Hajjah. Selon "Charh Fiqh Akbar", après la mort de `Omar et
conformément à ses instructions une réunion du Conseil
Consultatif se tint dans la maison d'une nommée Fâtimah, soeur
de Ach`af Ibn Qays. D'après "Ta'rîkh al-A`tham" (p. 112),
les membres du Conseil accordèrent à `Abdul-Rahmân
Ibn `Awf le droit de choisir lui-même le Calife. `Abdul-Rahmân
tint la main de `Ali et lui demanda trois fois: «Si nous te choisissons
comme Gouvernant et Imam, acceptes-tu d'agir conformément au Livre
d'Allah, aux Traditions du Prophète et à celles des Chaykhayn
(Abû Bakr et `Omar)?». `Ali répondit: «Evidemment
j'agirai conformément au Saint Coran et aux Traditions du Prophète,
mais (au lieu des traditions d'Abû Bakr et `Omar) je décréterai
les Commandements religieux selon ma connaissance». `Abdul-Rahmân
posa alors la même question à `Othmân trois fois. `Othmân
répondit tout de suite: «Oui, bien sûr, je le ferai».
Sur ce, `Abdul-Rahmân lui prêta serment d'allégeance,
et les autres le suivirent.
Selon "Ta'rîkh al-Kâmil" et "Ta'rîkh `Abul-Fidâ",
`Ali constatant qu'il était l'objet de telles manoeuvres, dit à
propos de cette prestation de serment d'allégeance: «Aujourd'hui,
ce n'est pas la première fois que vous avez obtenu la victoire par
la conspiration. Eh bien! Il vaut mieux pour moi être patient. O
`Abdul-Rahmân! Par Allah! Tu as obtenu serment d'allégeance
pour `Othmân dans le but que le Califat passera à vous par
la suite».(39) `Abdul-Rahmân
répondit: «O `Ali! Ne t'en fais pas». Sur ce, `Ali sortit
de la maison, résigné: «Ça devait être
ainsi». Puis al-Miqdâd dit: «O `Abdul-Rahmân! Tu
as laissé tomber `Ali, bien qu'il soit, par Allah, l'un de ceux
qui sont avec la vérité et les plus judicieux».
D'après "Ta'rîkh al-Tabarî" et "Ta'rîkh al-Kâmil",
al-Miqdâd, dit aussi: «Je n'ai pas vu un traitement aussi malveillant
réservé aux membres de la Famille du Prophète après
sa mort. Je suis surpris de voir les Quraych abandonner un homme que je
considère comme étant le meilleur savant pieux (`âlim
rabbâni) et le plus juste juge. Par Allah, si j'avais des partisans
et des soutiens...!». Ne le laissant pas terminer, `Abdul-Rahmân
l'interrompit avec ces menaces déguisées: « O Miqdâd!
Crains Allah. Tu pourrais avoir des ennuis».
Dans "Murûj al-Thahab" al-Mas`ûdî rapporte que `Ammâr
Ibn Yâcer se leva, à cette occasion dans le Masjid al-Nabî
et dit: «O les Quraych! Puisque vous avez éloigné le
Califat des Gens de la Maison (Ahl-ul-Bayt) de votre Prophète pour
le placer tantôt ici et tantôt là, nous devons nous
attendre à ce qu'Allah vous l'arrache pour le remettre à
quelqu'un d'autre, tout comme vous l'avez écarté de celui
qui en est digne pour le conférer à quelqu'un qui ne le mérite
pas». Puis, Miqdâd se leva, indigné: «Je n'ai
jamais vu de tels tourments infligés aux Ahl-ul-Bayt après
la mort du Prophète». `Abdul-Rahmân répondit:
«O Miqdâd! Qu'est-ce que tu dis là?». Miqdâd
rétorqua: «Pourquoi ne dois-je pas parler ainsi? Je prends
le parti des Ahl-ul-Bayt du Prophète parce que la vérité
est sûrement avec eux et avec eux seulement. O `Abdul-Rahmân!
Je suis surpris par l'attitude des Quraych que tu essaies d'aider à
prendre le pouvoir et qui ont conspiré pour éloigner la gloire
du Saint Prophète des membres bénis de sa Famille, après
sa mort! O `Abdul-Rahmân! Sache, par Allah que si j'avais des partisans
et des amis, j'aurais combattu les Quraych tout comme je l'avais fait lors
de la Bataille de Badr».
Selon "Ta'rîkh al-Tabarî", `Ammâr Ibn Yâcer
dit à cette même occasion: «O gens! Allah nous a honorés
avec Sa Religion et nous a accordé la grandeur grâce au Saint
Prophète. Pourquoi voulez-vous arracher le Califat aux Ahl-ul-Bayt
de votre Prophète?!».
Selon "Rawdhat al-Ahbâb", lorsque `Abdul-Rahmân Ibn `Awf
prêta serment d'allégeance à `Othmân et que les
personnes présentes le suivirent, `Ali dit peu après: «O
gens! Je vous demande de me dire, sous serment, s'il y a une seule personne,
à part moi, parmi les Compagnons du Prophète, à qui
celui-ci ait dit à l'occasion de la proclamation de la "Fraternisation"et
après l'avoir déclaré "son frère": «Tu
es mon frère aussi bien dans ce monde que dans l'Au-delà!»
L'assistance répondit: «Non». `Ali demanda encore: «Y
a-t-il quelqu'un d'entre vous, en dehors de moi, que le Prophète
ait désigné pour expliquer la Sourate al-Barâ'ah (Chapitre
10 du Saint Coran) en déclarant que le devoir du Messager d'Allah
ne peut être accompli que par lui-même (le Prophète)
ou par l'un de ses Ahl-ul-Bayt?». Tout le monde répondit:
«Non». Il poursuivit: «Vous savez tous que le Guide de
l'humanité, et l'Intercesseur du jour du Jugement m'a désigné
comme le Commandant de tous les Muhâjirîn et les Ançâr
dans la plupart des batailles auxquelles il n'a pas participé personnellement,
et qu'il leur a ordonné de m'obéir, sans jamais nommer un
Commandant au-dessus de moi». Les gens dirent: «Oui, bien sûr,
c'est vrai». `Ali reprit: «Vous savez que le Saint Prophète
a fait valoir la prééminence de mon savoir en déclarant:
«Je suis la Cité du Savoir et `Ali en est la Porte».
Les gens répondirent: «Oui, nous le savons». `Ali poursuivit:
«Les Compagnons se sont souvent enfuis dans le champ de bataille,
laissant le Prophète au milieu des ennemis, alors que je ne l'ai
jamais abandonné dans n'importe quelle situation dangereuse, et
que je suis resté toujours à ses côtés, prêt
à sacrifier ma vie pour le protéger». Tout le monde
répondit: «Oui, c'est vrai». `Ali dit: «Vous savez
que j'ai été le premier à embrasser l'Islam?».
Les gens répondirent: «Oui, nous le savons». Puis `Ali
demanda: «Lequel de nous tous est le plus proche parent du Prophète?».
Tout le monde reconnut à l'unanimité: «Il n'y a pas
de doute que ta proche parenté avec le Saint Prophète est
établie et incontestable». Mais `Abdul-Rahmân Ibn `Awf
intervint et dit à l'adresse de `Ali: «O `Abul-Hassan! Personne
ne peut nier tes vertus et tes qualités que tu viens de décrire
et énumérer. Mais maintenant que la plupart des gens ont
prêté serment d'allégeance à `Othmân,
j'espère que tu feras comme eux». `Ali répondit: «Par
Allah! Tu sais très bien qui mérite le Califat. Mais il est
triste que tu l'aies abandonné délibérément».(40)
L'historien Mohammad Ibn `Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî écrit
dans son livre (204 H.) que `Ali Ibn Abî Tâlib dit lors de
la désignation de `Othmân pour le Califat: «O gens!
Vous savez que nous sommes les Ahl-ul-Bayt du Prophète et le moyen
de la protection de la Ummah contre toute calamité et toute détresse.
Si vous ne nous remettez pas notre droit, il parviendra automatiquement
à son axe, et si vous refusez de nous accorder ce qui nous revient
légitimement, nous irons, sur les dos de nos chameaux, là
où nous estimons bon d'aller, peu importe combien de temps cela
prendra, et lorsque l'heure fixée de notre retour sonnera, nous
reviendrons. Je jure par la Gloire d'Allah que si Mohammad n'avait pas
ma parole sur ce sujet et s'il ne m'avait pas informé préalablement
sur ce qui vient de se passer, je n'aurais jamais renoncé à
mon droit ni n'aurais jamais permis à quiconque de m'en déposséder.
J'aurais combattu avec un tel acharnement pour recouvrer mon droit, que
je n'aurais pas hésité un instant à sacrifier ma vie
pour atteindre mon but».
Selon "Ta'rîkh Abdul-Fidâ", on procéda à la
prestation du serment d'allégeance à `Othmân, le 3
Muharram de l'an 24 H.
Après son accession au Califat, `Othmân gouverna selon
les principes de l'Etat islamique pendant un certain temps. Mais à
la longue, il finit par dévier des principes de la justice islamique
et emprunta une mauvaise voie, ce qui provoqua la révolte des Compagnons
du Saint Prophète.
L'historien de l'Islam du 3e siècle de l'Hégire, Mohammad
Ibn `Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî, déjà cité,
affirme que tout ce que les gens dirent à propos de `Othmân,
et tous les mots, les actes qu'ils tolérèrent de lui sont
rapportés des sources authentiques selon des versions nuancées
mais aboutissant aux mêmes conclusions. Il a condensé ces
différentes versions dans une seule synthèse ou conclusion
selon laquelle tous les narrateurs s'accordent pour dire qu'après
son accession au Califat `Othmân ne maintint les fonctionnaires nommés
par `Omar, que pendant quelques jours..Il ne tarda pas à les destituer
pour les remplacer par des Omayyades qui étaient ses cousins et
ses proches parents. Ainsi, il nomma `Abdullâh Ibn `Amer Kurbuz gouverneur
de Basrah, al-Walîd Ibn Atâbah Ibn Abî MU`t gouverneur
de Kûfa et il maintint Mu`âwiyeh Ibn Abî Sufiyân
en Syrie tout en élargissant considérablement le territoire
sous sa juridiction. Il nomma également `Abdullâh Ibn Sa`d
Ibn Abî Sarân en Egypte et `Omar Ibn al-`Âç en
Palestine. Après la conquête de Khurâsân, Sijistân,
Pars, Kermân, l'Egypte, la Syrie et les Iles de l'Irak, le Trésor
du Calife s'enrichit de butins considérables. Avant l'arrivée
de toutes ces richesses, `Othmân gouverna bien et avec le souci de
justice. Mais par la suite, lorsque le Trésor public commença
à déborder de nouvelles richesses, il changea ses habitudes
et son administration, mit tout le territoire de l'Etat Islamique sous
le contrôle des Omayyades et plaça toutes les villes entre
les mains de ses proches, à qui il distribua trop généreusement
des sommes considérables tirées du Trésor Public.
Ainsi, il gratifia libéralement `Abdullâ Ibn Khâlid
Ibn Asad Ibn al-`Âç Ibn Omayyah de la somme faramineuse de
100.000 dinars. Il alloua la même somme à al-Hakam Ibn al-`Âç
et une autre somme de 100.000 dinars à son fils Hârith Ibn
al-Hakam. Les gens furent mécontents de ces attributions et s'en
plaignirent auprès de `Abdul-Rahmân Ibn `Awaf en lui disant:
«Tu seras comptable des conséquences de ce gaspillage. Nous
subissons ces pertes à cause de toi. Lorsque tu lui avais prêté
serment d'allégeance et de loyauté, ce n'était pas
pour qu'il s'adonne à ces pratiques injustes et à cette mauvaise
action. Maintenant, il nous faut voir quelles sont les mesures à
prendre». `Abdul-Rahmân dit: «Je ne suis pas au courant
de ce que vous dites». Le lendemain `Ali rencontra `Abdul-Rahmân
et lui demanda s'il approuvait ces agissements de `Othmân. `Abdul-Rahmân
répondit: «Je ne sais pas. Si ces choses-là sont vraies,
et que la conduite de `Othmân a pris ce tournant, dégaine
ton épée et je ferai de même». Les gens rapportèrent
à `Othmân ce que `Abdul-Rahmân avait dit à `Ali.
`Othmân fut enragé de colère et dit: «`Abdul-Rahmân
est un hypocrite, et entacher ses mains avec mon sang n'est pas une tâche
difficile pour lui». `Abdul-Rahmân à son tour ayant
appris ces propos du Calife se fâcha et s'indigna: «Je n'aurais
jamais pu imaginer un instant que `Othmân puisse me qualifier d'hypocrite».
Puis, il jura de ne plus lui adresser la parole jusqu'à la mort.
Depuis lors, les actes de népotisme de `Othmân et les échanges
de propos avec `Abdul-Rahmân parvinrent aux oreilles du public, lequel
devint très critique vis-à-vis du Calife.
`Othmân pour sa part était parfaitement renseigné
sur le mécontentement croissant des gens. Aussi, ordonna-t-il un
jour aux Musulmans de se rassembler dans le Masjid. Lorsque tout le monde
se rassembla, `Othmân monta sur la chaire, remercia Allah, récita
les formules de bénédictions sur le Prophète et fit
ce discours:
«O gens! Soyez reconnaissants envers Allah pour Ses bienfaits
afin que les bénédictions et les richesses augmentent. Souvenez-vous
de Lui tout le temps, évoquez Son Nom et respectez Ses Droits. Vous
êtes des Musulmans et vous avez avec vous le Livre d'Allah dans lequel
tout est marqué.
»Allah vous a ordonné d'obéir au gouvernant. Craignez
donc Allah. Exécutez Ses ordres. Cessez vos contacts et vos liaisons
avec l'opposition et les pécheurs.
»Vous devez savoir que remplacer le Messager d'Allah et administrer
les affaires du Califat est une tâche très difficile. De plus,
la question du Califat dépasse votre compréhension. Allah
a conféré le gouvernement aux émirs afin qu'ils tranchent
les litiges entre le faible et le fort et empêchent celui-ci d'opprimer
celui-là.
»Il y a beaucoup d'entre vous qui ont vécu à l'époque
du Saint Prophète, ont entendu ses paroles saintes et ont été
témoins de son mode de vie. En outre, vous avez le Livre d'Allah
entre vos mains. Vous devez avoir lu dans ce Livre tous les commandements,
toutes les prohibitions et tous les actes légaux et illégaux.
Allah vous y a fait sa remarque finale. IL a promis d'augmenter Ses bénédictions
à ceux qui Le remercieront pour Ses bienfaits. Il y a une récompense
pour les vertueux et une punition pour les méchants. Vous avez déjà
entendu parler de la pompe, l'apparat, la gloire et le pouvoir des rois
et des monarques, lesquels étaient plus forts que nous et avaient
des armées bien plus grandes que la nôtre. Ils avaient de
grandes villes et vivaient dans le confort et le luxe. Mais puisqu'ils
ne se conformaient pas aux ordres d'Allah, préférant le monde
d'ici-bas à la Vie future, ils devinrent la proie des disputes et
des troubles et renoncèrent à présenter leurs remerciements
à Allah pour Ses bénédictions. Aussi Allah les a-t-Il
conduits vers la décadence, vous a-t-IL offert leurs villes, maisons,
pâturages et vous a-t-IL donné toutes les bénédictions
dont ils avaient joui. Ces bénédictions resteront avec vous
si vous continuez à en remercier Allah, autrement, elles diminueront
si vous vous livrez aux péchés, à la désobéissance,
et vous finirez à l'ultime stade par périr.
»Allah m'a accordé le Califat (la succession) du Saint
Prophète, et je suis capable maintenant de le mener à bien.
J'ai pris en main mon poste et je suis en train de m'acquitter de ce devoir
important et onéreux. Le Même Allah Qui m'a accordé
le Califat me confère la capacité de me conformer à
Sa Volonté. J'ai compris aussi le secret de cette parole: "Vous
êtes tous des responsables et vous serez tous comptables des actes
des gens", et j'ai pris conscience du strict fait que celui qui a été
porté au poste de commandement a été investi en même
temps d'une lourde responsabilité. Le gardien du peuple sera appelé
à fournir des explications sur chaque acte de ses administrés
et des comptes pour chaque particule et chaque atome. On m'a informé
que certains d'entre vous objectent à ma façon de dépenser
l'argent et qu'ils disent qu'il aurait mieux valu que `Othmân dépensât
cet argent au bénéfice des soldats et de leurs enfants. Oui,
cela aurait été plus opportun, et plus acceptable pour Allah
bien sûr. Je l'admets. Et désormais je le ferai. Je vais envoyer
à chaque ville une personne digne de confiance pour distribuer aux
soldats et à leurs enfants autant d'argent qu'on en a collecté,
et mettre de côté ce qui reste pour servir au moment de besoin.
»Si Allah le veut, je paierai les droits des vieillards, des pauvres,
des orphelins et des veuves. Je vous consulterai pendant mes moments disponibles
sur des questions qui se poseraient et j'agirai conformément à
vos conseils. Venez me voir de temps en temps pour discuter des problèmes
et des convenances et pour m'expliquer ce qui vous semblerait bon d'expliquer.
J'accomplirai le travail avec votre consentement et selon les exigences
des circonstances. Je n'ai aucun gardien à ma porte pour vous contrôler.
Toute personne peut venir à tout moment pour me dire tout ce qu'elle
veut. Que la paix soit sur vous!».
En entendant ce discours de `Othmân, les Musulmans furent très
satisfaits et rentrèrent chez eux en faisant ses éloges et
en priant pour lui. `Othmân pour sa part, tint parole, suivit la
voie de la justice, observa l'équité entre les soldats et
les civils, traitant tout le monde avec bonté et s'occupant des
pauvres et des orphelins. Cela dura un an.
`Othmân changea de politique et de méthode, et adopta des
mesures contraires aux normes de la tradition et des vertus. Les Compagnons
du Prophète, très choqués par ce changement d'attitude,
se réunirent et prirent la décision d'aller voir le Calife
pour lui présenter une liste d'agissements contraires à l'Islam,
commis par son gouvernement depuis son accession au Califat. Ils avaient
choisi de présenter leurs griefs plutôt par écrit qu'oralement,
car ils craignaient d'une part d'oublier lors d'une présentation
orale certains des sujets de leurs mécontentements, et d'autre part
de ne pas oser les exposer franchement. Ils rédigèrent donc
les trois principales pratiques irréligieuses apparues depuis l'investiture
de `Othmân, et projetèrent d'aller ensemble chez le Calife
pour lui remettre leur document.
Les gens qui avaient rédigé ce document rencontrèrent
`Ammâr ibn Yâcer et l'informèrent de ce qu'ils avaient
écrit. Ils lui demandèrent s'il pouvait se charger lui-même
de remettre le document à `Othmân. `Ammâr Ibn Yâcer
accéda à leur demande, prit la pétition et se rendit
chez le Calife. Lorsque `Othmân, qui était sur le point de
sortir, vit `Ammâr Ibn Yâcer à sa porte avec un document,
il lui demanda: «O Abul-Yaqzan! Désires-tu me voir?».
`Ammâr répondit: «Je ne viens pas te voir pour une affaire
personnelle, mais les Compagnons du Prophète ont préparé
collectivement une liste des actions contraires à la Loi islamique
commises par toi et ils voudraient que tu clarifies ta position sur ce
sujet».
`Othmân prit le document avec irritation, en lit quelques lignes
et le jeta. `Ammâr lui dit: «Ne le jette pas, car ce papier
a été écrit par les Compagnons du Saint Prophète.
Tu devrais plutôt le lire attentivement et te conformer à
son contenu. Je dis ceci dans ton intérêt». `Othmân
dit: «O fils de Sumayyah! Tu mens». `Ammâr répondit:
«Je suis sans aucun doute le fils de Sumayyah et de Yâcer».
Le Calife devint furieux. Il ordonna à ses serviteurs de battre
`Ammâr, le grand Compagnon du Prophète. Il fut ainsi tellement
battu qu'il perdit connaissance. Puis, `Othmân lui-même avança
vers lui et lui administra plusieurs coups sur l'estomac et les testicules.
`Ammâr perdit connaissance de nouveau. Ces coups provoquèrent
une hernie chez lui. Lorsque les Banî Makhzûm, qui étaient
des cousins et des proches parents de `Ammâr, apprirent ce qui lui
avait éait arrivé, ils allèrent le chercher avec Hâchim
Ibn Walîd Ibn Mughîrah, le ramenèrent à la maison
et l'allongèrent sur le lit. Alors que `Ammâr était
encore inconscient tous les gens jurèrent que s'il venait à
mourir des suites de son passage à tabac, ils tueraient `Othmân.
`Ammâr étant dans cet état d'inconscience, il manqua
la prière de l'après-midi et celle du soir. Lorsqu'il reprit
conscience pendant la nuit, il se releva, fit l'ablution rituelle et accomplit
tout de suite les prières manquées.
Cet incident dont fut victime `Ammâr fait partie d'un ensemble
de méfaits reprochés à `Othmân et à cause
desquels les Compagnons refusaient de lui prêter serment d'allégeance.(41)
Nous citons ci-après quelques exemples tirés de livres d'histoire
dignes de foi, pour donner une idée des actions révoltantes
perpétrées pendant le mandat de `Othmân, et montrer
quel traitement injuste il réserva aussi bien au public qu'aux nobles
Compagnons du Saint Prophète, et quelles pratiques déviationnistes
furent instituées pendant son Califat.
Selon "Ta'rîkh al-Khulafâ'" d'al-Suyûtî, `Othmân
était le premier en Islam à introduire le `Azân (l'appel
à la prière) avant la Prière du Vendredi. Selon "al-Wasâ'il
Fî Ma`rifat al-Awâ'il", `Othmân était le premier
à faire précéder la prière de `Id par le serment.
Ni, à l'époque du Saint Prophète ni, pendant le mandat
d'Abû Bakr et de `Omar cette pratique n'avait eu cours. Selon "Murûj
al-Thahab" d'al-Mas`ûdî, lorsque `Othmân devint Calife,
son oncle al-Hakam Ibn al-`Âç et le fils de celui-ci, Marwân
Ibn al-Hakam ainsi que d'autres membres des Banî `Omayyah (qui avaient
été bannis de Médine sur ordre du Saint Prophète)
se réunirent autour de `Othmân et devinrent les hommes forts
de son régime. En effet, Marwân n'était autre que le
proscrit qui avait été expulsé de Médine par
le Prophète, et frappé d'interdiction de retour et de séjour
à Médine et ses environs. D'autre part, parmi les gouverneurs
nommés par `Othmân, figurait son frère maternel, al-Walîd
Ibn `Uqbah dont le Prophète avait dit qu'il irait en Enfer. Ce Walîd
Ibn `Uqbah passait ses nuits à boire de l'alcool avec des amis,
des musiciens et des prostituées. Un jour lorsqu'il fut réveillé
par le muezzin(42) à l'aube, il
se rendit au masjid en état d'ébriété, dirigea
la prière du matin, en accomplissant quatre rak`ah (unités)
de prière au lieu de deux requises, et dit aux gens qu'il était
prêt à en faire encore plus, s'ils le désiraient! Les
livres d'histoire disent aussi, que lorsqu'il se prosterna, il prolongea
indûment la prosternation en disant: «Buvez et apportez-moi
à boire». L'un de ceux dont il dirigeait la prière
et qui se trouvait dans le premier rang, juste derrière lui, lui
dit: «Tu ne nous étonnes pas, mais ce qui nous étonne,
c'est celui qui t'a nommé imam de la prière».
Lorsque les nouvelles de la débauche de Walid et son alcoolisme
parvinrent aux oreilles de tout le monde, un groupe de Musulmans incluant
Abû Jundab et Abû Zaynab se rendirent dans le masjid pour le
surprendre. Ils le trouvèrent inconscient. Ils essayèrent
de le réveiller, mais constatant qu'il ne pouvait reprendre conscience,
ils ôtèrent la chevalière de son doigt et partirent
immédiatement à Médine pour informer `Othmân
de la conduite d'al-Walid et de son alcoolisme manifeste. `Othmân
demanda à Abû Jundab et Abû Zaynab comment ils apprirent
qu'il avait bu du vin. Présentant la chevalière comme preuve,
ils lui dirent: «Il a bu le même vin que nous avions l'habitude
de boire pendant l'Epoque de l'Ignorance (pré-islamique). Au lieu
d'écouter le reste de leur rapport, `Othmân les blâma
et les poussa par leur poitrines en leur disant: «Allez-vous-en».
Le groupe de Kûfites retourna sans tarder à Kûfa.
D'après "Ta'rîkh Abul-Fidâ", `Othmân démit
`Amr Ibn al-`Âç de son poste de gouverneur d'Egypte pour nommer
à sa place, son frère de lait, Sa`d Ibn Abî Sarh, celui-là
même dont l'assassinat avait été autorisé par
le Prophète le jour de la conquête de la Mecque. Selon "Ta'rîkh
al-Kâmil", `Othmân accomplit le hajj (le Pèlerinage
de la Mecque) avec les gens, en l'an 26 de l'Hégire. Marwân
ibn al-Hakam cité dans "Musnad Abû Dawûd Tiâlîsî"
raconte à ce propos: «J'ai vu `Othmân et `Ali pendant
le Pèlerinage. `Othmân interdisait aux gens d'accomplir le
rite de Mut`at al-Hajj (le fait d'accomplir en même temps le Hajj
[le Pèlerinage majeur] et la `Umrah [le pèlerinage mineur].
En guise d'objection, `Ali récita alors le tahlîl (Lâ
ilâha illallâh) de Hajj et de `Umrah ensemble en précisant:
«Je suis là pour accomplir le Hajj et la `Umrah en même
temps». `Othmân lui dit: «O `Ali! Tu fais ce que j'ai
interdit aux gens de faire». `Ali lui répondit: «Personne
ne me fera abandonner une Tradition du Prophète» (Ce hadith
est cité dans "Çahîh al-Bûkhâri" également).
Chapitre12
Abû Tharr et `Othmân
Al-`Allâmah al-Subaytî, entre autres, écrit qu'Abû
Tharr resta à Médine après la mort de `Omar. Il remarquait
combien `Othmân avait un faible pour les Omayyades dont l'influence
et le pouvoir grandirent considérablement sous son règne,
réussissant même à transformer l'aspect de l'Etat islamique
qui ressemblait de plus en plus à un royaume par les magnificences
et les somptuosités qu'il affichait. Les élites vivaient
dans le luxe et la pompe et menaient une existence très somptueuse.
Les gens devinrent friands de gains matériels. Abû Tharr remarqua
aussi que la majorité des Compagnons avaient complètement
changé. Al-Zubayr, Talhah et `Abdul-Rahmân Ibn `Awf (qui s'étaient
réconciliés avec le gouvernement) par exemple, acquirent
des maisons et des terrains. Sa`d Ibn Abî Waqqâç avait
des agates fixées dans son palace qu'il avait élevé
très haut, et dont il élargit la cour dans laquelle il avait
érigé une tourelle.
Abû Tharr qui avait connu de très près le mode de
vie du Prophète et assimilé à côté de
lui tous les principes de l'Islam et ses recommandations ne put supporter
toute cette déviation de l'Etat islamique et de ses dirigeants.
Il se souleva ouvertement pour condamner sans détour tout ce qui
était islamiquement condamnable. Il n'était pas quelqu'un
à accepter l'intimidation du Calife ou des hommes forts du pouvoir.
Il se mit à appeler les gens à plus de retenue dans les dépenses
et à plus d'austérité, n'hésitant pas à
s'en prendre à `Othmân qu'il tenait pour premier responsable
de ces écarts de l'Etat islamique.
Un jour il apprit que `Othmân venait d'attribuer à Marwân
Ibn al-Hakam, le cinquième du tribut payé par l'Afrique à
Marwân Ibn al-Hakam, 300.000 dirhams à al-Harath Ibn al-`Âç,
100.000 dirhams à Zayd Ibn Thâbit, une grande partie du butin
de l'Afrique à son frère de lait, `Abdullâh Ibn Abî
Sarah, et le terrain de Fadak - appartenant de jure à Fâtimah
al-Zahrâ', la fille du Prophète, à Marwân. Aussi
se mit-il à réciter publiquement dans le masjid ce verset
coranique:
«Annonce un châtiment douloureux à ceux qui thésaurisent
l'or et l'argent sans rien dépenser dans le chemin d'Allah»
(Sourate al-Tawbah, 9:34)
Marwân apprit qu'Abû Tharr l'avait attaqué sans ménager
`Othmân. Il se plaignit auprès de ce dernier, lequel ordonna
à son esclave de convoquer Abû Tharr. Celui-ci se présenta
au Calife. En le voyant `Othmân dit: «Abû Tharr! Cesse
de dire ce que j'ai entendu, autrement il n'y aurait personne de plus inamical
que moi envers toi». Abû Tharr répondit: «O Commandeur!
Qu'as-tu entendu à propos de moi?». `Othmân dit: «Je
viens d'apprendre que tu incites les gens contre moi». Abû
Tharr demanda: «De quelle façon?». `Othmân répondit:
«Tu récites le verset coranique, "Annonce un châtiment...
etc." dans le masjid». Abû Tharr dit: «O Commandeur!
Est-ce que tu veux m'empêcher de réciter le Livre d'Allah
et de dénoncer les méfaits de ceux qui ont abandonné
les Commandements d'Allah! Par Allah, je ne saurais offenser Allah pour
faire plaisir à `Othmân. Le mécontentement de `Othmân
est meilleur pour moi que le mécontentement d'Allah».
En entendant Abû Tharr, `Othmân le regarda de travers, mais
il ne put trouver un argument pour réfuter l'accusation de son interlocuteur.
Aussi se contenta-t-il de ne rien dire et resta silencieux. Abû Tharr
se leva et quitta le lieu, plus déterminé que jamais à
continuer de critiquer ceux qui agissaient d'une façon contraire
aux Commandements d'Allah.
Abû Tharr continua donc d'attaquer `Othmân plus fréquemment
et chaque fois qu'il s'écartait des principes islamiques. Le Calife
devint très mécontent de l'audace de cet illustre Compagnon
intouchable et indomptable. Aussi, attendit-il l'occasion de le proscrire.
Un jour l'occasion se présenta et `Othmân ne manqua pas de
la saisir.
En effet, selon Ibn Wâdhih, l'auteur de "Ta'rîkh al-Ya`qûbî",
les gens informèrent le 3e Calife qu'Abû Tharr l'avait persiflé
dans le masjid où il avait tenu ce discours:
«O gens! Ceux qui me connaissent me reconnaissent, et ceux qui
ne me connaissent pas, qu'ils sachent que je suis Abû Tharr al-Ghifârî.
Mon nom est Jundab Ibn Junâdah al-Rabadhî. Allah a exalté
Adam, Nûh, la progéniture d'Ibrâhîm et les enfants
de `Imrân et les plaça au-dessus de l'humanité. Le
Prophète Mohammad est l'héritier du savoir d'Adam et de toutes
les vertus qui ont distingué les Prophètes. Et l'Imam `Ali
Ibn Abî Tâlib est le successeur du Prophète et l'héritier
de son savoir.
»O gens déroutés! Si après la disparition
du Prophète vous aviez donné la préférence
à celui qu'Allah avait préféré, et placé
dernier celui qu'Allah avait placé dernier, et que vous aviez laissé
le gouvernement et la succession à leurs ayants droit, les Ahl-ul-Bayt,
vous auriez obtenu d'innombrables bénédictions de par-dessus
de vos têtes et d'en dessous de vos pieds, et aucun ami d'Allah n'aurait
été pauvre ou indigent. Aucune partie des obligations divines
n'aurait été négligée, ni aucune dispute entre
deux individus n'aurait éclaté à propos d'un Commandement
Divin pour la simple raison qu'ils auraient trouvé la juste explication
de ce Commandement dans le Livre d'Allah et les Traditions du Prophète,
tels qu'ils sont expliqués par les Gens de la Maison du Prophète
(Ahl-ul-Bayt). Mais puisque vous avez fait délibérément
ce que vous n'auriez pas dû faire, vous devez pâtir des conséquences
de votre méfait, et bientôt ceux qui ont été
injustes sauront à qui ils retourneront».
Il est noté dans le même livre d'histoire que `Othmân
apprit également qu'on l'accusait publiquement d'avoir apporté
des modifications à la Sunnah du Saint Prophète et aux traditions
d'Abû Bakr et de `Omar, alors que sa nomination à la tête
de l'Etat était fondée sur son engagement de suivre les traditions
de ses deux prédécesseurs.
`Othmân, convaincu que les reproches publics que les Musulmans
lui faisaient, concernant sa façon de gouverner, étaient
dus à l'audace et aux discours de l'incorruptible Abû Tharr,
proscrit ce dernier en Syrie, pour être sous le contrôle de
Mu`âwiyeh, le gouverneur de cette province. Selon "Ta'rîkh
`Abul-Fidâ", la déportation eut lieu en l'an 30 de l'Hégire.
Selon les historiens, étant donné qu'Abû Tharr avait
continué à critiquer les actes de violation des Lois islamiques,
`Othmân avait tout d'abord pensé pouvoir limiter l'influence
de l'illustre Compagnon du Prophète en lui imposant des restrictions
sévères. Ainsi, il avait décrété l'interdiction
à toute personne de parler à Abû Tharr, de s'approcher
de lui ou de le fréquenter. Pour proclamer cet ordre de mise au
ban de la société concernant Abû Tharr, des réunions
publiques avaient été organisées à plusieurs
reprises.
A ce sujet, al-`Allâmah al-Majlicî et al-`Allâmah
al-Subaytî écrivent que le nommé al-Ahnaf Ibn Qays
avait l'habitude de venir s'asseoir dans le masjid. Un jour, il fit la
prière suivante: «O Seigneur! Remplace mon insociabilité
par l'amour, et ma solitude par une compagnie, et présente-moi un
compagnon d'un mérite inégalable». À peine eut-il
fini de prononcer cette prière, il vit un homme assis dans le coin
du masjid et occupé à l'adoration d'Allah. Il se leva, se
dirigea vers lui et s'assit à côté de lui. Puis il
lui dit: «Qui es-tu et quel est ton nom». L'homme répondit:
«Jundab Ibn Junâdah». En l'entendant, il s'écria:
«Allah est Grand! Allah est Grand!». Abû Tharr (Jundab)
lui demanda: «Pourquoi récites-tu ce takbîr (Allah
est Grand)». Al-Ahnaf répondit: «Lorsque je suis entré
dans le masjid aujourd'hui, j'ai prié Allah de me présenter
le meilleur compagnon. IL a donc exaucé ma demande très rapidement
et m'a accordé l'honneur de te rencontrer». Abû Tharr
dit alors: «Je dois glorifier Allah plus que toi, pour m'avoir jugé
être un compagnon convenable. Ecoute-moi! Le Saint Prophète
m'avait informé que toi et moi, nous serons portés vers un
endroit très élevé et que nous y resterons jusqu'à
ce que tout le monde ait terminé de rendre des Comptes». Et
Abû Tharr d'ajouter: «O serviteur d'Allah! Eloigne-toi de moi,
autrement tu auras des ennuis». Al-Ahnaf lui demanda: «Comment
cela, mon ami?». Abû Tharr expliqua: «`Othmân Ibn
`Affân a décrété que quiconque me rencontre,
me parle ou s'assied avec moi, sera puni»(43).
En bref, `Othmân se dégoûta de la véracité
et de la franchise d'Abû Tharr, lequel malgré les restrictions
qui lui avaient été imposées continua à dénoncer
les violations des Lois islamiques. N'ayant pas réussi à
le réduire au silence, `Othmân décida de le bannir
en Syrie.
Chapitre 13
Abû Tharr et Mu`âwiyeh
Les historiens affirment que `Othmân, excédé par
le cri de la vérité d'Abû Tharr l'avait soumis à
toutes sortes de répressions afin de le museler. La répression
touchait également ceux qui osaient écouter, fréquenter
et rencontrer Abû Tharr. Condamné à se taire, Abû
Tharr ne pouvait toutefois garder le silence, chaque fois qu'il constatait
qu'une Loi islamique ou une Tradition du Prophète était violée.
N'ayant pas trouvé le moyen adéquat de réduire au
silence un grand Compagnon qui ne faisait que dénoncer à
haute voix, comme le Prophète le lui avait recommandé, les
déviations et les contre-vérités, il se résolut
à l'éloigner de la capitale de l'Islam, et à le proscrire
en Syrie dont le gouverneur tout-puissant était Mu`âwiyeh.
Il pensa que ce dernier serait en mesure de le paralyser.
Abû Tharr fut donc contraint de quitter sa terre et sa maison
et de partir avec sa famille pour la Syrie. Cet exil confirma en fait la
prédiction que le Saint prophète lui avait faite lors de
l'une de leurs innombrables conversations. D'autre part en lui faisant
cette prédication le Saint Prophète l'avait exhorté
d'accepter avec patience et résignation son exil. C'est ce qu'il
fit ("Al-Ghadîr" d'al-`Allâmah al-Amînî, Vol. 8,
p. 302).
Abû Tharr qui avait déjà été dégoûté
des écarts de `Othmân des principes du gouvernement islamique,
fut abasourdi lorsqu'il vit la conduite de Mu`âwiyeh qui ruinait
carrément les Commandements de l'Islam. Il ne pouvait pas imaginer
que tout l'appareil administratif était hors- la-loi. Il finit par
penser qu'à cause du style de vie de Mu`âwiyeh, l'Islam tel
qu'il avait été présenté par le Saint Prophète,
non seulement était dévié, mais sur le point d'être
éteint. À la vue de tous ces dangers qui menaçaient
l'intégrité de l'Islam, Abû Tharr fut profondément
choqué, et sentit la colère et la révolte l'appeler
à réagir. Sa sincérité et sa franchise le conduisirent
à pousser le cri de la vérité, comme il l'avait fait
le jour de sa conversion à l'Islam, dans le fief des polythéistes,
sans se soucier de tous les dangers qu'il courait, et en risquant sa vie.
De nature très courageuse, il n'hésita pas un instant à
dire la vérité à haute voix. Ainsi, tout en sachant
que Mu`âwiyeh gouvernait la Syrie comme un monarque, il s'appliqua
à s'acquitter de son devoir islamique de commander le bien et d'interdire
le mal en prévenant Mu`âwiyeh de ses actes contraires à
l'Islam, et en lui faisant remarquer franchement que sa façon de
vivre et de gouverner était aussi contraire à l'Islam que
celle de `Othmân Ibn `Affân.
Selon al-`Allâmah al-Subaytî, le bannissement d'Abû
Tharr en Syrie est la preuve que `Othmân voulait détourner
l'attitude critique de son détracteur à son égard,
vers Mu`âwiyeh.
Selon l'historien al-Balâtharî, al-`Allâmah al-Subaytî,
al-`Allâmah al-Majlicî, al-`Allâmah al-Amînî,
lorsqu'Abû Tharr arriva en Syrie, Mu`âwiyeh était en
train de finir la construction de son palace "al-Khidhrah". Des milliers
d'ouvriers travaillaient d'arrache-pied pour édifier ce palace.
Un jour, alors que Mu`âwiyeh admirait avec fierté son édifice
luxueux, Abû Tharr s'approcha de lui et lui dit: «O Mu`âwiyeh!
Si ce palace est construit avec l'argent du Trésor Public, c'est
un abus de confiance, et s'il est édifié avec ton propre
argent, c'est une prodigalité».
Mu`âwiyeh ne répondit pas à Abû Tharr, se
contentant de lui tourner le dos. Abû Tharr s'en alla et se dirigea
vers le masjid. Une fois arrivé à destination, il s'assit,
des gens vinrent le voir et se plaignirent de n'avoir reçu aucune
allocation de Mu`âwiyeh depuis un an. Abû Tharr se leva et
fit ce discours: «Par Allah! Il y a ces jours-ci des innovations
qui n'ont aucun fondement ni dans le Coran ni dans le Hadith. Par Allah,
je vois que la vérité est détournée et le faux
se renforce. Les gens véridiques sont dépréciés
et les pécheurs préférés aux hommes vertueux.
«O aristocrates! O Mu`âwiyeh et ses gouverneurs! Soyez bons
envers les pauvres. Que ceux qui amassent l'or et l'argent sans les dépenser
dans le Chemin d'Allah sachent que leurs fonds, leurs côtés
et leurs dos seront stigmatisés par le feu.
»O détenteurs de la richesse! Ne savez-vous pas que lorsqu'un
homme meurt, il n'apportera rien avec lui. Seules trois choses lui seront
utiles: la charité, la connaissance utile et un fils vertueux qui
priera pour lui».
Les gens écoutèrent attentivement son discours. Les pauvres
et les opprimés se rassemblèrent autour de lui et les gens
riches commencèrent à avoir peur de lui. Lorsque Habîb
Ibn Muslimah al-Fahrî vit la foule entourant Abû Tharr, il
dit: «C'est une grande nuisance». Aussi accourut-il chez Mu`âwiyeh
et lui dit: «O Mu`âwiyeh! Abû Tharr ne tardera pas à
ruiner totalement l'administration syrienne. Si tu as besoin des Syriens,
tu dois étouffer cette nuisance dans l'oeuf».
Mu`âwiyeh se mit à penser en lui-même: «Dois-je
le traiter avec sévérité ou avec indulgence? Le feu
sera attisé encore plus. Si j'emploie la sévérité!
Ne devrais-je pas, plutôt, me plaindre de lui auprès de `Othmân?
Mais `Othmân va dire peut-être que je ne suis même pas
capable de corriger un seul de mes sujets. Donc, la seule chose qui reste
à faire, c'est de l'éloigner de la Syrie».
Abû Tharr avait l'habitude de réciter sur un ton d'exhortation
le verset coranique: «Annonce un châtiment douloureux à
ceux qui thésaurisent l'or et l'argent sans rien dépenser
dans le Chemin d'Allah»(44),
devenu son slogan favori depuis que la thésaurisation et l'accumulation
de la richesse entre les mains des proches de `Othmân prirent la
forme d'un trait marquant du gouvernement de ce dernier. Il récitait
ce verset qui visait Mu`âwiyeh en personne dans les rues et les routes
de la Syrie. Lorsqu'il le récitait, les pauvres et les nécessiteux
se rassemblaient autour de lui, et se mettaient souvent à se plaindre
de l'hédonisme des riches gouvernants, qui contrastait avec leur
misère et leur pauvreté. Mu`âwiyeh s'informait régulièrement
sur les discours d'Abû Tharr et leur teneur. Excédé
par la persistance de son détracteur à dénoncer publiquement
ses pratiques, il finit par lui imposer des restrictions sévères,
le persécuter et lui rendre la vie difficile. Ces mesures oppressives
n'ayant pas découragé Abû Tharr, Mu`âwiyeh le
menaça de mort.
A cette menace de mort, Abû Tharr répliqua: «Les
`Omayyades me menace de pauvreté et de mort. Qu'ils sachent que
la pauvreté m'est préférable à la richesse
et que j'aime mieux être sous la terre que sur la terre. Je ne saurais
être intimidé ni par la menace de mort ni par la mort elle-même».
Al-`Allâmah al-Majlici, citant Cheikh al-Mufîd, écrit
que les Syriens dirent à propos des célèbres discours
d'Abû Tharr: «Lorsque `Othmân avait exilé Abû
Tharr de Médine et l'avait envoyé en Syrie, ce dernier a
élu résidence parmi nous, et il ne tarda pas à prononcer
une série de discours qui nous ont beaucoup remués. Il avait
l'habitude de commencer ses prêches par des louanges faites à
Allah et au Prophète, pour dire ensuite:
«L'amour de la Famille du Prophète est obligatoire. Celui
qui n'a pas d'amour pour elle ne pourra même pas sentir le parfum
du Paradis. O gens! Ecoutez-moi! J'avais l'habitude d'honorer mes engagements
avant d'embrasser l'Islam, pendant l'Epoque préislamique, avant
la révélation du Coran et avant la nomination du Prophète.
Je disais toujours la vérité, traitais mes voisins avec amabilité,
considérais l'hospitalité comme un devoir, étais généreux
avec les pauvres avec lesquels je partageais mes gains. Lorsque par la
suite Allah a révélé Son Livre et nommé Son
Prophète, je me suis enquis de cet avènement, et j'ai découvert
que les mêmes usages et coutumes qui avaient été les
nôtres, se trouvaient également dans les exhortations du Prophète.
O gens! Il est dans l'intérêt des Musulmans de se doter de
bonnes moeurs. Il est vrai que les Musulmans s'étaient conformés
aux préceptes de l'Islam, mais cette attitude positive n'a duré
que peu de temps. Car les tyrans n'ont pas tardé à se livrer
à des agissements tellement condamnables que nous n'avions jamais
connus avant. Ces gens ont détruit les Traditions du Prophète,
introduit des innovations étrangères à l'Islam, contredit
tous ceux qui disaient la vérité, rejoint les méchants
et abandonné l'élite pieuse et méritante.
»O Allah! Arrache mon âme si Tu as pour moi quelque chose
de mieux que ce qu'il y a dans ce monde, avant que je ne déforme
Ta Religion ou que je ne modifie les Traditions de Ton Prophète.
»O gens! Attachez-vous à l'adoration d'Allah et renoncez
aux péchés». Puis il a décrit les mérites
d'Ahl-ul-Bayt, tels qu'il les avait entendus de la bouche du Prophète
et il a appelé les Syriens à rester fidèles aux Membres
Elus de la Famille du Prophète.
Les Syriens dirent qu'ils écoutaient attentivement les discours
d'Abû Tharr et que la foule se rassemblait toujours autour de lui
lorsqu'il prononçait ses sermons, et ce jusqu'à ce que Mu`âwiyeh
alertât `Othmân de ce qui se passait. Ce dernier n'avait d'autre
choix, par conséquent, que ramener Abû Tharr à Médine.
Selon les historiens et les "traditionnistes"(45),
pour acheter le silence d'Abû Tharr, avant de décider de faire
appel à `Othmân, Mu`âwiyeh lui avait envoyé par
un émissaire spécial un sac de trois cents dinars or. En
voyant tout cet argent, il dit à l'émissaire de Mu`âwiyeh:
«Dis à Mu`âwiyeh que je n'ai pas besoin de son argent
et retourne-lui le sac.»(46)
Pour comprendre l'attitude d'Abû Tharr envers le pouvoir, il faut
toujours se rappeler qu'il était l'incarnation de la fidélité
à la mémoire et aux Traditions du prophète. Le Messager
d'Allah lui avait dispensé tellement d'enseignements et fait tellement
de recommandations qu'il ne supportait pas de voir ces enseignements, ces
traditions et ces recommandations foulés aux pieds après
la mort du Prophète. De plus, par tempérament Abû Tharr
ne pouvait jamais se résigner à se taire lorsqu'il voyait
que la vérité était bafouée. Or, depuis le
décès du Prophète il assistait à l'éloignement
des Ahl-ul-Bayt de la scène politique et du pouvoir, et au mauvais
traitement auquel ils étaient soumis, malgré toutes les recommandations
du Prophète à leur propos et à propos de leurs mérites
inégalables, et de la haute position qu'ils devaient occuper normalement.
Il avait au début consenti à se taire tant que les principes
généraux de l'Etat islamique n'étaient pas ouvertement
et franchement violés. Mais avec l'avènement du Califat de
`Othmân, lequel confia les rênes du pouvoir à des gens
qui n'étaient pas très imprégnés de l'esprit
de l'Islam, et qui se préoccupaient plus de s'emparer du pouvoir
et d'amasser la richesse que de se soucier du respect des principes islamiques,
il ne pouvait pas se taire plus longtemps. Il se mit tout d'abord à
dénoncer avec candeur la thésaurisation, sachant parfaitement
à quoi devait servir le Trésor Public, et ayant clairement
compris l'objectif du Coran, et ayant pu observer minutieusement le mode
de vie du Prophète et des Ahl-ul-Bayt. Lorsqu'il constata que la
conduite de ceux qui dirigeaient l'Etat islamique contrastait avec celle
du Prophète et des Ahl-ul-Bayt, il ne put plus garder son sang froid,
retenir sa langue et empêcher la colère qui bouillonnait depuis
longtemps dans son coeur, de s'exprimer par sa langue. Il voyait que les
fortunes s'étaient multipliées plusieurs fois et au-delà
de tout ce qu'on pouvait imaginer. Il remarquait que le népotisme
et le favoritisme avaient atteint leurs extrêmes limites et que les
richesses du Trésor Public étaient allouées aux proches,
aux amis et aux partisans des gouvernants au lieu d'être distribuées,
comme l'Islam le commandait, aux pauvres et aux gens qui les méritaient,
sans aucune discrimination. Il s'était donc mis, conformément
à l'engagement qu'il avait pris devant le Prophète, de dire
et de défendre la vérité, à objecter à
la conduite du pouvoir et à critiquer ceux qui étaient responsables
de ces innovations contraires aux préceptes de l'Islam. C'est ce
qui lui valut d'être déporté en Syrie. Mais là,
il fut ahuri en voyant les innovations, la recherche de la pompe, du luxe
et de la somptuosité, dépasser même le mode de vie
de César et de Khusroe.
Là encore, son engagement devant le Prophète et son sens
du devoir religieux le conduisirent à recommencer ses critiques
du pouvoir, et à faire ses sermons. Comme à Médine,
il commençait en Syrie aussi, ses prêches par la lecture du
verset coranique qui dénonce la thésaurisation: «O
Prophète! Annonce un châtiment douloureux à ceux qui
thésaurisent l'or et l'argent sans rien dépenser dans le
chemin d'Allah; Le jour où ces métaux seront portés
à incandescence dans le Feu de la Géhenne et qu'ils serviront
à marquer leurs fronts, leurs flancs et leurs dos: "Voici ce que
vous thésaurisiez; goûtez ce que vous thésaurisiez"».
(Sourate al-Tawbah, 9:34)
Les historiens et les rapporteurs de Hadith relatent que lors de l'un
de ses discours prononcé devant la foule en Syrie, Abû Tharr
dit: «Par Allah! Je vois que la vérité est en train
de disparaître, le faux en train de s'épanouir, les gens véridiques
en train d'être contredits, et l'égoïsme en train de
l'emporter sur la piété».(47)
Et Abû Tharr d'ajouter: «L'or et l'argent seront transformés
en flammes qui entoureront ceux qui les gardent enfermés, jusqu'à
ce qu'ils les dépensent dans le Chemin d'Allah». Soulignant
ce point, il insista: «Des lames chauffées au feu de l'Enfer
seront placées sur les poitrines de ceux qui collectent l'or et
l'argent, jusqu'à ce qu'elles transpercent leur côtes et leurs
omoplates».(48)
Selon l'écrivain égyptien `Abdul-Hamîd, lorsqu'Abû
Tharr se rendit par la suite au masjid, les gens se rassemblèrent
autour de lui. Il fit alors à leur adresse le discours suivant:
«Dépensez ce qu'Allah vous a donné. Assurez-vous que
la vie de ce monde ne vous déçoive. Consacrez une partie
de vos biens, comme un droit, aux démunis. Car le Prophète
a dit que "la soif de l'abondance vous a fait tomber dans l'oubli".
«Le fils d'Adam dit: "Mes biens! Mes biens!" Mais votre bien est
ce que vous avez déjà mangé, porté, ou ce que
vous avez déjà donné en charité, c'est-à-dire
ce qui est déjà porté à votre crédit.
Allah a interdit de thésauriser la richesse. Le Prophète
a dit: "Malheur, malheur à l'or et à l'argent". Le butin
est la propriété (le droit) de tous les Musulmans, mais Mu`âwiyeh
le réserve pour ses serviteurs, ses gardes, sa pompe et sa parade.
Il a oublié qu'il a droit à deux vêtements seulement
du Trésor Public, l'un pour l'hiver, l'autre pour l'été,
ainsi qu'à ses dépenses pour le Hajj (le Pèlerinage
majeur) et la `Umrah (pèlerinage mineur), et pour sa subsistance
et celle de sa famille, calculée sur le niveau de vie du Quraychite
moyen. Le butin doit être distribué à tous les Musulmans
pauvres. Mais hélas! Aujourd'hui le butin est dépensé
pour l'acquisition de grands terrains et la construction de palaces dont
la seule décoration coûte des milliers de dinars, alors que
les Musulmans pauvres, les vrais ayants droit du butin sont totalement
négligés».
Un homme murmura dans l'oreille d'Abû Tharr: «Fais attention!
Qu'est-ce que tu dis à propos de Mu`âwiyeh? Ne le crains-tu
pas?».
Abû Tharr lui répondit: «Mon ami (le Saint Prophète)
m'avait conseillé de dire la vérité, même si
elle est très amère, et de ne pas me soucier des reproches
de ceux qui ont l'habitude de reprocher tant que je suis sur le droit chemin.
Je prie Allah de me protéger contre la lâcheté, la
mesquinerie et le châtiment». Et Abû Tharr d'ajouter:
«Les gens préparent maintenant une diversité et une
multitude de plats, pour chercher par la suite des médicaments qui
les aideraient à digérer ce qu'ils mangent, alors que notre
Prophète n'a mangé en aucun jour et jusqu'à sa mort
deux plats en même temps. Lorsqu'il mangeait des dattes, il ne mangeait
pas de pain. Les membres élus de la Famille du Saint Prophète
n'ont jamais mangé à satiété, même pas
de pain d'orge, pendant trois jours consécutifs, jusqu'à
leur mort. Il arrivait parfois que dans la maison du Prophète on
n'allumait pas de feu, on ne faisait ni pain ni d'autres plats cuisinés
pendant tout un mois».
Un homme demanda: «Qui peut rester vivant sans manger?. Abû
Tharr répondit: «Le Saint Prophète mangeait des dattes
et buvait de l'eau. Il a dit que personne ne remplit un aussi mauvais récipient
que le ventre. Quelques bouchées suffisent pour survivre. S'il faut
manger absolument, faites en sorte qu'un tiers du ventre soit réservé
à la nourriture, un tiers à l'eau et le troisième
tiers à l'air. Le Prophète nous a conseillé de nous
abstenir de manger à satiété, car cela conduirait
à la paresse, abîme le corps et entraîne des maladies.
Soyez modérés dans la consommation des aliments, cela vous
éviterait la prodigalité, renforcerait votre corps et vous
aiderait à mieux accomplir vos actes d'adoration. Le Prophète
n'a jamais stocké ni accumulé de nourriture. Au contraire,
il avait l'habitude d'offrir en charité tout ce qu'il obtenait de
sorte qu'il ne reste rien pour lui excédant ce qu'il avait besoin
de manger, et ce, sans parler du Trésor Public dans lequel il ne
laissait rien et donnait tout, y compris sa part légale, dans le
chemin d'Allah».
Les aristocrates et les nantis en appelèrent à Mu`âwiyeh
et se plaignirent auprès de lui de la mauvaise publicité
qu'Abû Tharr faisait contre eux. Mu`âwiyeh convoqua Abû
Tharr, et prit la ferme résolution de mettre fin à cette
menace qui avait ébranlé la fondation de son gouvernement
et frustré ses espoirs.
Abû Tharr se présenta à la cour de Mu`âwiyeh,
aussi maigre qu'il l'était toujours. Les signes de détermination
et de fermeté étaient manifestes sur le visage rond et fauve
de Mu`âwiyeh. Il se leva pour accueillir Abû Tharr et lui fit
place à ses côtés, Puis il appela les domestiques pour
servir la table. La nappe fut étalée et des plats délicieux
qui mettaient l'eau à la bouche furent servis.
Mu`âwiyeh invita Abû Tharr à commencer: «Je
t'en prie!» Abû Tharr déclina l'invitation et dit: «Je
mange chaque semaine deux kilos d'orges. Telle est mon régime alimentaire
depuis l'époque du Saint Prophète. Par Allah, je ne changerai
pas ce régime jusqu'à ce que je LE rejoigne». Puis
regardant Mu`âwiyeh, il lui dit: «Quant à toi, tu as
changé ton alimentation. La nourriture qu'on te prépare maintenant
n'est pas la même qu'on te préparait auparavant. Le pain qu'on
te fait cuire est fait avec une farine fine, tu as plusieurs plats sur
une même nappe, et tu porte une paire de vêtements le matin
et une autre le soir. Tu n'étais pas ainsi du vivant du Prophète,
où ta condition de vie n'était pas meilleure que celle d'un
homme pauvre»(49).
Puis la discussion suivante s'engagea entre les deux hommes:
- Mu`âwiyeh: «Abû Tharr! Mes fonctionnaires se plaignent
de toi. Ils disent que tu incites les pauvres contre eux».
- Abû Tharr: «Je les préviens contre la thésaurisation,
c'est tout».»
- Mu`âwiyeh: «Pourquoi fais-tu cela?»
- Abû Tharr: «Parce qu'Allah a dit: "Annonce un châtiment
douloureux à ceux qui thésaurisent l'or et l'argent, sans
rien dépenser dans le Chemin d'Allah"» (Sourate al-Tawbah,
9:34)
- Mu`âwiyeh: «O Abû Tharr! Je t'ordonne de cesser
tes méfaits».
- Abû Tharr: « O Mu`âwiyeh! Par Allah, je ne cesserai
pas de le faire, avant que la richesse soit distribuée parmi les
pauvres».
Depuis lors, Abû Tharr fut persécuté et les ennuis
s'abattaient sur lui de tous côtés. Les `Omayyades lui firent
souffrir le martyre. Mais il resta inébranlable, n'accusant aucune
faiblesse et continuant imperturbablement ses activités de prêche.
Au contraire désormais ses attaques contre la déviation devinrent
plus virulentes.
Commentant cet épisode de la vie d'Abû Tharr en Syrie,
`Abdullâh al-Subaytî, `Abdul-Hamid al-Miçrî et
Manazir Ihsân Gîlanî écrivent qu'il poursuivit
l'accomplissement de son devoir de prêcher régulièrement
pour avertir les nantis du Châtiment douloureux qui les attendrait
à cause de leur thésaurisation. Mu`âwiyeh toujours
de plus en plus préoccupé des retombées négatives
et dangereuses des attaques d'Abû Tharr contre sa politique commença
à préparer un plan perfide visant à amener son détracteur
à cesser ses diatribes à l'endroit des détenteurs
de la fortune.
Ainsi, selon Ibn Athîr, Mu`âwiyeh envoya par l'intermédiaire
d'un émissaire spécial mille dinars à Abû Tharr,
à la faveur de la nuit.
Abû Tharr prit l'argent et le distribua parmi les pauvres avant
l'aube, n'en gardant pour lui même pas un seul sou. Après
la prière de l'aube, Mu`âwiyeh appela l'émissaire qui
avait remis les mille dinars or à Abû Tharr et lui ordonna
de se rendre de nouveau chez ce dernier et de lui dire sur un faux ton
d'inquiétude et d'anxiété: «O Abû Tharr!
Sauve-moi de la punition qui m'attend de la part de Mu`âwiyeh, car
je me suis trompé sur la destination des pièces d'or que
je t'ai remises; elles n'étaient pas destinées à toi
mais à quelqu'un d'autre. C'était une erreur de ma part».
Le messager de Mu`âwiyeh s'exécuta et répéta
à Abû Tharr ce que son maître lui avait demandé
de dire. Abû Tharr, imperturbable, lui dit: «O fils! Informe
Mu`âwiyeh que l'argent qu'il m'avait envoyé a été
distribué parmi les nécessiteux avant le lever du jour. Il
ne me reste aucune pièce de cet argent en ce moment. S'il tient
à le reprendre, il doit m'accorder un délai de trois jour
pour me procurer la somme quelque part».
Lorsque Mu`âwiyeh apprit la réponse d'Abû Tharr,
il dit: «Indubitablement, Abû Tharr fait lui-même ce
qu'il demande aux autres de faire» ("Ta'rîkh al-Kâmel",
Vol. 3, p. 24; "Tafsîr Ibn Kathîr", Partie 10, p. 54)
Après avoir relaté cet incident, `Abdullâh al-Subaytî
écrit qu'Abû Tharr était une personnalité d'un
caractère très fier. Les `Omayyades firent preuve de myopie,
lorsqu'ils essayèrent d'acheter son silence. Selon `Abdul-Hamîd
al-Miçrî, après cet incident, «Mu`âwiyeh
comprit qu'Abû Tharr avait dit la vérité et qu'il avait
distribué effectivement l'argent pendant la nuit. Il manqua donc
le but poursuivi de cette manoeuvre. Aussi tenta-t-il de se montrer indulgent
envers lui, mais sans que cela ait changé l'attitude d'Abû
Tharr. Puis il employa la violence contre lui, mais également, en
vain. Enfin il essaya de nouveau de l'acheter avec trois cents dinars,
mais sans succès»(50).
Les historiens et les "traditionnistes" affirment que'Abû Tharr
était encore en Syrie lorsque Mu`âwiyeh avait dépêché
une armée, avec la permission de `Othmân, pour livrer une
guerre navale ("Ta'rîKh `Abdul-Fidâ"). Après la fin
de la guerre, Mu`âwiyeh convoqua Abû Darda, `Umar Ibn al-`Âç,
`Ubâdah Ibn Samît et Umm Hithâm qui avaient été
des Compagnons du Saint Prophète. Il leur dit: «Je suis fatigué
d'admonester Abû Tharr qui ne m'écoute pas. Il me harasse.
Vous avez été des Compagnons du Saint Prophète comme
lui. Allez le voir et demandez-lui de cesser ses activités et de
passer le restant de sa vie dans la paix et la tranquillité. J'en
ai assez de lui, les riches du pays aussi».
Ces gens acceptèrent volontiers leur mission de bons offices.
Ils se rendirent chez Abû Tharr et lui dirent: «Nous venons
de la part de Mu`âwiyeh. Il nous a envoyés chez toi pour te
prier de t'abstenir de prêcher et de mener une vie paisible».
Abû Tharr devint furieux en les écoutant, car il pensait
que ces gens savaient pertinemment que ces prêches étaient
absolument justifiés et que tout ce qu'il faisait était conforme
à la Volonté d'Allah, mais malgré cela ils étaient
venus intercéder en faveur de Mu`âwiyeh.
Il s'adressa donc tout d'abord à `Ubâdah Ibn Samit et lui
dit: «O `Abul-Walîd `Ubadah! Il n'y a pas de doute que tu as
la préséance sur moi à tous égards et la supériorité
sur moi de toute façon. Tu es plus âgé que moi et étais
Compagnon du Prophète pendant longtemps. Tu es un homme sensible,
intelligent, bien versé dans les affaires religieuses et tu as une
bonne personnalité. Mais je suis désolé de dire que,
bien que tu saches tout, tu viens cependant me conseiller sur ordre de
Mu`âwiyeh.
»O `Ubâdah! Penses-tu que je ne sais pas ce que je fais?
Crois-tu que j'aie perdu le sens du raisonnement? N'est-tu pas au courant
de ce qui se passe? ESt-ce que j'ai tort de faire ce que je fais? Mes exhortations
ne sont-elles pas conformes aux intentions d'Allah et de Son Prophète?
O `Ubadah! Il m'est très pénible de voir quelqu'un d'intelligent
comme toi qui connais tout parfaitement, venir me donner de tels conseils.
Ecoute-moi! Je déteste fort toute cette délégation,
car elle compte parmi elle un homme bien informé comme toi».
Se tournant ensuite vers Abû Darda, il dit: «O Abû
Darda! Tu as été honoré de peu d'amour pour le Prophète.
Il était certain que si tu avais tardé un peu à reconnaître
la Foi, tu aurais été privé de la compagnie du Saint
Prophète, car il aurait été déjà décédé.
Mais heureusement pour toi, tu as reconnu la Foi et été honoré
par la compagnie du Prophète, et considéré comme un
bon Compagnon. Cependant, tu n'as pas été en compagnie du
Saint Prophète autant que moi, et tu ne peux donc pas comprendre
ses objectifs aussi bien que moi. Ayant bien assimilé les objectifs
du Prophète, j'agis selon le désir d'Allah et de Son Messager.
Tu n'as donc pas le droit de me donner des conseils à cet égard».
Puis s'adressant à `Amr Ibn al-`Âç, il lui reprocha
sur un ton dur: «O `Amr Ibn al-`Âç! Je te connais très
bien. Qu'as-tu fait autre que ta participation aux batailles? Certes, tu
as été honoré de la compagnie du Saint Prophète,
mais tu n'as jamais eu la chance de vivre avec lui. Tu étais toujours
loin du Prophète à cause des guerres. Tu ne peux donc ni
comprendre ses réelles intentions ni te faire une opinion correcte
sur le sens de mon action et de ma conduite. Je sais que tu es sous l'influence
de Mu`âwiyeh maintenant, et que tu es venu m'admonester sans réfléchir».
Enfin, il se tourna vers Umm Hizâm et lui dit: «Que dois-je
te dire? Tu es une femme. Il ne fait pas de doute que tu avais l'honneur
de la compagnie du Prophète. Mais tu restes une femme et tu raisonnes
comme telle».
Et Abû Tharr de conclure en s'adressant à toute la délégation:
«Allez dire à Mu`âwiyeh d'aviver son esprit, d'agir
selon mon conseil et de ne pas troquer sa religion contre la vie de ce
monde».
Après l'avoir écouté, les membres de la délégation
restèrent muets. Peu après, ils prirent congé d'Abû
Tharr et retournèrent chez Mu`âwiyeh. Ils lui dirent qu'ils
avaient transmis son message à Abû Tharr. Mu`âwiyeh
leur demanda ce qu'ils avaient dit et ce qu'ils avaient reçu comme
réponse. `Ubâdah Ibn Samit fit un rapport complet sur tout
ce qui s'était passé, avant de conclure: «Je n'ai jamais
été en compagnie de quelqu'un qui ait exprimé des
reproches aussi vifs et avec autant de franchise»(51).
Pendant qu'Abû Tharr continuait ses prêches, la saison du
Pèlerinage arriva. Il sollicita de `Othmân la permission de
quitter la Syrie pour accomplir le Hajj et rester pendant quelques jours
au Mausolée du Saint Prophète. `Othmân lui fit parvenir
l'autorisation demandée, et Abû Tharr partit pour le Pèlerinage.
Après avoir accompli les rites de Hajj, il alla à Médine
où il resta près du tombeau du Saint Prophète quelques
jours avant de retourner en Syrie (relaté par al-Balâtharî).
Après son retour du Hajj, Abû Tharr reprit ses activités
de prêche. Alors qu'Abû Tharr continuait à exhorter
les riches à dépenser leurs richesses dans le Chemin d'Allah,
d'innombrables pétitions rédigées par les nantis affluaient
chez Mu`âwiyeh, lui demandant de sceller la bouche d'Abû Tharr.
Dans ces pétitions on se plaignait principalement du fait que les
gens récitaient dans les rues le verset coranique avertissant les
possédants d'être repassés avec leur or et argent chauffés,
ce qui leur créait des difficultés lors de leur passage en
Syrie. Mu`âwiyeh proclama alors l'interdiction générale
d'être en compagnie d'Abû Tharr et de le fréquenter(52).
Lorsqu'Abû tharr apprit sa mise au ban de la société,
il commença lui-même à demander aux gens de ne pas
venir le voir et de ne pas s'asseoir avec lui, voulant ainsi éviter
aux gens la punition sévère prévue à cet effet
par le gouvernement. Mais pour pouvoir continuer à prêcher
sans exposer son auditoire aux poursuites, il se dirigeait lui-même
vers les endroits où des gens sont rassemblés et se mettait
à prononcer ses discours.
Selon Ibn Khaldûn, lorsque, après la proclamation du boycottage
d'Abû Tharr, un groupe de gens vinrent le voir, il leur demanda lui-même
de s'éloigner de lui(53).
Quel courage! Quelle noblesse! Et quel sens du devoir! Alors qu'il ne
tolérait pas que ceux qui lui rendaient visite encourent le risque
d'être punis, il ne craignait pas qu'il fût puni lui-même,
et continua à exprimer ses griefs avec pleine foi et beaucoup de
ferveur. Lorsqu'il s'agissait d'oeuvrer sur le Chemin d'Allah, il ne se
souciait point de ce qu'il pouvait gagner ou perdre.
Chapitre 14
Un second exil en Syrie
Abû Tharr était un homme véridique. Il avait l'habitude
de réprimander les gens avec intrépidité pour les
conduire vers les actes légaux. Mu`âwiyeh était un
homme de ce monde. Abû Tharr lui avait demandé si souvent
de faire le bien et de s'abstenir des mauvais actes que les gens commencèrent
à avoir honte des dirigeants de Syrie. Un jour, Mu`âwiyeh
dit à Abû Tharr: «Tu n'es pas assez vertueux pour m'enjoindre
de faire la bonne action devant le public». Abû Tharr lui rétorqua
sèchement: «Tais-toi! Honte à toi!».
En bref, lorsque Mu`âwiyeh constata qu'il ne pouvait ni réformer
son mode de vie ni boucler la bouche d'Abû Tharr, il décida
de le bannir de Syrie. Il prit la résolution de le déporter
à Jabal `Âmil (au Liban). Al-Subaytî écrit que
lorsqu'Abû Tharr arriva dans cette région, il se mit à
appeler ses habitants à Ahl-ul-Bayt. Ils acceptèrent volontiers
son appel. Etant donné que ladite région était très
étendue, son appel ne resta pas confiné dans les limites
de Jabal `Âmil, mais parvint aux régions avoisinantes.
Il est évident que Mu`âwiyeh avait banni Abû Tharr
de la Syrie à Jabal `Âmil, uniquement parce qu'il avait pensé
que ses activités de prêche y seraient paralysées et
sans impact reél. Mais lorsqu'il apprit que ses prêches amenèrent
les habitants de cette région à prendre conscience de la
vérité(54), il le fit revenir
en Syrie immédiatement.
Sans tarder, dès son retour en Syrie Abû Tharr recommença
ses prêches. Il avait l'habitude de s'asseoir à Bâb
Dimachq (la Porte de Damas), après la prière de l'aube, et
lorsqu'il voyait une file de chameaux chargés de marchandises du
gouvernement, il s'écriait à haute voix: «O gens! Cette
file de chameaux qui arrive n'est pas chargée de marchandises, mais
de feu. Maudits soient ceux qui ordonnent aux gens de faire le bien sans
le faire eux-mêmes, et malheur à ceux qui interdisent aux
autres de commettre des méfaits, alors qu'ils le font eux-mêmes»(55).
Puis il se déplaçait vers la porte du Palace de Mu`âwiyeh
pour faire la même chose. C'était devenu sa routine et il
le faisait régulièrement. A la fin, Mu`âwiyeh le fit
arrêter.
Lorsqu'Abû Tharr agissait ainsi, il avait toujours en vue une
parole du Prophète (rapportée par al-Khatîb al-Baghdâdî
et Ahmad Ibn Hanbal) adressée à une foule de Compagnons
et dont voici le texte:
«O mes compagnons! Ecoutez-moi attentivement. Après
moi les gouvernants (de la nation) seront des aristocrates, qui ne feront
pas la différence entre la justice et l'injustice, le vrai et le
faux. Quiconque essaiera de justifier le faux qu'ils suivront et de les
soutenir dans leur injustice, n'aura rien à voir avec moi et ne
me rejoindra pas au Bassin de Kawthar(56).
Et quiconque s'abstiendra de justifier leur faux, et de les soutenir dans
leur injustice, sera de moi et je serai de lui, et parviendra à
moi au Bassin de kawthar»(57).
Or, quiconque suit la biographie d'Abû Tharr et étudie
sa personnalité et son tempérament comprendra qu'il ne pouvait
se soucier d'aucun pouvoir, d'aucun danger lorsqu'il voyait que la vérité
était piétinée. Sa conduite face à la déviation
du pouvoir était la réunion de deux facteurs: le respect
scrupuleux qu'il avait pour les enseignements du Prophète, et sa
nature, son tempérament tendant à la franchise et au franc-parler.
Il n'y a pas un seul exemple enregistré dans les livres d'histoire
authentiques, qui montre que, durant sa vie, Abû Tharr ait hésité
une seule fois à dire la vérité.
Jalam Ibn Jandal al-Ghifârî, le gouverneur de Qinsarîn
raconte:
«Une fois sous le Califat de `Othmân, j'étais allé
chez Mu`âwiyeh, le gouverneur de la Syrie pour une affaire. Soudain,
j'ai entendu quelqu'un crier à la porte du Palais : "La file
de chameaux chargés de feu arrive vers vous. O Allah, maudis ceux
qui ordonne le bien sans le faire. O Allah maudis ceux qui interdisent
le mal tout en le commettant eux-mêmes". J'ai vu alors le visage
de Mu`âwiyeh devenir rouge de colère. Il m'a demandé
si je reconnaissais l'homme qui criait ainsi. J'ai répondu par la
négative. Mu`âwiyeh a dit alors: "C'est Jondab Ibn Janâdah
al-Ghifârî (Abû Tharr). Il vient à la porte de
notre palace chaque jour pour répéter les mêmes paroles
que tu viens d'entendre". Puis il ordonna qu'on le tuât. Subitement,
j'ai vu Yaqudunah emmener Abû Tharr en le traînant. Il l'immobilisant
devant Mu`âwiyeh. Celui-ci lui dit: "O ennemi d'Allah et de Son
Prophète! Tu viens chaque jour ici pour répéter ces
paroles. Je t'aurais certainement tué, si je pouvais tuer un Compagnon
du Prophète sans la permission de `Othmân. Maintenant, je
vais obtenir cette autorisation, en ce qui te concerne". Je désirais
voir Abû Tharr, parce qu'il était de notre tribu. Lorsque
je l'ai regardé, j'ai vu qu'il était basané, maigre
et long. Sa barbe n'était pas épaisse, et son dos était
courbé par la vieillesse. Abû Tharr a répondu à
Mu`âwiyeh: "Je ne suis pas l'ennemi d'Allah et de Son Prophète.
C'est toi et ton père qui êtes les ennemis d'Allah et de Son
Prophète. Vous avez manifesté l'Islam et dissimulé
votre mécréance. Le Prophète de l'Islam t'a maudit
deux fois et prié pour que tu ne sois jamais satisfait. J'ai entendu
de la bouche du Prophète d'Allah que sa Ummah (nation musulmane)
devrait rester sur ses gardes face aux méfaits de l'homme aux grands
yeux et au gosier large qui n'est jamais rassasié, quand bien même
il mange trop, et qui deviendra le dirigeant de sa nation». En entendant
ce Hadith (parole du Prophète) Mu`âwiyeh a dit: «Je
ne suis pas cet homme dont avait parlé le Messager d'Allah».
Abû Tharr rétorqua: «O Mu`âwiyeh! Il est inutile
de nier que tu es sûrement l'homme désigné, et écoute-moi!
Le Prophète m'a informé personnellement que c'était
toi qui es visé et toi seul. O Mu`âwiyeh! Un jour, alors que
tu passais devant le Prophète, je l'ai entendu dire: «O Allah!
Maudis-le et ne remplis son estomac qu'avec du sable. O Mu`âwiyeh!
Je l'ai entendu dire aussi que le flanc de Mu`âwiyeh est dans le
feu de l'Enfer". En entendant cela, Mu`âwiyeh a ri honteusement
et ordonna l'arrestation et l'incarcération d'Abû Tharr. Puis
il écrivit à `Othmân tout sur cette affaire»(58).
Après avoir mis Abû Tharr en prison, Mu`âwiyeh se
plaignit, dans sa lettre envoyée à `Othmân à
cette occasion, de l'attitude de son détracteur et lui expliqua
la nécessité de le renvoyer de la Syrie et de son retour
à Médine. `Othmân répondit positivement à
la demande de Mu`âwiyeh et rappela Abû Tharr à Médine.
Ci-après le texte de la lettre de Mu`âwiyeh selon la version
de "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî al-Châfi`î"
(Voir le Chapitre "Majâlis al-Mu'minîn", p.119).
«Après la présentation des respects dus, Mu`âwiyeh
Ibn Çakhr déclare qu'Abû Tharr a incité les
Syriens contre toi. Il enlève ton amour des coeurs des gens. Il
évoque tout le temps Abû Bakr et `Omar et rappelle leur bonne
conduite et leurs vertus. Il te mentionne négativement et dit que
tes paroles et actes sont erronés et fautifs. Il est malavisé
de le laisser en Syrie, en Égypte et en Irak, pays arabes dont les
habitants sont des marchands de méchanceté; ils se joignent
facilement aux personnes séditieuses et sont capables de créer
des troubles. Je t'ai clarifié la situation. Pour le reste, ce que
décide le Calife sera la meilleure décision. Que la paix
soit sur toi».
Un chamelier partit à Médine pour remettre la lettre à
`Othmân. Aussitôt qu'il la lut, ce dernier écrivit la
réponse à Mu`âwiyeh:
«J'ai ta lettre dans la main. J'ai compris ce que tu avais
écrit à propos d'Abû Tharr. Dès que tu reçois
ma lettre, envoie Abû Tharr à Médine sur le dos d'un
chameau impétueux avec un chamelier sévère, capable
de faire courir la monture jour et nuit sans interruption afin qu'Abû
Tharr soit si fatigué et qu'il ait un sommeil de plomb qui lui fera
oublier de parler et de toi et de moi».
A la réception de la lettre de `Othmân, Mu`âwiyeh
fit monter Abû Tharr sur un chameau méchant guidé par
un chamelier cruel. Il ordonna à celui-ci de courir jour et nuit
et de ne faire halte nulle part jusqu'à l'arrivée à
Médine. Abû Tharr était un homme grand et maigre et
il avait tellement vieilli à cette époque-là que ses
cheveux et sa barbe étaient devenus blancs. En outre, il était
très affaibli. Il n'y avait ni étoffe ni selle sur le dos
du chameau. Le chamelier le traita sans merci durant le long du voyage.
A cause de tous ces facteurs ses cuisses étaient grièvement
blessées et il en souffrit beaucoup.
Les historiens s'accordent pour dire qu'Abû Tharr était
renvoyé à Médine sans sa famille. Très probablement
on ne l'autorisa pas à se faire accompagner par les siens. Il dût
être amené directement de la prison et conduit directement
à Médine.
Selon al-`Allâmah al-Subaytî et al-`Allâmah al-Majlici,
lorsqu'Abû Tharr quittait la Syrie pour Médine, les Musulmans
avaient appris la nouvelle de son départ et étaient venus
lui demander où il allait. Abû Tharr leur répondit:
«`Othmân m'a rappelé à Médine. Je pars
d'ici selon son ordre. O Musulmans! `Othmân ayant été
offensé par moi, m'avait déporté ici près de
vous. Maintenant, je suis rappelé à Médine. Je sais
que cette fois-ci, je suis convoqué pour subir des tortures. Mais
il me faut y aller impérativement, que je le veuille ou non! Les
relations entre `Othmân et moi resteront telles quelles. Vous ne
devriez pas vous inquiéter et vous soucier pour cela».
Chapitre 15
De Retour chez `Othmân
Lorsqu'Abû Tharr quitta la Syrie, les gens le raccompagnèrent
jusqu'à un endroit appelé Dayr Maran, à l'extérieur
de la ville de Damas, pour lui faire les adieux. Là il accomplit
ses prières en assemblée, puis il prononça le discours
suivant, d'après la version de "Qût al-Qulûb":
«O gens! Je vous recommande des choses qui vous seront utiles
(...). O gens! Louez Allah - Le Très-Haut - (...) J'atteste qu'il
n'y a de Dieu qu'Allah et que Mohammad est Son Serviteur et Son Messager
(...). J'atteste que la Résurrection est vraie, le Paradis est vrai,
l'Enfer est vrai et je reconnais ce qui est révélé
par Allah. Soyez-en témoins (...). Que celui d'entre vous qui meurt
avec ces attestations de foi soit assuré de la Miséricorde
d'Allah et de Son Messager, tant qu'il n'aura pas soutenu les criminels,
ni appuyé ou aidé les oppresseurs dans leurs actions.
»O gens! Il faut que votre colère et votre indignation
face à la désobéissance à Allah fassent partie
de votre prière et de votre jeûne. Ne cherchez pas à
satisfaire vos gouvernements avec des choses qui provoquent la Colère
d'Allah. S'ils innovent et introduisent dans la religion d'Allah des choses
qui vous sont inconnues, écartez-vous d'eux et dénoncez leur
déviation, même si vous risquiez pour cela la torture, la
privation et le bannissement. Ce faisant vous vous assurez la satisfaction
d'Allah. Allah est certainement le Très-Haut, Le Plus-Grand, Le
Plus-Elevé. Il ne faut donc pas susciter la Colère d'Allah
en essayant de contenter ses créatures. Qu'Allah vous pardonne et
me pardonne. Maintenant je vous laisse à Allah et souhaite que la
Paix et la Miséricorde d'Allah soient sur vous».
La foule répliqua: «O Abû Tharr! O Compagnon du
Messager d'Allah! Qu'Allah vous protège et qu'IL vous accorde Ses
Bénédictions! Ne veux-tu pas qu'on te ramène avec
nous à la ville et qu'on te défende contre les ennemis?».
Abû Tharr répondit: «Qu'Allah envoie Sa Miséricorde
sur vous. Maintenant, vous devez retourner chez vous. Je supporte certainement
les épreuves plus que vous. Ne soyez jamais angoissés ni
inquiets, et ne laissez pas les différends éclater entre
vous».
Les historiens notent que lorsqu'Abû Tharr arriva à Médine,
exténué et épuisé, laissant derrière
lui sa famille en Syrie, il fut tout de suite conduit chez le Calife `Othmân,
où plusieurs personnes étaient présentes dans la cour.
Dès que `Othmân le vit, il se mit à le vilipender sans
avoir aucun égard à la haute position qu'il avait occupée
auprès du Saint Prophète et la grande estime que celui-ci
avait eue pour lui. Il ressort des commentaires des historiens que `Othmân
était dans un tel état de colère qu'disait tout ce
qui lui passait par la tête et tout ce qui venait à sa bouche.
Il lui lança enfin: «C'est toi qui as commis des actes
inconvenables». Abû Tharr répondit: «Je
n'ai rien fait, si ce n'est de bons conseils que je t'ai donnés;
et en conséquence de quoi tu m'as éloigné de toi.
Puis, j'ai donné de bons conseils à Mu`âwiyeh aussi.
Mais lui également, il n'a pas aimé mes conseils, il m'a
banni». `Othmân toujours furieux: «Tu es un menteur
et tu cherches la sédition. Tu aimes cela. Tu as ameuté les
Syriens contre nous». Abû Tharr répondit: «O
`Othmân! Il te suffit de suivre les traces et les traditions d'Abû
Bakr et de `Omar pour que personne n'ait rien contre toi». `Othmân
dit: «Qu'est-ce que cela peut bien te faire si je suis ou non leurs
traces. Mort à ta mère!». Abû Tharr répliqua:
«Par Allah! Tu ne peux pas m'accuser de quoi que ce soit, si ce
n'est d'avoir ordonné aux gens de faire le bien et de s'abstenir
de faire le mal». Sur ce, la colère de `Othmân fut exaspérée
et il s'écria: «O courtisans! Dites-moi ce que je dois faire
de ce vieillard menteur. Devrais-je le punir de flagellation, l'envoyer
en prison, le tuer ou l'exiler. Il a créé des dissensions
dans la société musulmane». `Ali qui était
présent, intervint et dit: «O `Othmân! Je te conseille
- comme le fit le croyant de la nation de Pharaon - de le laisser à
lui-même. S'il était menteur, il aura ce qu'il mérite,
et s'il disait la vérité, c'est toi qui souffrirait sûrement.
Car Allah ne guide pas quiconque est menteur et extravagant». Cette
intervention provoqua de vifs échanges de propos entre `Ali et `Othmân,
échanges que je ne veux reproduire ici»(59).
Sur ce même sujet, Mohammad Ibn `Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî,
écrit:
«`Ali dit au Calife `Othmân: "Ne lui fais rien. S'il était
un menteur, il pâtirait de ses mensonges, et s'il disait la vérité,
tout ce qu'il dit se vérifiera". `Othmân n'apprécia
pas les remarques de `Ali, et lui dit sur un ton de colère: «Poussière
dans ta bouche». `Ali lui rétorqua en lui retournant l'injure,
tout en ajoutant: "O `Othmân! Qu'est-ce tu es en train de faire.
Quelle injustice tu es en train de commettre! Il n'est pas convenable pour
toi de dire de telles choses à propos d'Abû Tharr, l'ami du
Prophète d'Allah, en te référant à des choses
incertaines que Mu`âwiyeh t'a communiquées. N'es-tu pas au
courant de la qualité d'opposant de Mu`âwiyeh, de son oppression,
de sa sédition et de sa corruption?». `Othmân resta
silencieux"»(60).
Toujours sur le même incident, Nûrullâh Chustarî
rapporte: «Dès qu'Abû Tharr vit le Calife `Othmân
en face de lui, il récita le verset coranique: "Redoutez le Jour
où le Feu de Géhenne s'embrasera pour stigmatiser leurs fronts",
par lequel il voulait dire: "O `Othmân! Vous avez tort de ne pas
donner aux pauvres les richesses que vous détenez, et de les allouer
plutôt à vos proches parents, si jamais, vous en donnez. Le
Jour viendra bientôt, où vos flancs et vos fronts seront marqués
par le Feu de l'Enfer"(61)
Dans ce même contexte al-Tabari rapporte: «Un jour `Ali
dit à `Othmân: "Tu as d'abord renoncé à suivre
l'exemple de tes prédécesseurs, et te voilà maintenant
concentrant tes bonnes attentions sur les Ommayyades et sur tes propres
proches parents, oubliant complètement les pauvres, ce qui n'est
nullement correct. Qui t'a donné le droit de distribuer illégalement
la propriété des Musulmans?". `Othmân rétorqua
avec colère aux remarques de `Ali et lui dit: «Ceux qui nous
ont précédés étaient injustes envers leurs
proches parents. Et je ne veux pas commettre la même injustice. Je
donne à mes proches pauvres tout ce que je peux». `Ali lui
répondit: «Les gens à qui tu donnes des milliers de
dinars du Trésor Public des Musulmans sont-ils les seuls ayants-droit?
N'y a-t-il pas d'autres pauvres?»(62)
Des historiens tels que: Abul-Hassan `Ali Ibn al-Hussayn Ibn `Ali al-Mas`ûdi
(mort en 346 H, Ahmad Ibn Abî Ya`qûb, Is-hâq Ibn Ja`far
Ibn Wahhab Ibn Wâdheh al-Ya`qûbî (mort en 278 H), Mohammad
Ibn Sa`d al-Awharî al-Baçrî, et al-Kâtib al-`Abbâsî
al-Wâqidi (mort en 230 H) ont rapporté de la façon
suivante la rencontre entre `Othmân et Abû Tharr lors du retour
de ce dernier de la Syrie:
«Lorsqu'Abû Tharr fut emmené à la Cour de
`Othmân, celui-ci lui dit: «Je suis informé que tu as
raconté aux gens le Hadith du Prophète selon lequel lorsque
le nombre des Omayyades mâles atteindra 30 complet, ils considéreront
les villes d'Allah comme étant leur propre butin et les serviteurs
d'Allah comme leurs propres serviteurs, et ils adopteront la religion d'Allah
par supercherie». Abû Tharr répondit: «Oui,
j'ai entendu le Saint Prophète dire cela». `Othmân
demanda à l'audience, présente dans la Cour: «Avez-vous
entendu le Prophète prononcer cette parole?». Les gens
dirent: «Non». Puis, `Othmân appela `Ali et lui demanda:
«O `Abul-Hassan! Peux-tu certifier ce Hadith?». `Ali
répondit: «Oui». `Othmân dit: «Quelle est
la preuve de l'authenticité de ce Hadith?». `Ali répliqua:
«Le Saint Prophète avait affirmé qu'il n'y a
pas un parleur sous le ciel et sur la terre qui soit plus véridique
qu'Abû Tharr»(63).
Après cet incident, à peine quelques jours plus tard `Othmân
envoya un message à Abû Tharr lui signifiant: «Par Allah,
tu seras certainement banni de Médine»(64).
Selon al-`Allâmah al-Majlicî, après son retour de
Syrie, Abû Tharr était tombé malade. Un jour, alors
qu'il entrait dans la Cour de `Othmân, en s'appuyant sur son bâton,
il vit les fonctionnaires du gouvernement avec 100.000 dirhams qu'ils avaient
prélevés dans les différentes régions de l'Etat.
Il s'adressa tout de suite à `Othmân et lui dit: «O
`Othmân! A qui appartient cet argent?». Il répondit:
«Aux Musulmans». Abû Tharr lui demanda alors: «Combien
de temps va-il rester dans le Trésor Public avant de parvenir aux
Musulmans?». Le Calife répondit: «Cet argent restera
avec moi jusqu'à ce que je reçoive encore 100.000 dirhams,
car on a apporté cette fortune pour moi personnellement. Donc j'attends
l'arrivée d'autre argent afin que je le donne à qui je voudrais,
et le dépense comme il me semblerait bon de le dépenser».
Abû Tharr dit: «Qu'est-ce qui est plus: quatre dinars ou 100.000
dirhams?». `Othmân répondit: «100,000 dirhams
bien entendu». Abû Tharr lui dit: «O `Othmân! Ne
te rappelles-tu pas lorsque nous sommes allés, toi et moi, une fois,
chez le Saint Prophète, tard dans la nuit, et que le voyant triste,
nous lui avons demandé la raison de sa tristesse, il n'a même
pas répondu à cause de la gravité de son angoisse
a ce moment-là? Et que lorsque, le lendemain matin, le voyant heureux
et souriant, nous lui avons demandé les raisons de sa tristesse
de la veille et de son bonheur le lendemain, il nous a répondu:
«Hier soir, après avoir distribué l'argent des Musulmans,
il en restait encore quatre dinars avec moi. J'étais donc soucieux.
Mais maintenant les ayant donnés à qui de droit, je me sens
soulagé et heureux (de n'avoir pas gardé sur moi ce qui ne
m'appartient pas)».
Chapitre 16
`Othmân, le népotisme et les Tulaqâ'(65)
Nous avons jusqu'ici jeté la lumière brièvement
sur les écarts de `Othmân par rapport à ses deux prédécesseurs
et par rapports aux principes de l'Etat islamique, tels qu'ils avaient
été enseignés et appliqués par le Saint Prophète.
Nous avons noté comment, Abû Tharr voyant `Othmân s'évertuer
à allouer l'argent des Musulmans à ses proches parents aux
dépens des pauvres, fut conduit, à la fois par sa ferveur
religieuse et par sa fidélité aux enseignements du Saint
Prophète, à élever la voix contre la déviation
et à dénoncer les pratiques du 3e Calife, qu'il jugeait contraires
aux préceptes de la Religion. Nous avons vu aussi, que bien qu'Abû
Tharr, en agissant ainsi, n'ait fait qu'appliquer l'un des fondements de
l'Islam: «Commander le bien et interdire le mal», il fut persécuté
et déporté en Syrie puis ramené à Médine
d'une façon horrible. Si, malgré tous les avertissements
qu'il reçut de `Othmân et de Mu`âwiyeh et de toute la
répression qu'il en subit, il persista à dénoncer
les pratiques de ce gouvernement, c'est parce qu'il était un homme
de principe et très attaché au respect de la promesse qu'il
avait faite au Prophète, de dire toujours la vérité
sans craindre aucun pouvoir et sans se soucier de tout blâme d'où
qu'il viendrait. Qu'il fût devant la plus haute autorité ou
devant le commun des mortels, il n'hésitait pas à dire la
vérité de la même façon. Dire la vérité,
c'est cela qui comptait pour lui, et il la disait indifféremment
dans la rue, le marché, le masjid ou la Cour.
Maintenant, nous allons détailler un peu plus la façon
dont `Othmân avait ouvert le Trésor Public, propriété
de tous les Musulmans, à ses proches et amis et quelles énormes
fortunes ceux-ci purent, de cette façon, accumuler. Dans les pages
suivantes nous verrons d'après les faits présentés,
comment des Compagnons, fidèles aux Traditions et enseignements
du Prophète tels que `Ali, Abû Tharr, Salmân al-Fârecî,
al-Miqdâd et `Ammâr Ibn Yâcer pouvaient difficilement
tolérer cette situation inacceptable. Car après tout, même
écartés du pouvoir, eux aussi avaient des obligations envers
l'Islam. De là, leur réaction contre les pratiques du gouvernement
en place.
Ci-après quelques exemples des largesses de `Othmân envers
ses proches, et de son népotisme. Mais avant de citer ces exemples,
il est opportun d'expliquer comment l'idée de favoriser les Omayyades
était venue à son esprit et comment il dépassa les
limites dans ce favoritisme.
Ibn `Asâkir, un historien et commentateur (du 2e siècle
de l'Hégire, probablement) écrit à ce propos: «Selon
le récit d'Anas Ibn Mâlik, un jour Abû Sufiyân
Ibn Harb, qui était devenu aveugle, vint voir `Othmân et après
s'être assuré auprès de ses compagnons qu'il n'y avait
personne d'autre avec le Calife, dit: "O `Othmân! Fais de cet Etat
islamique un Etat pré-islamique (Jahilite)"».
Il n'est pas étonnant qu'Abû Sufiyân exprima ce désir
pré-islamique, car on sait jusqu'au moment de la Conquête
de la Mecque. il avait été à la tête des ennemis
les plus farouches et les irréductibles du Prophète et de
l'Islam. Il n'était devenu Musulman que contraint et forcé,
une fois la Mecque conquise. Par ailleurs après cette conquête,
tous ceux qui avaient combattu l'Islam jusqu'au dernier moment devaient
en principe passer par les armes, mais le Saint Prophète les fit
bénéficier d'une amnistie générale, pour vivre
en paix au sein de l'Islam. C'est pourquoi on les appela les Amnistiés
(Tulaqâ'). On les désigna aussi par le terme "al-Mu'allafah
qulûbuhum" (les coeurs à rallier), car, le Prophète
sachant que ces gens avaient accepté l'Islam, contraints et forcés,
et que dans leurs coeurs, ils restaient obscurantiste (pré-islamiques,
jâhilites) et hostiles à la Religion, leur donnait
des allocations dans l'espoir de rallier leur coeur à l'Islam, ou
tout au moins, de les neutraliser et de modérer leur haine enfouie
de l'Islam.
`Othmân fut vraisemblablement favorable à la suggestion
d'Abû Sufiyân. Aussi se mettait-il à appuyer pleinement
les Omayyades, et les Tulaqâ', ne leur refusant rien, leur permettant
de s'enrichir considérablement, leur confiant les postes-clé
de
l'Etat, tout en écartant et réprimant en même temps
ceux qui devaient diriger légitimement et légalement la Nation
musulmane. Ces derniers se tournèrent alors tout naturellement vers
`Ali et sa progéniture. `Othmân toujours inspiré par
la suggestion d'Abû Sufiyân leur réserva un traitement
inqualifiable.
D'après de nombreux historiens et de récits historiques
dignes de foi,(66) la veille de la mort
d'Umm Kulthûm, son épouse, `Othmân fit ses noces avec
une autre femme, tout simplement parce qu'elle était une parente
du Prophète, sans se soucier de l'agonie de son épouse mourante.
Afin d'expliquer les raisons pour lesquelles les Musulmans devinrent
de plus en plus opposés et hostiles à `Othmân, les
historiens citent une série d'arguments.
Il y a tout d'abord le fait que le 3e Calife donna le terrain de Fadak
- propriété de Fâtimah al-Zahrâ' dont elle avait
été dépossédée sous le Califat d'Abû
Bakr - à Marwân Ibn al-Hakam, une personnalité maudite
par le Prophète et détestée de ce fait par les Compagnons
pieux. Fadak demeura la propriété de Marwân et de ses
descendants jusqu'au Califat de `Omar Ibn `Abdul-`Azîz, celui-ci
le rendra à ses propriétaires légitimes et originels,
les descendants de Fâtimah, les Ahl-ul-Bayt.(67)
`Othmân ne se contenta pas d'attribuer Fadak à Marwân
Ibn al-Hakam, son cousin et le mari de sa fille, Umm Abân, mais il
lui offrit, de plus, une coquette fortune, soit le cinquième du
butin prélevé en Afrique. A ce propos, `Abdul-Rahmân
Ibn Hanbal al-Jama`î al-Kindî composa un poème sarcastique
à l'adresse de `Othmân, dont voici un vers:
«O Calife! Tu as ramené Marwân, le Maudit, près
de toi, en opposition à ceux qui t'ont précédé,
tu as fait de lui ton gendre, et tu lui as donné le cinquième
des butins d'Afrique, faisant ainsi injustice aux pauvres» ("Al-Ma`ârif",
p. 84; "`Abul-Fidâ", Vol. 1, p. 160).
Selon les historiens, Ibn Kathîr et al-Wâqidî, la
valeur totale des butins alloués à Marwân atteignit
deux "crores" vingt mille pièces or(68).
Selon al-Tabarî le montant de l'allocation était de deux
"crores" cinq "lacs" vingt mille pièces d'or(69).
En outre, Marwân reçut aussi le cinquième des butins
d'Egypte(70).
Quant à Ibn Abî Hadîd, il écrit à ce
propos: «En mariant sa fille à Marwân, le Calife lui
alloua 1 "lac"dirhams du Trésor Public. Zayd Ibn Arqam le trésorier,
réagit à cette action en jetant la clé du Trésor
devant `Othmân et en lui disant: «Marwân ne mérite
même pas un seul millier de dirhams du Trésor» ("Charh
Ibn Abil-Hadîd", Vol. 1, p. 67).
Or, tous les historiens, les commentateurs, les "traditionnistes" et
les narrateurs s'accordent pour affirmer qu'aussi bien Marwân que
son père, al-Hakam, ainsi que leur progéniture avaient été
maudits et détestés par le Prophète. `Â'ichah
dit à ce propos que Marwân était le produit d'un sperme
maudit par le Prophète. Le Messager d'Allah ne supportait pas qu'ils
vivent sur terre. Allah les avait déclarés, tous les deux,
ainsi que leurs ancêtres et leurs descendants, comme étant
un arbre généalogique maudit, et le Saint Prophète
avait banni al-Hakam de Médine. Abû Bakr et `Omar ne les ont
pas autorisés à revenir. Malgré toutes ces très
sérieuses charges islamiques qui pesaient contre eux, `Othmân
les fit non seulement revenir à Médine, mais maria aussi,
sa fille, Umm Aban, au fils de Hakam, Marwân.(71)
Lorsque Marwân Ibn al-Hakam revint à Médine sur
l'invitation de `Othmân, il était vêtu de loques et
quand il sortit de la Cour califale il portait des vêtements de soie
recouverts d'un manteau. Le Calife lui avait donné trois "lac" dirhams(72)
de l'argent des charités du Yémen(73).
"Al-Ma`ârif d'Ibn Qutaybah" (p. 83), "Al-`Iqd al-Farîd"
(Vol. 2, p. 261), "Mohâdharât Râghib al-Içfahânî"
(Vol. 2, p. 212) et "Mir'ât al-Jinân" d'al-Yâfe`î
(Vol. 1, p. 85) confirment ce retour anormal de Marwân et écrivent:
«Marwân était celui qui avait été banni
par le Prophète d'Allah et à qui ni Abû Bakr ni `Omar
n'avaient donné l'autorisation de retourner à Médine.
Cependant, `Othmân le fit revenir et le gratifia d'un cadeau de 1
"lac" dinars.
Hârith Ibn al-Hakam, le frère de Marwân et le mari
de `A'ichah, la fille de `Othmân, reçut quant à lui
3 "lacs" dirhams du Trésor des Musulmans grâce à la
"générosité" de son beau-père. `Othmân
lui donna en outre plusieurs chameaux qui avaient été offerts
au Trésor à titre de charité ("Ansâb al-Achrâf"
d'al-Balâtharî, Vol. 5, p. 52), et lui concéda également
un marché "Mahzûn" qui avait été établi
par le Prophète à Médine.(74)
Et enfin, il perçut le dixième du revenu des marchés
de Médine(75).
`Othmân alloua aussi un "lac" dirhams à Sa`îd Ibn
al-`Âç Ibn Omayyah (Selon Abû Makhuaf et al-Wâqidî).
Or le père de ce même Sa`îd, al-`Âç s'était
rendu célèbre par les persécutions excessives qu'il
avait fait subir au Saint Prophète. `Ali l'avait tué dans
la bataille de Badr(76).
Quant à Sa`îd, il était celui qui avait dédaigneusement
traité une fois, lors de l'observation de la lune, Hâchim
Ibn `Utâbah de borgne. A cause de cette remarque de mépris,
des Compagnons augustes du Prophète le battirent et brûlèrent
sa maison. `Ali, Talhah, al-Zubayr et `Abdul-Rahmân Ibn A`wf s'opposèrent
à la décision de `Othmân de lui allouer 1 "lac" dirhams
mais le Calife négligea tout simplement leur objection ("Al-Achrâf"
d'al-Balâtharî, Vol. 5, p. 28).
`Othmân obtint de `Abdullâh Ibn Mas`ûd, le trésorier
de Kûfa, un prêt de cent mille dirhams pour son frère
consanguin, al-Walîd Ibn `Oqbah Ibn Abî Mo`ît Ibn Abî
`Omar Ibn Omayyah. A l'échéance, lorsqu'Ibn Mas`ûd
demanda à ce dernier de restituer l'argent du Trésor Public,
il écrivit à `Othmân pour se plaindre de la demande
du remboursement faite par le trésorier. `Othmân écrivit
alors à Ibn Mas`ûd: «Tu es mon trésorier. Je
t'ordonne de ne pas demander à al-Walîd de restituer l'argent
qu'il a emprunté au Trésor Public, ni de faire aucune objection
à ce sujet».
`Abdullâh Ibn Mas`ûd, mécontent de l'attitude du
Calife, se rendit au masjid de Kûfa, le vendredi, et divulgua publiquement
cette affaire. Al-Walîd, mis ainsi au pilori, informa `Othmân
de ce qu'avait fait le trésorier. `Othmân le démit
de ses fonctions.(77)
Or, le père de ce même al-Walîd avait été
l'ennemi mortel du Saint Prophète. Selon `A'ichah, le Saint Prophète
disait: «J'en ai assez de deux de mes voisins: Abû Lahab et
`Oqbah Ibn Abî Mu`ît. Tous les deux, outre leurs différents
méfaits, laissent des amas de saleté et d'ordure au seuil
de ma porte»(78).
Les commentateurs et les historiens affirment que `Oqbah était
ce personnage maudit qui devint apostat après avoir embrassé
l'Islam et que c'était à propos de lui que le verset coranique
suivant avait été révélé: «Le
Jour où l'injuste se mordra les mains en disant: "Malheur à
moi! Si seulement j'avais suivi le chemin avec le Prophète"»
(Sourate al-Furqân, 25:27). Dans ce verset "l'injuste" n'est autre
que ce même `Oqbah le maudit, selon l'explication de:
"Tafsîr al-Tabarî", Vol. 4, p. 6
"Tafsîr al-Baydhâwî", Vol. 2, p. 161
"Tafsîr al-Qurtobî", Vol. *, p. 25
"Tafsîr al-Zamakh-charî", Vol. 3, p. 326
"Tafsîr Ibn Kathîr", Vol. 3, p. 317
"Tafsîr al-Nîchâpûrî" dans la marge d'al-Tabarî,
Vol. 14, p. 10
"Tafsîr al-Kabîr"d'al-Râzî, Vol. 6, p. 369
etc...
En bref, il y a une matière si riche et si fournie dans les livres
d'histoire et de Tradition, sur les mauvaises moeurs et conduites d'al-Walîd
et de son père, qu'on pourrait écrire de nombreux ouvrages
à leur propos. En quelques mots, on peut qualifier Walîd d'homme
obscène, adultère, débauché et alcoolique qui
souilla la Religion. Ci-après quelques exemples illustrant la bassesse
de ses moeurs et de ses agissements:
1- Comme nous l'avons déjà mentionné, Walîd
étant en état d'ivresse, il accomplit un jour dans le masjid
de Kûfa quatre rak`ah de prière du matin au lieu de deux;
2- Sur ordre de l'Imam `Ali, `Abdullâh Ibn Ja`far lui infligea
la peine de quatre-vingts coups de fouet pour consommation d'alcool;
3- Lorsqu'al-Walîd Ibn al-`Âç lui succéda
à la tête du gouvernement de Kûfa, il fit laver la chaire
soigneusement en disant: «Enlevez-en la saleté de Walîd"(79).
Le 3e Calife gratifia un autre proche parent, l'Omayyade `Abdullâh
Ibn Khâlid Ibn `Usayd Ibn Abî-l `Âç Ibn Omayyah
de 300.000 dirhams et offert 1.000 dirhams à chacun des membres
de sa tribu.(80)
Selon al-Ya`qûbî, lorsque `Othmân maria sa fille à
`Abdullâh Ibn Khâlid Ibn `Usayd, il ordonna à `Abdullâh
Ibn `Âmer de lui allouer du Trésor Public de Basrah la somme
faramineuse de 600.000 dirhams(81).
Tout le monde sait combien Abû Sufiyân, le chef de file
des Tulaqâ' (les amnistiés) était détesté
par les Compagnons du Prophète, à cause de son passé.
Pourtant, `Othmân n'hésita pas à lui attribuer 200.000
dirhams du Trésor Public, et ce, le jour même où le
3e Calife fit un don de 100.000 dirhams à Marwân Ibn al-Hakam(82).
Le Calife `Othmân offrit le cinquième des butins d'Afrique
à son frère de lait, `Abdullâh Ibn Sa`d Ibn Abî
Sarh. Selon Abul-Fidâ, la valeur de ce cadeau était de 100.000
dinars ("Usud al-Ghâbah", Vol. 7, p. 152). Quant à Ibn Abî
al-Hadîd, il note qu'il le gratifia de tout le butin reçu
de l'Afrique de l'ouest sans rien en donner à aucun autre Musulman
("Charh Nahj al-Balâghah"). Or, ce Sa`d Ibn Abî Sarh était
celui qui avait embrassé l'Islam avant la conquête de la Mecque,
émigré à Médine et devint apostat. Après
son apostasie, le Prophète décréta qu'il devait être
exécuté, même s'il se trouvait accroché aux
rideaux de la Ka`bah. Mais `Othmân le cacha et intercéda auprès
du Prophète pour lui pardonner(83).
Puis `Othmân alloua 200.000 dinars (en pièce d'or) à
Talhah Ibn `Abdullâh ("Al-Balâtharî", Vol. 5, p. 7),
et lui donna en même temps plusieurs sacs d'or et d'argent.
Tels sont quelques exemples qui jettent un peu de lumière sur
le népotisme du 3e Calife qui fit rouler les Omayyades sur l'or
appartenant aux Musulmans.
Maintenant, il convient d'expliquer comment cette politique d'enrichissement
à l'excès conduisit certains Compagnons à devenir
des amoureux de la vie d'ici-bas après la disparition du Prophète,
et comment ce bas-monde les vainquit. Mais nous voudrions tout d'abord
montrer, comme l'ont fait, la plupart des historiens et des "traditionnistes",
que cette générosité démesurée envers
les Omayyades était contraire à la Volonté d'Allah
et de Son Prophète. En effet, Allah avait qualifié ces mêmes
Omayyades d'"arabe maudit", et le Prophète d'Allah les désigna
comme étant les gens maudits de la Ummah. Les théologiens
sont unanimes pour dire que les Omayyades avaient eu une rancune tenace
envers le Prophète (P).
`Ali dit que chaque nation souffre d'une calamité ou d'une autre.
La calamité de notre Ummah (nation) ce sont les Omayyades.(84)
Mais, si personne ne conteste que selon le Prophète et sa progéniture,
les Omayyades étaient une calamité pour la Ummah, on ne saurait
oublier que `Othmân, au contraire, leur donna les moyens de sévir
et de s'emparer de l'Etat islamique en leur ouvrant grande la porte du
Trésor Public. Le 3e Calife justifia son attitude en déclarant
souvent: «Le Trésor Public est le nôtre. Nous le dépensons
comme nous l'entendons. Et nous n'accepterons aucune objection de personne».(85)
A présent, voyons comment des Compagnons proches parents du 3e
Calife s'enrichirent considérablement et comment cet enrichissement
illégal constitua un vrai gaspillage.
Ainsi, Zubayr Ibn al-`Awwâm était le gendre du Calife.
Il laissa derrière lui après sa mort une fortune consistant
en:
1- onze maisons à Médine
2- deux maisons à Basrah
3- une maison à Kûfa
4- une maison en Egypte
5- Il avait quatre femmes
Après la déduction du tiers de sa fortune, chacune de
ses quatre femmes hérita le quart du reste. L'ensemble de sa fortune
s'évaluait à cinquante neuf "crores"et huit "lacs"(86).
Ibn Sa`d al-Wâqidî (mort en 230 H.) écrit qu'al-Zubayr
Ibn al-`Awwâm avait des terrains en Alexandrie, en Egypte et à
Kûfa et plusieurs maisons à Basrah. Il avait reçu d'innombrables
sacs de grains de Médine(87). Abul-Hassan
`Ali Ibn al-Hussayn Ibn `Ali al-Mas`ûdî (mort en 346 H) affirme
qu'outre tout ce qui précède, il avait laissé après
sa mort un millier de chevaux, un millier d'esclaves hommes et un millier
d'esclaves femmes, ainsi que plusieurs étendues et terrains(88).
Talhah ibn `Ubaydullâh al-Temîmî était aussi
le gendre du 1e Calife. Il avait une maison à Kûfa au nom
de Kanâs. Son revenu quotidien, tiré seulement des grains,
était de 100 dinars. Il possédait plusieurs auberges entre
Tahâmah et Tâ'if, ainsi qu'un beau palace à Médine.
Sa propriété en Irak lui rapportait un revenu mensuel de
10.000 dinars. Mûsâ Ibn Talhah, note que ledit Talhah laissa
derrière lui 20 millions deux cent mille (20.200.000) dirhams et
200.000 dinars en liquide. En outre, il laissa des terres agricoles et
trois cents sacs en peau de boeuf remplis d'argent. Ibn al-jawzî
affirme qu'il avait des sacs de peau de chameau très larges.(89)
`Abdul-Rahmân Ibn `Awf était le beau-frère de `Othmân
et c'était lui qui sur ordre de `Omar avait favorisé la désignation
de `Othmân au détriment de `Ali pour le Califat, comme nous
l'avons vu dans un chapitre précédent. Il possédait
à sa mort un millier de chameaux, 30.000 chèvres et une centaine
de chevaux, ainsi qu'une telle quantité d'or qu'on dut le couper
avec une hache pour le diviser. Il avait cinq femmes. Chacune d'elles eut
80.000 dinars. Il avait divorcé de l'une d'elles pendant sa maladie,
en lui offrant 83.000 dinars. En outre, il laissa derrière lui 10.000
moutons dont la valeur était estimée à 84.000 dinars.(90)
D'aucuns n'ont pas manqué de faire un rapprochement et une relation
de cause à effet, entre son astuce pour favoriser la nomination
de `Othmân à la place de `Ali Ibn Abî Tâlib, et
cette fortune colossale qu'il put accumuler grâce au 3e Calife qu'il
avait porté au Califat lui-même.
Sa`d Ibn Abî Waqqâç laissa derrière lui 250.000
dirhams et une très grande maison qu'il avait fait construire à
`Aqîq. C'était en fait un palace magnifique, très haut
et très spacieux avec de belles tourelles érigées
sur les étages supérieurs(91).
Selon la traduction de `Abdul-Hamîd Jawdat al-Sahar, il avait fait
incruster des agates dans son palace.
Ya`lâ Ibn Omayyah, le gouverneur du Yémen laissa comme
héritage 500.00 dinars et beaucoup de prêts qu'il avait accordés
aux gens, ainsi qu'un vaste terrain, et une propriété estimée
à 100.000 dinars(92).
Zayd Ibn Thâbit était l'homme qui aida `Othmân par
tous les moyens et de différentes façons. Il lui était
totalement soumis. Il laissa derrière lui tellement d'or et d'argent
qu'on dut utiliser la hache et le marteau pour les couper et les diviser.
De plus il laissa d'autres biens dont la valeur était estimée
à 100.000 dinars(93).
Telle était la politique de népotisme, de favoritisme
et d'extrême largesse du 3e Calife envers ses proches et ses sympathisants.
Evidemment, aucun des adeptes du Prophète ne pouvait accepter, sans
rechigner, cette façon de distribuer la richesse des Musulmans parmi
ses propres amis. C'est pour cette raison que les grands Compagnons tels
que `Alî, Salmân al-Fârecî, Abû Tharr, al-Miqdâd
et `Ammâr Ibn Yâcer protestèrent vivement contre son
attitude qu'ils jugèrent contraire aux Traditions et aux enseignements
du Prophète.
Peut-être d'aucuns seraient tentés de dire ou de croire,
comme le disait le 3e Calife lui-même, que tout ce que `Othmân
avait fait, c'était pour des parents pauvres qui méritaient
aide et assistance, et qu'il n'avait rien fait pour son bien-être
personnel. Mais une telle assertion ne résiste pas à l'examen
des historiens à cet égard. Il apparaît clairement
d'après l'étude de la biographie du 3e Calife qu'il n'avait
rien à envier à ceux qu'il avait enrichis démesurément.
En effet, `Othmân avait une denture en or. Il portait un manteau
de fourrure soyeuse qui valait cent dinars. Le manteau de sa femme, Nâ'ilah
valait cent dinars aussi(94). Il y avait
un coffre-fort plein d'or et d'argent à Médine. `Othmân
en fit sortir les ornements pour les réserver à sa famille.
Cela souleva une levée de bouclier parmi les gens et les protestations
fusèrent de toutes parts. `Othmân eut même une altercation
avec `Ali à ce propos, mais il resta de marbre(95).
Il se fit construire un palace à Médine; il fut renforcé
par des pierres et une pinacle, et ses portes étaient en teck et
platane. Il détenait une immense fortune. Il possédait de
nombreuses sources à Médine. Les historiens affirment qu'il
laissa derrière lui après son assassinat 300 millions et
cinq cent mille (300.500.000) dirhams et cinq million (5.000.000) dinars.
Parmi tous les biens qu'il laissa, ceux de la Vallée de Qurâ
et de Hunayn seulement valaient 100.000 dinars. En outre, il laissa beaucoup
de chameaux et de chevaux derrière lui. Selon Ibn Sa`d la valeur
de son patrimoine dans la Vallée de Qurâ et Khaybar était
de 200.000 dinars(96), et selon Jorji Zaydân,
de 1.000.000 dinars(97). De plus, il laissa
mille esclaves(98), ainsi que mille chameaux
à Rabadhah(99).
Chapitre 17
Les causes profondes de l'amertume d'Abû Tharr
Il est établi qu'Abû tharr avait connu le Saint Prophète
et ses Ahl-ul-Bayt de très près et qu'il était resté
intimement lié à eux. Il avait pu ainsi voir très
clairement chaque aspect de leur vie et apprendre beaucoup de choses à
travers cette Noble Famille dans laquelle était descendue la Révélation
et dont la conduite et les comportements étaient la traduction exacte
et l'incarnation parfaite des préceptes de l'Islam. Il avait vu
de ses propres yeux plus d'une fois le Saint Prophète rester à
la mosquée le ventre creux et ses enfants affamés à
la maison (100).
Abû Tharr avait vu également l'Imam `Ali travailler dur
pour gagner sa vie, enveloppé de vêtements rudes et grossiers.
Il l'avait entendu exhorter sa servante africaine, "Fidh-dhah":
«O Fidh-dhah! Nous les Ahl-ul-Bayt, n'avons pas été
créés pour le monde de gains matériels, mais pour
nous consacrer à l'adoration d'Allah et la propagation de Son Message,
l'Islam. Il est de notre devoir de rehausser la morale de l'homme, d'allumer
la lumière de l'Unicité d'Allah dans les coeurs des gens
et de préparer le chemin de leur bien-être».
Abû Tharr avait également vu `Ali manger du pain d'orge
sec, porter les sacs de farine sur son dos aux maisons des pauvres, des
veuves, et des orphelins. Il l'avait entendu souvent dire: «O
monde d'ici-bas! Va séduire quelqu'un d'autre que moi. J'ai divorcé
avec toi». Il avait vu maintes fois les descendants du Prophète
Mohammad (les Ahl-ul-Bayt) manger et partager leurs repas avec leurs serviteurs
autour d'une même nappe. Il avait toujours présent à
l'esprit l'état d'angoisse dans lequel s'était trouvé
un jour le Prophète parce qu'il devait garder pendant une nuit quatre
dinars du Trésor Public qu'il n'avait pas pu distribuer à
leurs destinataires pendant la journée. Les mots suivants que le
Saint Prophète lui avait adressés un jour résonnaient
toujours dans ses oreilles et lui semblaient comme un enseignement anachronique
par rapport à ce qu'il voyait maintenant sous le Califat de `Othmân.
«O Abû Tharr! Même si je possédais une quantité
d'or équivalente au Mont d'Ohod, je ne voudrais pas en garder un
petit morceau sur moi».
Comment dès lors l'ami fidèle et le confident dévoué
du Prophète pouvait-il se taire en voyant l'Islam se métamorphoser
et les enseignements de ses gardiens foulés aux pieds?! Dès
la disparition du Messager d'Allah tout ou presque avait changé.
L'injustice et la tyrannie allaient rampantes. L'allégeance aux
Califes s'obtenait de force, la maison des Ahl-ul-Bayt brûlée
et on avait osé même forcer la porte de la maison de sa fille
Fâtimah al-Zahrâ', La maîtresse des femmes du Paradis,
et la faire tomber sur elle pour tenter d'arracher la prestation du serment
d'allégeance à l'Imam `Ali(101).
`Ali était emmené, la corde autour du cou pour l'obliger
à prêter serment d'allégeance et des grands Compagnons
avaient été conduits à s'enfermer dans leurs maisons
pour ne pas se compromettre devant Allah en obéissant à un
pouvoir qui ne respecta pas la volonté du Messager d'Allah. Abû
Tharr n'était ni par tempérament ni par formation religieuse
quelqu'un qui acceptait l'injustice et le piétinement de la vérité
sans réagir.
Pourtant, comme le Prophète (P) le lui avait recommandé,
il s'était efforcé pendant un certain temps de s'armer de
patience. Mais sa patience, sa ferveur religieuse, sa fidélité
aux enseignements et Traditions du Prophète ne pouvaient s'éterniser,
alors que la pompe royale des gouvernants, qui s'était substituée
au mode de vie modéré et modeste du Saint Prophète,
atteignit le sommet, que le favoritisme et le népotisme tribaux
remplacèrent l'honnêteté et la piété
islamiques, que les fonds du Trésor Public destinés aux pauvres
et nécessiteux remplirent les poches des amis du pouvoir et firent
des millionnaires parmi les proches parents du Calife, que le capitalisme
gagna rapidement du terrain, faisant des pauvres, des indigents, des orphelins,
et des veuves, des laissés-pour-compte.
Au début, Abû Tharr essaya de blâmer le Calife `Othmân,
de le ramener à la raison et lui prodigua des conseils autant que
faire se pouvait, mais `Othmân ne prêta aucune attention à
ses conseils. Abû Tharr, qui ne pouvait manquer à son engagement
devant le Prophète de rester le gardien vigilant de l'application
des principes de l'Islam, décida de monter sur la scène publique
et de dénoncer ouvertement les accrocs à la Loi commis par
`Othmân, ainsi que la thésaurisation qui commencèrent
à prendre une forme inquiétante que le Saint Coran condamne
sans détour.
Comme Abû Tharr ne pouvait plus rester les bras croisés
devant le pillage du Trésor Public par les proches parents de `Othmân,
alors que des orphelins et des veuves mouraient de faim, il accéléra
le rythme de ses prêches se déplaçant souvent pour
alerter le plus grand nombre de Musulmans sur la gravité des violations
des principes de l'Islam et les conséquences dangereuses de ces
violations. Cela lui valut comme nous l'avons vu partiellement d'être
tantôt exilé tantôt banni.
Il est tout à fait évident que la distribution de la richesse
aux pauvres et nécessiteux est essentielle, mais il est aussi important
de savoir sur quelle base cette richesse doit être répartie
parmi les pauvres et d'autres catégories des Musulmans qui la méritent.
Or, on sait que le Prophète avait distribué la richesse d'une
façon égalitaire. Par exemple, pour les butins de guerre,
il y prélevait 20% comme part d'Allah et de Son Prophète
et les 80% restant étaient distribués entre les combattants
à pied d'égalité. Personne n'avait le droit d'en avoir
plus qu'un autre(102). Par ailleurs, les
livres de Traditions nous apprennent que les tributs étaient distribués
parmi les Musulmans le jour même de leur perception. La personne
mariée en recevait le double de la part du célibataire.(103)
La même procédure était suivie par l'Imam `Ali,
lorsqu'il accéda au Califat. Al-Hâfidh al-Bayhaqî relate
qu'un jour l'Imam `Ali avait reçu de l'argent et autres articles
d'Ispahan. Il les divisa en sept parts égales. Lorsqu'il remarqua
qu'il restait un pain non distribué, il le divisa aussi en sept
morceaux égaux dont il ajouta un à chaque part. Puis il tira
au sort pour désigner parmi tous ceux qui y avaient droit sept personnes
à qui les sept lots serait alloués(104).
Un jour deux femmes étaient venues le voir. L'une d'entre elles
était une femme libre, l'autre esclave. Il donna à chacune
d'elle un peu de blé et quarante dirhams. La femme esclave repartit
alors l'autre dit à l'Imam `Ali: «Tu m'as donné autant
qu'elle! Pourtant c'est une femme esclave et non arabe alors que je suis
une femme libre et arabe». L'Imam `Ali lui répondit: «J'ai
eu beau cherché dans le Saint Coran, mais je n'y ai trouvé
aucune raison de te considérer comme étant supérieure
à elle».
Mohammad Radhî Zangipûrî écrit que sous le
Califat de `Ali où le gouvernement suivait à la lettre le
mode d'administration de l'époque du Prophète et distribuait
la richesse sur une base d'égalité, la haute classe parmi
les Compagnons fut mécontente de cette politique d'égalité.
`Ali remarquant ce mécontentement, dit à l'adresse de cette
classe: «Voulez-vous que je sollicite votre aide et appui en échange
de l'injustice que je devrais faire à ceux pour lesquels je suis
devenu gouvernant? Vous me demanderiez là de retenir leur dû
pour vous en donner plus, en échange de votre appui. Par Allah!
Tant que les contes de nuits continuent d'être racontés, et
tant que les étoiles continuent leur mouvement, je ne ferai pas
une chose pareille. Même s'il s'agissait de ma fortune personnelle,
je l'aurais divisée à parts égales parmi les gens
et pas autrement. Alors comment pourrais-je ne pas observer l'égalité
lorsqu'il s'agit de la propriété d'Allah?! Sachez que donner
de l'argent sans compter et être généreux sans respecter
le droit est une forme de gaspillage et d'extravagance qui rehausse, certes,
le donneur dans ce bas-monde, mais qui le rabaissent, en revanche, dans
l'Au-delà»(105).
`Ali conscient, que la distribution de la richesse des Musulmans, d'une
façon égalitaire, parmi les pauvres, les nécessiteux
et toutes autres catégories d'ayants-droit est un principe islamique
inviolable, déclara dès qu'il accéda au Califat: «Vous
êtes les serviteurs d'Allah et la richesse appartient à Allah.
Elle sera distribuée d'une façon égalitaire parmi
vous sans aucune distinction ni discrimination»(106).
Chapitre 18
Le brûlage des copies du Coran
Après son retour de son exil en Syrie, Abû Tharr continuait
ses prêches et sa dénonciation de la thésaurisation
à laquelle s'adonnaient les proches de `Othmân aux dépens
des pauvres, des veuves et des orphelins qui se trouvaient de ce fait privés
de ce qui devait leur appartenir. Un jour, Abû Tharr apprit que le
Calife `Othmân avait ramassé des copies du Saint Coran des
quatre coins du territoire de l'Etat islamique et les avait fait brûler.
Cet incident le mit hors de lui. Il devint, ainsi, le thème central
de ses discours. Cet incident eut lieu, selon l'historien `Abul-Fidâ
en l'an 30 de l'Hégire(107).
Relatant cet événement, l'historien al-Ya`qûbî
(mort en 278 H.) écrit que `Othmân avait compilé le
Saint Coran de sorte que les grandes sourates et les petites sourates soient
séparées en deux parties distinctes. Puis, il fit ramasser
les autres copies du Coran disséminées dans les différentes
régions de l'Etat islamique, les fit laver avec de l'eau chaude
et du vinaigre, et y mit le feu. Il en résulta qu'il ne resta aucune
copie du Coran, sauf celle appartenant à Ibn Mas`ûd, lequel
la gardait avec lui à Kûfa. Lorsque le gouverneur de Kûfa,
`Abdullâh Ibn `Âmer demanda à Ibn Mas`ûd de lui
remettre sa copie, il refusa. `Othmân apprit la nouvelle de ce refus
et écrivit à son gouverneur de Kûfa d'arrêter
Ibn Mas`ûd et de l'amener à Médine. Quand Ibn Mas`ûd
arriva à Médine et entra dans le masjid, `Othmân était
en train de prononcer un discours. Voyant Ibn Mas`ûd il dit: «Un
animal répugnant et désagréable vient d'arriver».
Ibn Mas`ûd répliqua au Calife sur le même ton. `Othmân
ordonna alors qu'Ibn Mas`ûd soit battu. Son ordre fut exécuté
immédiatement et Ibn Mas`ûd fut tellement frappé et
traîné à terre que deux de ses côtes furent brisées.
Selon la traduction persane de "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî"
(imprimé à Bombay, p. 147, ligne 8), `Othmân déchira
les copies du Coran avant de les brûler. L'auteur de "Successors
of Mohammad" (W.Irving, imprimé à Londres en 1850, A. J-C)
dit la même chose. Selon "Najât al-Mu'minîn" de Mulla
Mohsin al-Kichmîrî, `Othmân fit briser les côtes
d'Ibn Mas`ûd, lui arracha sa copie du Coran et le brûla. On
lit dans "Rawdhat al-Ahbâb" (Vol. 2, p. 229, imprimé à
Lucknow), `Othmân ordonna: «Ma copie du Coran doit être
mise en circulation sur mon territoire, et les autres copies doivent être
brûlées». Et conformément à cet ordre,
toutes les autres copies furent brûlées. Selon de nombreuses
sources dignes de foi,(108) `Othmân
envoya un message à Hafçah, la femme du Saint Prophète,
pour lui demander de lui envoyer les Textes du Coran en sa possession afin
qu'il les recopiât, et lui promit de les lui rendre tout de suite
après. Hafçah s'exécuta. `Othmân désigna
Zayd Ibn Thâbit, `Abdullâh Ibn Zubayr, Sa`îd Ibn al-`Âç
et `Abdul-Rahmân Ibn Hârith, tous des Quraychites, pour qu'ils
recopient ces Textes selon le parler (la lecture) des Quraych au cas où
il y aurait différentes lectures possibles dans certains versets,
étant donné que le Coran avait été révélé
dans leur langue. Ils accomplirent leur mission conformément aux
instructions de `Othmân. Après quoi, celui-ci renvoya, comme
promis, les Textes à Hafçah avec la nouvelle copie. Maintenant
seule la copie de `Othmân est en cours alors que toutes les autres
furent. D'après "Fat-h al-Bârî" d'Ibn Hajar al-`Asqalânî
( Vol. 4, p. 226), `Othmân réexpédia à Hafçah
sa copie, mais Marwân la lui arracha de force et la brûla.
Diverses références crédibles(109)
confirment que `Othmân avait brûlé toutes les copies
du Coran, excepté la sienne, et qu'il fit battre Ibn Mas`ûd
tellement qu'il eut une hernie, avant de le mettre en prison où
il mourra. Et enfin, "Al-Tuhfah al-Ithnâ-`Achariyyah" de `Abdul-Azîz
rapporte que Ubayy Ibn Ka`b remit sa copie du Coran à `Othmân
pour éviter d'être battu. Cette copie aussi fut brûlée.
En tout état de cause, d'innombrables ouvrages affirment que
`Othmân fit brûler les différentes copies du Texte Divine,
copies qui avaient été compilées sous le Califat d'Abû
Bakr. Lorsque Omm al-Mou'minîn (La mère des Croyants), `A'ichah
apprit la nouvelle de cet événement, elle piqua une crise
de colère et s'écria: «O Musulmans! Tuez cet homme
qui a brûlé le Coran. Il vient de commettre une grave injustice»
("Anwâr al-Qulûb" de Mohammad Bâqir Majlicî, p.
313). Très mécontente de cette action de `Othmân, elle
répétait à toutes occasions: «Tuez ce Juif,
Na`thal. Qu'Allah le tue. Il est devenu apostat» ("Rawdhat al-Ahbâb",
Vol. 3, p. 12). Ibn al-Athîr al-Jazarî écrit dans son
livre "Tath-kirat Khawâç al-Ummah", pp. 38, 40, 41) que lorsque
`A'ichah disait à qui voulait l'entendre: «Tuez ce Na`thal.
Qu'Allah le tue», elle visait le Calife `Othmân. Et Ibn al-Athîr
explique que si elle appelait `Othmân, Na`thal, c'est par comparaison
avec un Juif d'Egypte qui s'appelait Na`thal et dont la barbe ressemblait
à celle de `Othmân. Il explique d'autre part, que selon Shaykh,
Na`thal signifie idiot ("Al-Nihâyah" d'Ibn al-Athîr).
Selon l'historien Ibn Taqtaqî, `Othmân fut assassiné
en conséquence de l'incitation de `A'ichah, "Tuez ce Na`thal". Le
jour même où la maison de `Othmân fut encerclée,
`A'ichah partit pour la Mecque ("Ta'rîkh al-Fakhrî", p. 62,
imprimé en Egypte).
Différents historiens affirment que `Ali fut terriblement choqué
par le brûlage des copies du Saint Coran, au point qu'il sentit la
nécessité de se concerter avec Abû Tharr sur cet événement.
Selon al-`Allâmah al-Majlicî, `Ali demanda à cette occasion
à `Abdul-Malik, le fils d'Abû Tharr de faire venir son père.
Lorsqu'Abû Tharr se présenta et qu'ils échangèrent
leurs vues à ce sujet, `Ali exprimant sa profonde désapprobation
du brûlage du Coran, dit: «Il a été mis en
pièces et passé au fer. Il est possible qu'Allah se vengera
de lui (`Othmân) avec le fer». Abû Tharr fit cette
réflexion: «O `Ali! J'ai entendu le Prophète dire
que les rois tyrans tueraient les membres de sa Famille». `Ali
lui demanda: «O Abû Tharr! Es-tu en train d'attirer mon
attention sur le fait que je serai assassiné?». Abû
Tharr répondit: «Il n'y a pas de doute que cela arrivera
et que tu seras le premier membre des Ahl-ul-Bayt du Prophète à
être assassiné».
Chapitre 19
Abû Tharr, l'incorruptible, condamné à la
déportarion
Les historiens écrivent qu'Abû Tharr faisait ses prêches
sur des sujets spécifiques, dans le masjid, les marchés,
les rues et partout où l'occasion se prêta à cette
tâche. Il ne craignait pas d'être assassiné, car le
Saint Prophète lui avait prédit que personne ne pourrait
le tuer, ni le détourner de sa foi. Il ne se souciait non plus d'aucun
reproche, car il avait promis au Prophète de faire ce qu'il était
en train de faire. Il était sûr et certain que tout ce qu'il
faisait était conforme à la volonté d'Allah et à
celle de Son prophète. C'est pourquoi, il occupait tout son temps
à s'acquitter de son devoir avec beaucoup de courage et de ferveur.
Alors qu'Abû Tharr intensifiait de plus en plus ses prêches,
`Othmân réfléchissait au meilleur moyen de le réduire
au silence. Aussi consulta-t-il Marwân, un jour, et lui demandal
comment on pourrait amener Abû Tharr à cesser ses critiques
contre la conduite califale et contre la thésaurisation. Marwân
lui dit: «Il n'y a qu'une astuce qui pourrait nous conduire à
cet objectif: il faut le soudoyer par l'argent. Il se peut qu'il l'accepte
et qu'il se taise par conséquent». `Othmân écouta
le conseil de Marwân et resta silencieux. La raison de son silence
était qu'il savait très bien qu'Abû Tharr n'avait pas
l'appétit de l'argent. Mais Marwân sûr de lui insista
et finit par obtenir la permission d'exécuter son projet. Il appela
deux hommes, leur confia deux cents dinars et leur dit; «Apportez
cet argent, à la faveur de la nuit, à Abû Tharr et
dites-lui que `Othmân lui transmet ses meilleurs souhaits et lui
envoie cette somme pour satisfaire ses besoins».
Les deux hommes allèrent à la recherche d'Abû Tharr
dans l'obscurité de la nuit. Ils le trouvèrent à la
mosquée en train de prier, malgré l'heure tardive(110).
Abû Tharr demanda aux deux visiteurs ce qu'ils faisaient là
et ce qu'ils lui voulaient. Les émissaires de `Othmân lui
montrèrent les deux cents dinars et lui dirent: «Le Calife
`Othmân te présente ses respects et te demande d'accepter
cet argent pour subvenir à tes besoins».
Abû Tharr leur demanda: «A-t-il offert la même somme
à d'autres musulmans?». Ils répondirent: «Non,
à personne d'autres. C'est la générosité du
Calife envers toi uniquement. Nous te prions donc de l'accepter».
Abû Tharr dit: «Je suis un Musulman parmi d'autres. Si le Calife
n'a rien donné à aucun autre Musulman, je ne peux l'accepter.
D'ailleurs, je n'en ai pas besoin, alors que d'autres Musulmans pauvres
ont été ignorés. Retournez donc chez le Calife et
rendez-lui l'argent. Dites-lui qu'un peu de blé me suffit. Je gagne
ma vie. Qu'est-ce que je peux faire avec ces dinars»(111).
En fait, Marwân s'était fait une idée complètement
fausse d'Abû Tharr. Il avait cru, qu'Abû Tharr, était
comme bien d'autres, sensible à la richesse et au luxe de ce monde.
Il ne pouvait pas imaginer que ce fidèle Compagnon du Prophète
ne s'intéressait qu'à la fidélité aux principes
islamiques et aux traditions du Saint Prophète.
Si l'on juge Abû Tharr à travers cet incident et son refus
de l'argent offert par `Othmân, on remarque qu'il ne fait que suivre
fidèlement la ligne de conduite du Saint Prophète et de l'Imam
`Ali qui concentraient leur attention beaucoup plus sur la masse des Musulmans
que sur eux-mêmes. Ils ne voulaient pas rouler sur l'or tant qu'il
y avait un pauvre. Ils n'acceptaient pas qu'il y ait la moindre différence
de traitement entre les gens et eux-mêmes. L'illustration de ce souci
d'égalité de traitement entre le gouvernant islamique et
les autres Musulmans se trouve dans le récit suivant relaté
par Ahnaf Ibn Qays.
Dans son livre intitulé "Naçr al-Durar", Mançûr
Ibn Hussayn Abî (décédé en 422 H.), écrit:
«Ahnaf Ibn Qays a raconté: «Un jour, je suis allé
chez Mu`âwiyeh. Il a mis devant moi de nombreux mets. Alors que j'étais
étonné de voir une telle variété de plats sous
mes yeux, il m'offrit encore un autre plat spécial que je n'ai pas
pu reconnaître. Je lui ai demandé quel était ce plat.
Il m'a répondu que c'était des intestins de canard rembourés
de cervelles, rôtis à l'huile de pistache et assaisonnés
avec des épices. En l'écoutant je me suis mis à pleurer.
Mu`âwiyeh m'a demandé pourquoi mes larmes coulaient, je lui
ai dit: «Une fois j'ai été chez `Ali. L'heure de la
rupture du jeûne s'approchait. `Ali m'a demandé de rester.
Entre-temps on a apporté un sac bien fermé. Je lui ai demandé
ce qu'il contenait, il m'a répondu que c'était de la farine
d'orge grillée. Je lui ai demandé si la raison de la fermeture
du sac est la crainte de voleurs ou les difficultés économiques.
Il m'a répondu ni l'un ni l'autre et qu'il avait pris cette précaution
pour éviter que ses fils ne mélangent avec la farine, du
beurre ou de l'huile d'olive. Je lui ai demandé encore, s'il était
interdit d'utiliser le beurre ou l'huile d'olive. Il m'a répondu
que non, mais qu'il était nécessaire que les dirigeants de
la Ummah se maintiennent dans le même niveau de vie que celui des
masses de pauvres, afin que le manque de moyens de ces pauvres ne conduise
ceux-ci à la rébellion. Mu`âwiyeh m'a dit, alors: "Tu
viens d'évoquer les souvenirs d'une personne dont les vertus sont
indéniables."
En tout état de cause, les deux émissaires de `Othmân
retournèrent chez lui bredouilles et lui racontèrent ce qui
s'était passé. `Othmân dit à Marwân: «Je
savais qu'Abû Tharr n'accepterait pas l'argent».
Abû Tharr poursuivait ses prêches et ses dénonciations
publiques de tout ce qui n'était pas islamique et `Othmân,
toujours soucieux et inquiet des conséquences de ces diatribes,
continuait à chercher le moyen approprié de faire taire ce
Compagnon pieux, qui après tout ne faisait que rappeler les principes
de l'Islam et souligner la nécessité de ne pas s'en écarter.
Il essaya tous les moyens possibles mais sans parvenir à mettre
fin aux prêches d'Abû Tharr. Finalement il fit une proclamation
publique: «Personne ne doit se trouver à côté
d'Abû Tharr ni lui parler». (Al-Mas`ûdî)
Cet ordre du Calife devait être respecté inconditionnellement.
Dès que la proclamation fut lancée, les gens s'abstinrent
d'avoir des contacts avec Abû Tharr et cessèrent de lui adresser
la parole. Ils s'éloignaient dès qu'ils le voyaient venir
ou passer de crainte qu'on ne les dénonce au Calife. Personne ne
l'écoutait ni le rencontrait. Mais le courage d'Abû Tharr
était sans limite. Il se moquait royalement de toutes ces mesures,
étant convaincu que tout ce qu'il faisait était conforme
à la Volonté d'Allah.
Selon al-Subaytî, malgré la sévère proclamation
de `Othmân, Abû Tharr ne changea en rien ses prêches
habituels, et les Omayyades de Médine, qui étaient les partisans
de `Othmân, en eurent assez de lui et se plaignirent auprès
du Calife de l'attitude d'Abû Tharr et lui dirent qu'il devait chercher
un moyen pour s'en débarrasser. `Othmân décida alors
de sévir contre Abû Tharr et ordonna qu'on l'amène
à sa Cour. Abû Tharr fut arrêté et présenté
devant `Othmân, lequel lui dit: «O Abû Tharr! Je t'ai
prévenu à plusieurs reprises et de différentes façons,
mais tu n'as pas écouté mon conseil. Qu'est-ce qu'il t'arrive?"
Abû Tharr répondit sèchement." Que la damnation
soit sur toi, O `Othmân! Ta conduite est-elle similaire à
celle du Saint Prophète ou à celle d'Abû Bakr Ibn Quhâfah
et de `Omar Ibn al-Khattâb? Tu nous traites comme le font les tyrans"».
`Othmân dit: «Je ne veux rien savoir. Quitte ma ville».
- Abû Tharr: Moi aussi, je ne veux pas rester près de toi.
Eh bien, dis-moi où je dois aller?
- `Othmân: Va où tu veux, mais va-t-en d'ici.
- Abû Tharr: Puis-je aller en Syrie?
- `Othmân: Non, je t'avais renvoyé de là-bas. Tu
as monté les Syriens contre moi. Comment puis-je t'y envoyer encore
de nouveau?
- Abû Tharr: Dans ce cas, puis-je aller en Irak?
- `Othmân: Non, tu cherches à aller là où
les gens critiquent leurs gouvernants.
- Abû Tharr: Puis-je aller en Egypte?
- `Othmân: Non.
- Abû Tharr: Dois-je aller à Kûfa?
- `Othmân: Non.
- Abû Tharr: Où dois-je donc aller? Peut-être à
la Mecque?
- `Othmân: Non.
- Abû Tharr: `Othmân! Tu m'empêches d'aller à
la Maison d'Allah! Qu'est-ce que cela peut te faire si je vais là-bas
pour y adorer Allah jusqu'à ma mort?
- `Othmân: Non! Par Allah, jamais!
- Abû Tharr: Alors, tu dois me dire où je dois m'en aller.
Dois-je disparaître dans la forêt?
- `Othmân: Non.
- Abû Tharr: Alors dois-je retourner à mon époque
pré-islamique et élire résidence à Najd? Indique-moi
au moins un endroit où je pourrais aller.
- `Othmân: O Abû Tharr! Tu dois m'indiquer l'endroit que
tu aimes le plus.
- Abû Tharr: Médine ou la Mecque ou (selon al-Jâhidh)
Qods (Jérusalem).
- `Othmân: Tu ne dois y aller à aucun prix. Maintenant,
dis-moi quel est l'endroit que tu détestes le plus.
- Abû Tharr: Rabdhah.
- `Othmân; Bien, je t'ordonne d'aller à Rabdhah.
En entendant cet ordre, Abû Tharr dit: «Allah est Grand!
Le Saint prophète a vraiment dit que tout cela arriverait».
- `Othmân: Qu'avait dit le Prophète?
- Abû Tharr: Il avait dit que je serais banni de Médine,
empêché d'aller à la Mecque et forcé d'élire
résidence dans le pire endroit de Rabdhah où je mourrais
et serais enterré par des Irakiens se dirigeant vers Hijâz.
Après avoir entendu ces propos, `Othmân dit, selon al-A`tham
al-Kûfî, à Abû Tharr: «Lève-toi et
va à Rabdhah. Restes-y et ne le quitte jamais». D'après
"Al-Dam`ah al-Sakîbah" (Vol. 1, p. 194), il fut, à cette occasion,
torturé et grièvement blessé. Puis, le Calife ordonna
à Marwân de l'envoyer à Rabdhah sur le dos nu d'un
chameau sans selle, et de proclamer l'interdiction totale, pour quiconque,
d'aller le voir.(112)
Il est indéniable que cet exil équivalait à un
assassinat. Ceux qui sont bannis de cette façon de leur pays préfèrent
sûrement la mort à cette déportation. Même le
Prophète Yûsuf pleurait chaque fois qu'il se souvenait de
son pays natal alors qu'il était assis sur le trône royal
d'Egypte. Le Prophète Mohammad (P) qui avait été forcé
d'émigrer à Médine, ses yeux se remplissaient de larmes
chaque fois qu'il se rappelait la Mecque ou voyait un habitant de sa ville.
Quant à Abû Tharr, son exil paraissait être définitif.
Il était banni vers un village du désert pour y mourir. Il
devait quitter sa maison, ses amis et surtout la tombe du Saint Prophète
à laquelle il était tellement attaché. Mais Abû
Tharr savait que personne ne pouvait lui venir en aide pour empêcher
cet exil forcé, voulu par l'établissement Califal de `Othmân
dont la politique de déportation était une pratique courante
et incontournable. En effet, selon l'historien al-Tabarî, `Othmân
s'ingéniait à mettre au ban de la société,
quiconque lui déplaisait, et il disait que cet isolement est plus
sévère que toute autre punition(113).
Les ordres furent donnés pour qu'Abû Tharr fût banni
et que personne ne fût autorisé à le raccompagner,
lui parler, lui rendre visite ou lui faire des adieux.(114)
Ces ordres découragèrent beaucoup de gens à sortir
de chez eux pour saluer le départ de ce célèbre et
fidèle Compagnon du Saint Prophète.
Seuls, l'Imam `Ali, al-Hassan, al-Hussayn, `Aqîl, `Ammar, `Abdullâh
Ibn Ja`far, `Abdullâh Ibn `Abbâs et al-Miqdâd Ibn al-Aswad
bravèrent l'ordre du boycottage et se rendirent chez Abû Tharr
lors de son départ pour l'exil.
Bien que les Compagnons du Saint Prophète ne pussent exprimer
leurs sentiments à propos de l'ordre du Calife de bannir Abû
Tharr, il n'en demeure pas moins vrai qu'ils furent très perturbés
par cet ordre et cet exil. Ce mécontentement n'était pas
seulement le fait des Compagnons présents à Médine,
mais tous les Compagnons qui se trouvaient ailleurs et qui, ayant entendu
la nouvelle de ce bannissement étaient pris de malaise. Anise Ibn
Mas`ûd(115) qui était à
Kûfa, ainsi que les gens de sa tribu devinrent très agités.
En bref, alors que Marwân, agissant sur ordre de `Othmân,
avait amené un chameau sans selle et était sur le point d'envoyer
Abû Tharr vers son exil, `Ali, al-Hassan, al-Hussayn, `Aqîl,
`Ammar, `Abdullâh Ibn Ja`far, Miqdâd ibn al-Aswad et `Abdullâh
Ibn `Abbâs se présentèrent et dirent: «O Marwân,
le maudit! Arrête. Ne le monte pas encore sur le chameau. Nous devons
lui dire au revoir d'abord».
`Ali parla le premier: «O Abû Tharr! Ne t'inquiète
pas. Des gens en ont assez de toi à cause de leur soif des biens
de ce monde, et toi, tu ne t'es pas soucié de leur mécontentement
à cause de ta foi. Il en est résulté qu'ils ont décidé
de te déporter. Abû Tharr! Un homme pieux est toujours confronté
à des épreuves, mais rappelle-toi qu'Allah prépare
des moyens de délivrance merveilleux pour les gens pieux. Rien ne
peut te consoler, si ce n'est la "vérité". La "vérité"
sera ton compagnon dans ta solitude. Je sais que la seule chose qui peut
te perturber, t'inquiéter, et t'alarmer, c'est la non-vérité,
et celle-ci ne peut s'approcher de toi».
Ensuite, l'Imam `Ali demanda à ses fils de faire leurs adieux
à Abû Tharr. L'Imam al-Hassan dit alors: «O cher oncle
Abû Tharr! Qu'Allah t'entoure de Sa Miséricorde. Nous voyons
ce qu'on est en train de te faire. Nos coeurs sont serrés, Ne t'en
fais pas. Allah est ton Guide et tu dois te tourner vers Lui. O oncle!
Sois patient face à cette calamité jusqu'à ce que
tu rejoignes mon grand-père qui sera heureux de te revoir».
Puis ce fut le tour d l'Imam al-Hussayn de s'exprimer:
«O mon oncle! Tu n'as pas à te soucier de quoi que ce soit,
puisqu'Allah a Pouvoir sur toute chose. Il peut éloigner de toi
tout ennui. Sa Gloire est sans pareille. O oncle! Les gens t'ont rendu
la vie difficile et misérable. Evidemment tu ne t'en soucies pas.
Tôt ou tard on quitte ce monde. Je prie Allah de t'accorder Son Soutien
et de t'armer de patience. O oncle! Rien ne vaut l'endurance. Aie confiance
en Allah. Il est Celui qui dispose de ton destin».
`Ammar, très en colère, prit ensuite la parole: «Qu'Allah
ne sympathise pas avec celui qui t'a causé ce malheur et qu'IL prive
de repos celui qui t'a mis dans le malaise. O Abû Tharr! Par Allah,
si tu avais souhaité le monde de ceux qui adorent ce monde, ils
ne t'auraient pas expulsé, et si tu avais approuvé leur conduite,
ils auraient sympathisé avec toi. Quand tu restes ferme dans ta
foi, les assoiffés de ce monde s'inquiètent. Toi, tu ne t'inquiètes,
pas sachant qu'Allah est avec toi. Ce sont les amoureux de ce bas-monde
qui subissent la plus grande perte».
Puis d'autres prononcèrent leurs discours d'adieu.
Après avoir écouté tous ces témoignages
de sympathie et d'amitié, Abû Tharr éclata en sanglot
et dit: «O Membres bénis de la Famille d'Ahl-ul-Bayt! Lorsque
je vous vois, je me rappelle le Saint Prophète et la bénédiction
m'entoure. Vous seuls, étiez la source de consolation et de réconfort
pour moi à Médine. Chaque fois que je vous vois, je retrouve
la joie du coeur et la tranquillité de l'esprit. De même que
je représentais un fardeau pour `Othmân à Hijâz,
de même je suis devenu le fardeau de Mu`âwiyeh en Syrie. Donc
`Othmân n'aime pas m'envoyer à Basrah ou en Egypte, car son
frère de lait, `Abdullâh Ibn Sarah est le gouverneur d'Egypte,
et le fils de sa tante maternelle, `Abdullâh Ibn `Âmer est
le gouverneur de Basrah. Et le voilà qui m'envoie à un endroit
dans le désert où je n'ai comme soutien qu'Allah. Par Allah,
je sais qu'Allah Seul est mon secours, et pour Lui, je ne me soucie d'aucun
désert.»
Après avoir prononcé ce discours, Abû Tharr qui
était devenu vieux et faible, leva les mains vers le ciel et dit:
«O Allah! Sois Témoin que je suis l'ami des Ahl-ul-Bayt et
que je le serai toujours - par amour de Toi et de la Vie future - et que
même si on me coupait en pièces pour que je renonce à
leur amour, je ne le ferais pas».
`Ali prit la parole et dit: «O Abû Tharr! Qu'Allah te
couvre de Sa Miséricorde. Nous savons très bien que la raison
de tes déplacements forcés d'un pays à l'autre, est
ton amour pour nous, les Membres de la Famille du Saint Prophète».(116)
A leur retour à Médine, ces personnages illustres, dont
la plupart avaient compté parmi l'entourage immédiat du Saint
Prophète, durent faire face au mécontentement de `Othmân.
Al-A`thâm al-Kûfî écrit à ce propos:
«Abû Tharr se mit en route vers Rabdhah. `Ali et les autres
Compagnons retournèrent à Médine. Le Calife convoqua
`Ali et lui demanda pourquoi il était sorti de Médine, avec
un groupe de Compagnons pour dire adieu à Abû Tharr, en violation
des ordres du Calife. `Ali lui demanda s'il était tenu de se conformer
aux ordres du Calife, quand bien même ces ordres entraient en conflit
avec la nécessité d'obéir aux Ordres d'Allah et à
la Vérité! Puis, il jura par Allah qu'il ne le ferai jamais»(117).
Chapitre 20
Un sort pathétique
Abû Tharr se retrouva à Rabdhah dans une solitude totale
et dans l'isolement absolu. Dans ce coin du désert, personne ne
se souciait de lui et personne ne s'enquérait de la condition dans
laquelle il vivait. Il était livré à lui-même.
Tout pouvait lui arriver et personne ne se trouvait à proximité
pour venir à son secours. Il n'y avait rien ni personne pour le
réconforter, le soulager, le consoler. S'il y avait eu au moins
sa famille avec lui, la solitude aurait pesé, certainement, moins
lourd. Mais voilà, de déportation en exil, il était
contraint de laisser sa famille derrière lui. Les ordres du Calife
en avaient décidé ainsi. Lorsqu'il avait été
amené de Syrie à Médine, on n'avait pas laissé
partir les siens avec lui. Et puis, à Médine aussi on ne
voulait pas de lui et avant de pouvoir faire venir sa famille, il fut banni
pour toujours dans ce lieu reculé du désert.
`Abdul-Hamîd Jawdat al-Sahar écrit que lorsque Mu`âwiyeh
apprit la nouvelle de la déportation d'Abû Tharr, il envoya
sa femme à Rabdhah. En quittant sa maison, elle portait pour tout
bagage un seul sac. Mu`âwiyeh, en la voyant avec son sac dit aux
gens d'un air moqueur: «Regardez les biens du prêcheur de l'austérité!».
La femme d'Abû Tharr répliqua: «Ce sac ne contient que
quelques pièces de monnaie. Il n'y a ni dirhams ni dinars. Et ces
pièces suffisent à peine à couvrir nos dépenses».
Lorsqu'elle arriva enfin à Rabdhah, elle constata qu'Abû Tharr
y avait déjà construit une "mosquée".
Divers historiens ont mentionné la construction d'une "mosquée"
à Rabdhah par Abû Tharr. On peut se référer
à cet égard aux livres d'al-Tabarî, d'Ibn al- Athîr
et d'Ibn Khaldûn. Al-Tabarî écrit qu'Abû Tharr
avait tracé une ligne de mosquée et il accomplissait ses
prières à cet endroit, tout comme de nos jours, les gens
dégagent un terrain dans la forêt et appelle cet endroit mosquée.
Ce n'était pas vraiment une mosquée, et il lui aurait été
impossible de construire une mosquée comme on en fait aujourd'hui.
Selon `Abdul-Hamîd Jawdat al-Sahar, pendant la saison de Hajj, lorsque
les gens passaient par Rabdhah, ils priaient dans la mosquée d'Abû
Tharr. Cela montre que Rabdhah était vraiment un lieu sans habitants.
Autrement, s'il y avait eu une population, on aurait mentionné dans
quelques livres d'histoire que des gens accomplissaient leurs prières
dans ladite mosquée, tout comme ils mentionnent le fait que les
pèlerins de passage y priaient.
Al-`Allâmah al-Subaytî écrit qu'Abû Tharr était
dans une condition d'isolement telle à Rabdhah qu'il vivait totalement
coupé du monde et, sauf à des rares occasions où un
voyageur passait par son coin, il ne pouvait espérer rencontrer
personne. Dans le désert plat où il était assigné,
il ne trouvait même pas un abri pour s'y réfugier. Il vivait
sous un arbre qui se trouvait là. Il n'avait pas un coin spécifique
pour préparer son repas. Des herbes vénéneuses poussaient
partout autour de lui qui finirent par causer sa mort et celle de sa femme»
("Abû Tharr al-Ghifârî", p. 165, imprimé à
Najaf, 1364 H.).
Al-Subaytî attribue la raison du bannissement d'Abû Tharr
à un tel endroit, uniquement au souci de `Othmân de mettre
fin à ses prêches et pour que personne ne puisse plus entendre
ses discours et ses paroles qui charmaient les gens. Tout ce qu'il disait
respirait la vérité, ce qui ébranlait la fondation
du gouvernement.
En un mot, Abû Tharr vivait avec sa famille à Rabdhah dans
une gêne extrême. Sans âme qui vive, sans amis ni voisins,
dans un désert inhospitalier, il ne trouvait rien qui puisse égayer
son coeur. Mais heureusement, il restait toujours des gens honnêtes
et sincères qui avaient beaucoup d'estime pour lui, et qui, malgré
l'état de disgrâce dans lequel il se trouvait, venaient de
temps en temps lui rendre visite.
Selon l'historien al-Wâqidî, Abul-Aswad al-Duaylî
a raconté:
«J'avais une envie irrésistible de rendre visite à
Abû Tharr pour lui demander la raison de son exil. Je suis allé
donc le voir à Rabdhah et je lui ai demandé s'il avait quitté
Médine de son propre gré ou s'il en avait été
expulsé de force. Il m'a donné comme réponse:
"Frère! Quand j'avais été déporté
en Syrie, j'avais pensé que j'allais à un territoire important
des Musulmans. Et une fois sur place, j'étais content d'être
là-bas. Mais on m'a vite retiré le permis de séjour
dans ce pays et on m'a renvoyé à Médine. Lorsque je
suis arrivé à cette ville, je me suis consolé avec
l'idée qu'après tout j'étais dans la ville vers laquelle
j'avais émigré et dans laquelle j'avais eu l'honneur d'être
le Compagnon du Saint Prophète. Mais hélas, là encore,
ma satisfaction fut de courte durée, puisqu'on n'a pas tardé
à m'en expulser et me bannir dans cet endroit où tu me vois
(....) O Abul-Aswad! Ecoute ce que je vais te raconter: Un jour, du vivant
du Messager d'Allah, je dormais dans la Mosquée du Prophète.
Par hasard, le Messager D'Allah y est entré. Il m'a réveillé
en disant: "O Abû Tharr! Pourquoi dors-tu dans ce masjid?".
"J'ai eu sommeil, et je me suis endormi" ai-je répondu. "Dis-moi!
Que feras-tu lorsqu'on t'expulsera de cette mosquée?" m'a demandé
le Saint Prophète. "J'irai alors en Syrie, car il y a dans ce pays
des signes de l'Islam, et de plus c'est un lieu de Jihâd", ai-je
répondu. "Et que feras-tu lorsqu'on t'expulsera de cet endroit
aussi?" m'a-t-il demandé encore. "Je dégainerai mon épée
et je couperai la Tête de celui qui voudra m'en expulser" ai-je dit.
"Je te donne un meilleur conseil. Laisse faire, lorsqu'on viendra t'expulser,
accepte ce qu'on te demande de faire et ne résiste pas", m'a
recommandé le Prophète.
»O Abul-Aswad! Je me suis conformé donc au conseil du Saint
Prophète et j'ai fait ce qu'on m'a demandé de faire. Je continue
d'obéir à ce qu'on me demande. Par Allah, Allah se vengera
de `Othmân pour ce qu'il m'a infligé, et il sera établi
dans la Cour d'Allah qu'il a commis le pire des péchés dans
son attitude envers moi".(118)
«Pendant le séjour d'Abû Tharr à Rabdhah,
l'un de ses visiteurs lui demanda:
- «O Abû Tharr! N'as-tu aucune richesse?»
- «Ma richesse ce sont mes actes»,répodit Abû
Tharr.
- «Je parle de richesse matérielle, et je te demande si
tu ne possèdes aucune richesse de ce genre?», insista le visiteur.
-«Je n'ai jamais passé une journée ni une nuit avec
un trésor ou une richesse matérielle sur moi, affirma Abû
Tharr. Car, ajouta-t-il, j'ai entendu le Saint Prophète dire: "Le
trésor de l'homme, c'est sa tombe, c'est-à-dire que la richesse
de ce monde n'est rien, et que seule compte sa conduite, laquelle doit
être correcte, car elle sera utile partout et spécialement
dans la tombe. La richesse de ce monde reste dans ce monde (personne ne
peut l'emporter avec soi), alors que la bonne conduite te sert dans l'autre
Monde"»(119).
Al-`Allâmah al-Majlici, citant al-Cheikh al-Mufîd qui cite
à son tour Abû Amamah al-Bahilî(120),
écrit qu'après son arrivée à Rabdhah, Abû
Tharr avait écrit son expérience tragique à Huthayfah
Ibn al-Yamân(121), le Compagnon
du Prophète qui se trouvait probablement à Kûfa. Dans
cette lettre il lui donnait quelques conseils et décrivait les ennuis
et les difficultés qu'il avait rencontrés. Ci-après
le contenu de sa lettre:
Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux
Cher Huthayfah,
Je t'écris pour te demander de craindre Allah tellement que cette
crainte fasse couler tes larmes à flot. O frère! Renonce
à ce monde pour l'amour d'Allah. Veille toute la nuit en adorant
Allah, et fait travailler dur ton corps et ton âme sur le Chemin
d'Allah. Ce sont là des pratiques utiles. O frère! Il est
nécessaire, pour un homme qui sait que quiconque déplaît
à Allah aura l'Enfer pour demeure éternelle , de se détacher
des conforts de ce monde, de veiller toute la nuit pour Allah et d'endurer
les difficultés sur Son Chemin. O frère! Il est essentiel,
pour un homme qui sait que l'obtention de la satisfaction d'Allah est la
voie qui conduit au Paradis, d'essayer constamment de Le satisfaire en
vue d'atteindre la délivrance et la félicité. O frère!
On ne doit pas se soucier de la séparation de sa famille, si c'est
pour le plaisir d'Allah. Seul le plaisir d'Allah assure le Paradis. Si
Allah est content de nous, toutes nos affaires seront sanctionnées
par le succès et la Vie Future nous sera un agrément. Si
Allah est mécontent de nous, il sera difficile pour nous de nous
attendre à une fin heureuse. O Mon Frère! Celui qui désire
être en compagnie des Prophètes et des Saints au Paradis doit
façonner sa vie comme je l'ai fait et se conduire comme je viens
de le mentionner ci-dessus. O Huthayfah! Tu es l'un de ceux pour qui j'éprouve
un plaisir de faire part de mes peines et de mes souffrances. En fait,
c'est une consolation pour moi que de te raconter ce qui m'est arrivé
et ce qui m'arrivera.
O Huthayfah! J'ai vu de mes propres yeux la tyrannie des tyrans et j'ai
entendu de mes propres oreilles leurs paroles offensantes. J'étais,
par conséquent, obligé d'exprimer mon opinion à propos
de telles paroles indignes et de dire aux tyrans qu'ils avaient absolument
tort de faire ce qu'ils avaient fait. Il s'en est suivi que ces gens injustes
m'ont privé de tous mes droits fondamentaux. Ils m'ont expulsé
d'une ville à l'autre, m'ont conduit d'un endroit à l'autre,
et m'ont séparé de mes frères et de mes proches parents.
O Huthayfah! Ils ont bouleversé mon existence, et le pire de tout,
ils m'ont privé même du plaisir de visiter le mausolée
du Saint Prophète.
O Huthayfah! Je déballe devant toi mes souffrances, mais je crains
que le fait de parler de mes malheurs ne prenne la forme d'une plainte
contre Allah. Huthayfah! J'admets que toute décision que mon Seigneur
et mon Créateur prenne me concernant, est juste. Je me plie devant
Son Commandement. Que ma vie soit sacrifiée sur Son Chemin. Je désir
Son Plaisir. Je t'écris tout cela afin que tu pries Allah pour moi
et pour tous les Musulmans dévoués.
Abû Tharr
On ne sait pas comment Abû Tharr avait envoyé cette lettre
à Huthayfah Ibn al-Yamân. Mais lorsque celui-ci lut la lettre
ses yeux débordèrent de larmes. Il se rappela les prédictions
du Saint Prophète concernant Abû Tharr. Ce qui l'émut
le plus, c'était l'exil et la solitude de ce Compagnon illustre
du Messager d'Allah. Angoissé par la condition d'Abû Tharr
après la lecture de la lettre, il prit tout de suite un crayon et
se mit à rédiger la réponse:
Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux
J'ai reçu ta lettre et vient de connaître ta situation.
Tu m'as effrayé au sujet du Jour du Jugement et tu m'as persuadé
de la nécessité de faire certaines choses pour améliorer
ma conduite pour en vue de me préparer au retour vers Allah.
O Frère! Tu étais toujours un bon conseiller pour moi
et pour tous les Musulmans, et très sympathique et bon envers tout
le monde. Tu te souciais toujours du bien-être de chacun de nous.
Tu montrais toujours la voie de la vertu aux gens et tu leur interdisais
tout le temps de s'adonner au mal. Evidemment, la Guidance est le droit
exclusif d'Allah. Il délivre qui IL veut et cette délivrance
dépend de Sa Satisfaction. Je prie Allah d'accorder Sa Clémence
et Ses Bénédictions à moi-même, à Ses
serviteurs élus, ainsi qu'à tous les Musulmans.
Je viens d'apprendre par ta lettre, les choses surprenantes qui t'ont
frappé, à savoir ton bannissement de ta ville, ton abandon
dans un pays étranger, sans amis ni appuis, et ton expulsion de
ta maison.
Abû Tharr! Les nouvelles de tes souffrances ont déchiré
mon coeur en petits morceaux, et les tourments que tu vis actuellement
sont très affligeants. Mais je suis désolé de t'informer
que je ne pourrais rien faire pour toi d'ici. Combien je souhaite racheter
les calamités qui te frappent avec tout ce que je possède.
Par Allah, si c'était possible, je sacrifierais tout ce que j'ai
pour toi. O Abû Tharr! Hélas! Tu as des ennuis et je ne peux
rien faire. Par Allah! S'il était pssible pour moi de partager tes
souffrances, je n'aurais pas hésité un instant de le faire.
Que c'est pénible pour moi de ne pas pouvoir te rencontrer.
Il est difficile de te rejoindre. Si ces gens cruels acceptaient de
me faire partager ton sort, je serais heureux de prendre sur moi tes difficultés.
Mais hélas! Rien de cela n'est possible.
O Abû Tharr! Ne t'en fais pas. Allah est ton Soutien. IL voit
tout ce qui t'arrive. Frère! Il est nécessaire pour chacun
de nous, toi et moi, d'invoquer Allah et de L'implorer de nous récompenser
et de nous sauver de la punition éternelle. O frère! Le temps
où nous serons rappelés, toi et moi, par Allah vers Lui n'est
pas loin.
O frère! Ne t'inquiète pas des calamités qui se
sont abattues sur toi. Prie Allah pour qu'IL t'accorde Sa récompense.
O frère! Je considère que la mort est bien meilleure que
la vie d'ici-bas. Maintenant, il est temps pour nous de quitter ce monde
de transition, car les troubles vont se succéder.(122)
Ces troubles iront en s'aggravant et finiront par éliminer les gens
vertueux de ce monde. Lors de ces troubles, les épées resteront
dégainées et la mort sera partout présente autour
des gens. Quiconque lèvera la tête, pendant ces troubles,
sera certainement décapité. Aucune des tribus des villes
et du désert de l'Arabie ne sera à l'abri. A cette époque-là
les gens les plus cruels auront la main haute sur les gens les plus révérés,
et les gens les plus pieux seront rabaissés. Qu'Allah nous sauve
des calamités de cette époque-là.
O Abû Tharr! Je prie Allah pour toi tout le temps. Qu'Allah nous
couvre de Sa Miséricorde et qu'IL nous protège de l'arrogance
dans l'adoration. IL détient entre Ses Mains notre destin. Nous
attendons toujours Sa Générosité.
Que la Paix soit sur toi
Huthayfah (123)
Les historiens rapportent qu'au moment où Abû Tharr passait
ses jours avec sa famille, à Rabdhah, son fils Tharr tomba subitement
malade. Il n'y avait, bien entendu, aucun médecin dans cet endroit
désertique et on ne pouvait s'attendre à un traitement autre
que celui d'Allah. Mais sa maladie s'aggrava jour après jour, et
la mort s'approchait chaque instant un peu plus. Sa mère en détresse,
leva la tête de son fils, posée sur la sable et la déposa
sur son genou. Il rendit, ainsi, le dernier soupir. Elle et ses filles
se mirent à pleurer. Abû Tharr était profondément
touché, mais sa confiance illimitée en Allah le consola.
Il put, ainsi, se contrôler sans verser de larmes. Comme on était
en plein désert, il n'y avait pas de service funéraire. L'histoire
ne nous apprend pas comment Abû Tharr inhuma son fils, mais on sait
par une source authentique, ce qu'il fit après l'enterrement et
comment il exprima ses sentiments. Al-Muhaddith Ya`qûb Kulaynî
écrit à ce sujet: «Lorsque le fils d'Abû Tharr,
Tharr, mourut, son père posa sa main sur sa tombe et dit: «O
mon fils! Qu'Allah t'entoure de Sa Miséricorde. Tu étais
un fils digne de moi. Tu es mort alors que j'étais heureux avec
toi. Tu dois savoir que, par Allah, je n'ai souffert d'aucune perte avec
ta mort, et que je n'ai besoin de personne en dehors d'Allah. O fils! S'il
n'y avait pas d'horreurs après la mort, j'aurais été
heureux en te déposant dans la tombe. Mais le fait que je pleure
ta mort aujourd'hui, t'aura épargné, du moins, la douleur
de pleurer la mienne demain. Par Allah, je n'ai pas pleuré sur ta
mort, mais ce sont tes souffrances qui m'ont fait pleurer. J'aurais tellement
aimé savoir ce qu'on t'aura demandé (pendant l'interrogatoire
qui suit la mort) et ce que tu y auras répondu! O Allah! Je lui
pardonne les droits que j'avais sur lui. O Mon Nourricier! Je T'implore
de lui pardonner Tes droits sur lui, car, Tu pardonnes plus facilement
que moi» ("Uçûl al-Kâfî").
Cheikh `Abbâs al-Qummî écrit dans son livre "Safînat
al-Najât" (Vol. 1, p. 483) que les mêmes mots qu'avait prononcés
Abû Tharr sur la tombe de son fils Tharr, ont été lus
par l'Imam al-Çâdiq sur la tombe de son fils Ismâ`îl.
Abû Tharr n'avait pas encore oublié la mort de son fils,
lorsque, sa femme aussi mourut. Selon al-`Allâmah `Abdul-Hamîd,
Abû Tharr et les membres de sa famille vivaient dans dans un dénouement
tel et dans des conditions si difficiles qu'ils n'avaient pratiquement
rien à manger, si ce n'était de temps en temps un petit morceau
de viande de chameau égorgé pour les fonctionnaires(124).
Ils mangeaient généralement des herbes ou autres choses semblables,
ces jours-là. Une fois, la femme d'Abû Tharr mangea des herbes
vénéneuses qui lui causèrent une maladie des suites
de laquelle elle mourut(125). Abû
Tharr lui aussi se sentit mal après avoir mangé ces herbes.
Après la mort de sa femme, Abû Tharr devait vivre dans
une solitude encore plus perceptible. Il lui restait seulement une fille
vivant avec lui dans cet immense désert silencieux et plat. Lorsque
des gens campant non loin de Rabdhah avaient appris la maladie d'Abû
Tharr, certains d'entre eux vinrent le voir. Selon la fille d'Abû
Tharr, ils lui dirent: «O Abû Tharr! De quoi souffres-tu et
de quoi te plains-tu?». Abû Tharr répondit: «Je
me plains de mes péchés». Ils demandèrent: «Ne
désires-tu pas quelque chose?». Il répondit: «Si,
je désire avoir la Miséricorde d'Allah». Ils demandèrent
encore: «Si tu le désires, nous pouvons appeler un médecin».
Il dit: «Allah est le Médecin Absolu. Aussi bien la maladie
que son remède font partie de Son Pouvoir. Je n'ai donc pas besoin
de médecin»(126). Il était
certain de sa mort.
Al-Majlicî, citant Sayyid Ibn Tâwûus, rapportant le
récit suivant de Mu`âwiyeh Ibn Tha`labah: «Lorsque l'état
de santé d'Abû Tharr s'était détérioré
à Rabdhah et que nous avons appris cette nouvelle, nous avons quitté
Médine pour nous enquérir de sa condition. Nous lui avons
demandé de faire son testament. Il a répondu que quelque
soit son testament, il l'avait déjà fait devant le Commandeur
des Croyants.
«Nous lui avons demandé: «Qu'entends-tu par "Commandeur
des Croyants", le Calife `Othmân?». «Jamais! J'entends
par "Commandeur des Croyants" quelqu'un qui est le légitime Commander
des Croyants. O Ibn Tha`labah! Ecoute-moi! Abû Turâb (surnom
de l'Imam Ali ibn Abî Tâlib) `Ali est la fleur de la terre.
Il est le savant divin de la Ummah. Ecoute! Tu verras des choses abominables
après sa mort». Je lui ai dit: «O Abû Tharr! Nous
constatons que tu te fais l'ami de ceux que le Prophète avait aimés».
Peut-être conviendrait-il maintenant de parler un peu de Rabdhah,
le coin de désert, dans lequel Abû Tharr fut confiné
avec l'interdiction d'aller au-delà des limites de cet endroit.
Les historiens s'accordent pour dire que Rabdhah est située à
une distance de trois mille de Médine, et près de Thât
al-Araq, sur la route de Hijâz, et qu'elle n'était, à
cette époque-là, rien d'autre qu'une étendue désolée.
Cheikh Mohammad `Abdû écrit dans la note en bas de la page
17 du Vol. 2 de "Nahj al-Balâghah" que Rabdhah est un endroit près
de Médine, où se trouve la tombe d'Abû Tharr. Ibn Abil-Hadîd
note que la déportation d'Abû Tharr à Rabdhah était
l'une des causes de la révolte des Musulmans contre `Othmân.
Il ne fait pas de doute qu'Abû Tharr avait atteint le plus haut
degré de la sincérité et de la fidélité
aux engagements pris. Il avait dans la mémoire, jusqu'au dernier
moment de sa vie, la promesse, qu'il avait faite au Saint Prophète,
de dire la vérité sans se soucier d'aucun reproche.
Châh Waliyyollâh Dehlavî écrit que le Saint
Prophète avait l'habitude de prendre aux gens le serment d'allégeance
de différentes sortes, c'est-à-dire qu'il leur demandait
de promettre de participer au Jihâd, de renoncer à l'innovation,
d'établir les Lois islamiques, de dire la vérité etc.
("Chifâ' al-`Alîl").
Le serment qu'il avait pris d'Abû Tharr était de dire la
vérité. Abû Tharr agira, conformément à
cet engagement, après avoir pris pleinement conscience de toutes
ses implications. Comment, par ailleurs, aurait-il pu faire autrement,
alors qu'il avait acquis la conviction absolue que tout ce qu'il faisait
était totalement conforme à la Volonté d'Allah et
aux intentions du Saint Prophète(127).
Ce faisant, il ne craignit jamais ni la terreur du gouvernement ni les
ennuis qu'il risquait. Il endura toutes sortes d'oppression et supporta
toutes les exations, mais ne renonça jamais à dire la vérité,
jusqu'à ce qu'il fût banni deux fois. Son dernier exil fut
d'une sévérité incomparable. Il fut assigné
à résidence dans un désert aride, ayant pour tout
refuge et foyer un arbre sous lequel il passait ses journées et
ses nuits. Le sol était son lit et les feuilles de l'arbre son toit.
Mais avec son courage indéfectible et sa détermination sans
limite, Abû Tharr sut supporter toutes les difficultés de
la satisfaction par amour pour d'Allah. Sa femme et son fils étant
décédés sous ses yeux et dans ce lieu inhospitalier,
il attendait, résigné, que son tour arrivât pour les
rejoindre et quitter ce monde où il souffrait le martyre. En attendant,
il assistait, impuissant, à la solitude de sa jeune fille, perdue
dans un désert hostile, affligée par la disparition de sa
mère et de son frère et angoissée par la condition
de son père vieillissant.
Les derniers jours de la vie d'Abû Tharr s'approchèrent.
Il les passait en prières, alors que les signes de la mort marquaient
ses traits, Sa fille le contemplait, désarmée et angoissée.
Son père mourait et elle ne pouvait rien faire pour le sauver ou
tout au moins le soulager. Il était dur pour une fille à
qui, il ne restait dans le monde qu'un seul être envers lequel elle
éprouvait un immense amour, de croiser les bras et d'attendre sa
mort.
Nous reproduisons ci-après le récit de la mort d'Abû
Tharr tel qu'il fut raconté par sa fille(128)
, et tel qu'il est rapporté par al-`Allâmah al-Majlicî:
«Nous passions les jours avec des souffrances indicibles dans
le désert. Il nous est arrivé, un jour, de n'avoir rien à
manger. Nous avions beau chercher autour de nous, nous n'avons rien trouvé.
Mon père, bien que très malade et souffrant m'a dit: «Ma
fille! Pourquoi es-tu si angoissée aujourd'hui?». J'ai répondu:
«Papa! J'ai très faim, et la faiblesse s'est emparée
de toi aussi à cause de la faim extrême. J'ai fait tout ce
que je pouvais pour obtenir quelque chose à manger, mais je n'ai
rien trouvé qui puisse me faire honneur devant toi». Abû
Tharr m'a rassurée: «Ne t'en fais pas! Allah est le Grand
Pourvoyeur de nos besoins». J'ai dit: «Papa! Ce que tu dis
est vrai, mais il n'y a rien en vue pour la satisfaction de nos besoins
pressants». Il m'a demandé: «O Ma fille! Tiens-moi par
l'épaule et allons vers telle et telle autre directions. Peut-être
y trouverons-nous quelque chose». Je l'ai pris par la main et nous
nous sommes mis à marcher dans la direction qu'il m'avait indiquée.
Chemin faisant, il m'a demandé de le faire s'asseoir sur le sable
brûlant. Il a amassé un peu de sable en guise d'oreiller,
y posa la tête et s'allongea par terre.
«Dès qu'il s'est allongé à même le
sol, ses yeux ont commencé à tourner et les signes de l'agonie
se sont manifestés. En le voyant dans cet état, je me suis
mise à crier d'une voix enrouée. Mon père s'est efforcé
alors de se contrôler et m'a dit: «Pourquoi cries-tu ainsi,
ma fille?». J'ai demandé: «Mais que puis-je faire d'autre,
père? L'immense désert silencieux nous entoure et je ne vois
aucun homme dans cette étendue. Je n'ai pas de linceul pour t'envelopper
et il n'y a pas de fossoyeur ici. Que ferai-je si tu rends ton dernier
soupir dans cet endroit désolé?».
«Il a pleuré en me voyant ainsi sans ressources et m'a
dit: «Ne sois pas inquiète. Mon ami (= Le Saint Prophète)
pour l'amour duquel et de sa Famille j'ai enduré toutes ces difficultés
m'avait informé d'avance sur ce qui va m'arriver. Ecoute! O ma chère
fille! Il avait dit devant un groupe de ses Compagnons, à l'occasion
de la Bataille de Tabûk que l'un d'eux mourrait dans le désert
et qu'un groupe de Croyants y iraient pour s'occuper de ses funérailles
et de son enterrement. Maintenant, aucun d'entre eux(129)
n'est encore vivant, excepté moi. Ils sont tous morts dans des lieux
peuplés. Je suis donc le seul survivant du groupe et je me trouve
de plus dans un désert plat en train d'agoniser. Ma charmante fille!
Lorsque je serai mort, couvre-moi avec un voile et assieds-toi sur la route
menant vers l'Irak. Un groupe de croyants passeront par cette route. Informe-les
qu'Abû Tharr, le Compagnon du Prophète est mort et demande-leur
de s'occuper de mon enterrement».
«Alors qu'il me parlait ainsi, l'ange de la mort lui est apparu.
Lorsque mon père le vit, son visage s'est empourpré et il
dit: «O ange de la mort! Où étais-tu jusqu'à
maintenant? Je t'attendais. O mon ami! Tu es venu à un moment où
j'ai un grand besoin de toi. O ange de la mort! Que celui qui n'est pas
heureux de te voir ne connaisse jamais la délivrance. Pour l'amour
d'Allah! Prends-moi vite vers Allah le Plus Miséricordieux pour
que je sois délivré des souffrances de ce monde».
«Il s'est adressé ensuite à Allah: "O mon Nourricier!
Je jure par Ton Etre - et Tu sais que je dis la vérité -
que je n'ai jamais abhorré la mort et que j'ai toujours désiré
Te rencontrer".
«Puis la sueur de la mort apparut alors sur le front de mon père,
et en me regardant, il tourna le dos à ce monde pour toujours. Nous
sommes à Allah et nous retournons à Lui».(130)
«Lorsque mon père est mort, j'ai couru en criant vers la
route menant vers l'Irak. Et alors que j'étais assise là
en attendant l'arrivée du groupe, comme me l'avait prédit
mon père, je fus subitement frappé d'une angoisse: "comment
j'avais pu laisser le corps de mon père tout seul". Je courus donc
vers le corps. Mais là, je pensai qu'il fallait que je retourne
vers la route de l'Irak pour ne pas manquer le passage du groupe de croyants
dont m'avait parlé mon père. J'effectuais ce va-et-vient
plusieurs fois. Puis, soudain je vit venir des gens montés sur des
chameaux. Lorsqu'ils s'approchèrent, je courus vers eux, les yeux
débordant de larmes, et je leur dit: «O Compagnons du Prophète!
Un Compagnon du Prophète vient de mourir». Ils me demandèrent
qui il était. Je répondis: «Abû Tharr al-Ghifârî».
Dès qu'ils entendirent ce nom, ils descendirent des chameaux et
m'accompagnèrent en pleurant. Lorsqu'ils arrivèrent au niveau
du corps, ils se lamentèrent et semblèrent très affligés
par sa mort. Ils s'occupèrent tout de suite de ses funérailles».
L'historien, A`tham al-Kûfî affirme que ce groupe de Compagnons
qui se dirigeaient vers l'Irak comprenaient notamment Ahnaf Ibn Qays Tamîm,
Ça`ça`ah Ibn Sawhan al-`Abdî, Khârijah Ibn Satat
al-Tamîmî, `Abdullâh Ibn Musaylamah al-Tamîmî,
Hilâl Ibn Mâlik Nazle, Jarîr Ibn `Abdullâh al-Bajalî,
Mâlik Ibn al-Achtar Ibn Hârith etc. Ils lavèrent et
enveloppèrent le corps. Et après l'enterrement, Mâlik
Ibn al-Achtar, se mettant à côté de la tombe d'Abû
Tharr, prononça un discours dans lequel il évoqua les ennuis
et les supplices de cet auguste Compagnon. Ainsi, après avoir fait
les louanges du Tout-Puissant Allah, il dit:
«O Allah! Abû Tharr était un Compagnon de Ton Messager
et un adepte de tes Livres et de tes Prophètes. Il a combattu très
courageusement sur Ton Chemin, et est resté très ferme dans
son attachement à Tes Lois. Il n'a jamais changé ni déformé
aucun de Tes Commandements.
«O Seigneur! Ayant remarqué qu'il y avait des transgressions
du Livre et de la Tradition (du Saint Prophète), il avait élevé
la voix pour attirer l'attention des responsables de la Ummah sur la nécessité
de corriger leur pratique. Il s'en est suivi qu'ils l'ont torturé,
conduit d'un exil à l'autre, humilié, expulsé de la
ville de Ton cher Prophète et soumis aux pires supplices. A la fin,
il a rendu l'âme dans la solitude et dans un désert vide.
«O Allah! Accorde à Abû Tharr une large part des
bénédictions que tu as promises aux croyants et venge-Toi
de celui qui l'a banni de Médine, en lui infligeant sans atténuation
la punition qu'il mérite».(131)
Mâlik al-Achtar pria pour l'âme d'Abû Tharr dans son
discours, et tous ceux qui étaient présents répondirent:
«Ammîn" (Qu'il soit ainsi).
Lorsqu'ils terminèrent les cérémonies funéraires,
la nuit était tombée. Ils passèrent leur nuit sur
place et ne repartirent que le lendemain matin.(132)
Après le départ de ce groupe de Compagnons, la fille d'Abû
Tharr resta à Rabdhah conformément à la volonté
du défunt. Quelques jours plus tard, le Calife `Othmân la
rappela et l'envoya chez elle(133).
Pendant qu'elle était encore à Rabdhah, la fille d'Abû
Tharr fit un rêve, une nuit, dans lequel elle vit son père
assis et récitant le Saint Coran. Elle lui dit: «Papa! Que
t'est-il arrivé et dans quelle mesure as-tu pu bénéficir
de la Miséricorde d'Allah? Il lui répondit: «O ma fille!
Allah m'a accordé une faveur illimitée, m'a offert tous les
conforts et m'a assuré tout ce dont je pourrais avoir besoin. Je
suis comblé de Sa Générosité. Il est de ton
devoir de t'occuper tout d'abord et avant tout, de l'adoration d'Allah,
comme d'habitude, et de ne te laisser habiter par aucun sentiment de fierté
ou d'arrogance».
Les historiens sont unanimes pour dire qu'Abû Tharr mourut le
8 Thulhajjah de l'an 32 H. à Rabdhah, à l'âge
de 85 ans.
Chapitre 21
Les péripéties du soulèvement des mécontents
contre `Othmân
Après avoir subi continuellement toutes sortes d'oppression,
souffert constamment de diverses tortures et persécutions et connu
successivement plusieurs exils, et déportations, Abû Tharr
quitta ce monde éphémère à Rabdhah, son dernier
lieu de bannissement, mais le récit de son amour pour Allah et pour
le Prophète reste encore gravé dans les mémoires et
le restera sans doute toujours. Ses discours et ses prêches qui reflètent
sa véracité, sa droiture, sa sincérité et sa
piété émeuvent encore les coeurs des croyants. Abû
Tharr reste vivant à travers sa personnalité exemplaire et
sa conduite courageuse et il demeurera immortel par les principes qu'il
défendait si chèrement.
Personne ne conteste qu'il mourut sur le Chemin d'Allah. Il souffrit
le martyre et supporta l'insupportable uniquement pour défendre
la vérité, établir et propager les principes authentiques
de l'Islam dans l'Etat islamique. Mais il est regrettable que ceux qui
lui avaient causé tant de souffrances n'eussent pas eu de remords
après sa mort. En témoigne le récit ci-après,
rapporté par l'historien du 3e siècle de l'Hégire,
`Ali Ibn al-A`tham al-Kûfî:
«Lorsque les nouvelles de la mort d'Abû Tharr parvinrent
à `Othmân, `Ammâr Ibn Yâcer qui était près
de lui dit: «Qu'Allah entoure de Sa Miséricorde Abû
Tharr. O Allah! Atteste que nous prions de tout notre coeur et de toute
notre âme pour qu'il soit couvert de Miséricorde. O Allah!
Pardonne-lui».
»Dès que `Othmân entendit ces mots de condoléances,
il perdit son sang froid et dit: «Idiot! Tu connaîtras le même
sort. Ecoute-moi. Je n'ai pas honte de l'exil d'Abû Tharr et de sa
mort dans le désert». `Ammâr répliqua: «Par
Allah! Je ne finirai pas de la sorte».
»La réaction de `Othmân à cette réplique
fut d'ordonner immédiatement à ses courtisans: «Mettez-le
à la porte, expulsez-le de Médine et envoyez-le au même
endroit où a été envoyé Abû Tharr. Faites
en sorte qu'il y mène la même vie qu'Abû Tharr et ne
le laissez pas revenir à Médine tant que je resterai vivant».
»`Ammâr rétorqua:«Par Allah! Je préfère
être près des loups et des chiens que de toi» et il
s'en alla chez lui.
»Lorsque les Banî Makhzûm - la tribu de `Ammâr
apprirent la nouvelle de la décision du Calife de bannir `Ammâr
à Rabdhah, ils furent enragés de colère, et se dirent
que `Othmân avait dépassé les limites de la décence.
Ils se réunirent en conseil au terme duquel ils décidèrent
qu'il vaille mieux essayer de parvenir à un compromis avant de s'engager
dans une épreuve de force. Ils allèrent voir, dans ce but,
`Ali, lequel leur demanda: «Pourquoi êtes-vous venus tous me
voir à cette heure-ci?». Ils répondirent: «Nous
avons un problème. Ce Calife a décidé de déporter
`Ammâr de Médine à Rabdhah. Aie la bonté d'aller
le voir pour le persuader, avec des mots gentils, de laisser `Ammâr
tranquille et de ne pas le bannir, afin d'éviter que des troubles
n'éclatent qui seront difficilement domptables».
»L'Imam `Ali les écouta, les conseilla et leur demanda
d'éviter toute action hâtive. Il leur promit: «Je vais
voir le Calife et j'essaierai de résoudre le problème. Je
suis sûr qu'il sera résolu pacifiquement. Je suis pleinement
conscient de la situation. Je le ferai s'aligner sur votre point de vue».
»`Ali se rendit, comme promis, chez `Othmân et lui dit:
«O `Othmân! Tu te montres trop hâtif dans certaines affaires
et tu ignores les suggestions des amis et des conseillers. Tout d'abord
tu as expulsé Abû Tharr de Médine. C'était un
Musulman vertueux, un Compagnon notable du Saint Prophète et le
meilleur des Immigrants. Tu l'as déporté à Rabdhah
où le pauvre est mort dans la solitude. Ce faisant tu as attiré
encore plus l'hostilité des Musulmans envers toi. Maintenant, j'apprends
que tu as décidé de bannir `Ammâr aussi, de Médine.
Ce n'est pas bien. Crains Allah et renonce à la décision
de son bannissement. Pour l'amour d'Allah! Abstiens-toi de chercher des
ennuis aux Compagnons du Prophète et laisse-les vivre en paix».
`Othmân se fâcha en entendant `Ali parler ainsi et lui dit
avec colère: «Tu devrais être le premier à être
banni de Médine, car c'est toi qui causes la ruine d'Abû Tharr
et d'autres».
»Réagissant à ces propos indécents, `Ali
répondit: «O `Othmân! Comment oses-tu avoir de telles
idées sur moi? Tu ne seras pas capable de mettre à exécution
ta menace, même si tu le désires sérieusement, et si
tu ne me crois pas, essaie, tu verras ce qui se passera et tu sauras à
qui tu as à faire. Et puis tu dis que c'est moi la cause de la ruine
de `Ammâr et d'autres! Par Allah! Tous ces désordres sont
de ton fait. Je ne les vois commettre aucune faute. Tu fais des choses
qui sont contraires à la Religion et à la décence.
Les gens ne peuvent plus les tolérer et ils sont en train de se
mettre contre toi. Tu ne dois plus accepter ces choses-là. Tu te
sens offensé par tout le monde et tu réagis en conséquence,
créant des ennuis à tout le monde. Cette attitude est très
éloignée de celle de tes prédécesseurs».
Puis `Ali se releva et partit.
»Lorsque les Bani Makhzûm revinrent voir `Ali pour savoir
ce que le Calife avait dit à propos de leur affaire, il leur conseilla:
«Dites à `Ammâr de rester enfermé chez lui et
de ne pas sortir. Allah le sauvera des mauvaises intentions». `Othmân
fut informé du conseil de `Ali aux Banî Makhzûm et il
renonça à bannir `Ammâr. Zayd Ibn Thâbit dit
à `Othmân: «Si le Calife le désire, nous pouvons
aller voir `Ali pour un échange de vues afin de dissiper le malentendu
entre vous et rétablir les relations normales». Le Calife
répondit: «Vous avez la liberté de le faire».
»Zayd Ibn Thâbit se rendit chez `Ali avec al-Mughîrah
Ibn Ahnas al-Thaqafî. Les deux hommes prirent place, après
avoir salué `Ali. Zayd Ibn Thâbit engagea la conversation
en commençant par lui adresser des compliments: «Personne
dans le monde n'occupe, auprès du Prophète, la même
position que toi que ce soit par le degré de parenté et de
proximité ou par le statut et l'honneur dont tu jouis. Personne
ne peut non plus t'égaler dans ton soutien à l'Islam ni dans
ton ancienneté au sein de cette Religion. Tu es la fontaine de la
vertu et la source de la générosité».
»Après cette introduction élogieuse, Zayd Ibn Thâbit
parla de la véritable raison de sa venue: "O `Ali Ibn Abî
Tâlib! Nous étions chez le Calife `Othmân et il s'est
plaint de toi et dit que parfois tu objectes à ses décisions
et interfères dans des affaires qui relèvent de sa seule
compétence. C'est pourquoi nous avons estimé qu'il serait
sage de t'expliquer les choses afin d'effacer les contrariétés
et les déplaisirs mutuels entre vous, ce qui satisfera tous les
Musulmans".
»`Ali dit: "Par Allah! Tant que cela a été possible
je n'ai objecté à rien ni ne me suis mêlé de
rien. Mais maintenant, la situation a pris une telle tournure qu'il n'est
plus possible de fermer les yeux ni de garder le silence. J'ai dit la vérité
à `Othmân à propos de `Ammâr, et c'est dans son
intérêt, pour sa tranquillité et son bien-être.
C'était de mon devoir de le faire, et je l'ai fait. C'est à
lui de faire maintenant ce qu'il veut".
»Al-Mughîrah Ibn Ahnas prit alors la parole: "O `Ali! Tu
dois accepter ce que le Calife dit ou fait, peu importe que tu sois d'accord
ou non dans ton for intérieur. Tu dois considérer l'obéissance
à ses ordres comme une nécessité impérieuse,
car lui, il a le contrôle sur toi, et toi, tu n'as pas de pouvoir
sur lui. Il nous a envoyés uniquement pour être témoins
de ce que tu dis afin que ce qu'il dise à propos de toi soit désormais
justifié".
»En entendant ces menaces à peine voilées, de Mughîrah
`Ali se mit en colère et dit: "Par Allah, celui que vous soutenez
ne sera jamais honoré et celui que vous mettez en marche ne connaîtra
pas le repos. Allez-vous-en".
»Al-Mughîrah fut sidéré par ce que `Ali venait
de leur dire et il ne put prononcer un seul mot. Mais Zayd Ibn Thâbit
intervint pour réparer la gaffe de son compagnon: "O `Ali! Al-Mughîrah
dit des bêtises. Ce qu'il a dit, il l'a sorti de lui-même.
Par Allah nous ne sommes pas venus ici pour porter témoignage, et
il n'est nullement dans notre intention de te critiquer ni d'objecter à
ce que tu dis. Nous voulions seulement ouvrir la voie à une bonne
volonté mutuelle et à la réconciliation. Tel était
le seul but de notre venue ici. Nous te prions d'y penser". `Ali exprima
sa satisfaction et Zayd Ibn Thâbit repartit.»
Nous avons vu plus haut comment `Ali avait protesté contre l'attitude
de `Othmân. En fait, les excès de `Othmân commencèrent
à inquiéter l'ensemble des Compagnons du Prophète.
Déjà ils étaient écoeurés par toutes
les souffrances qu'il avait causées à Abû Tharr. Le
calvaire de celui-ci avait suscité un grand malaise chez les Musulmans
de toutes classes, et les gens se mirent à critiquer `Othmân
individuellement et collectivement.
C'est dans ce contexte qu'al-Zubayr Ibn al-`Awwâm, l'un des Compagnons
du Prophète était allé voir `Othmân pour lui
faire une série de reproches sous forme d'interrogation:
-«`Omar n'a-t-il pas pris ta parole de ne pas imposer aux gens
les enfants d'Abî Mu`ît?
-Pourquoi as-tu donc nommé al-Walîd Ibn `Uqbah gouverneur
de Kûfa?
-Pourquoi as-tu nommé Mu`âwiyeh, gouverneur de Syrie?
-Pourquoi as-tu réprimandé les Compagnons du Saint Prophète
alors que tu n'es en aucune manière supérieur à eux?
-Pourquoi as-tu dis que la récitation du Saint Coran faite par
Ibn Mass`ûd était mauvaise, alors qu'il l'avait apprise du
Prophète? Et pourquoi tu l'avais fait battre jusqu'à l'évanouissement?
-Pourquoi as-tu donné un coup de pied à `Ammâr Ibn
Yâcer et pourquoi l'as-tu fait battre tellement qu'il a eu une hernie?
-Pourquoi as-tu exilé Abû Tharr et l'as-tu jeté
dans un désert sans arbres. Le pauvre est mort dans un état
de solitude et de désespoir.
-O `Othmân! Ne savais-tu pas que le Prophète d'Allah le
considérait comme son grand ami et disait qu'il n'y a entre le ciel
et la terre personne qui soit plus sincère qu'Abû Tharr? Ne
savais-tu pas que le Saint Prophète ne supportait pas d'être
séparé de lui et que chaque fois qu'il était loin
de lui, il sortait pour le rechercher?
-Pourquoi as-tu expulsé Mâlik al-Achtar et ses compagnons
de Kûfa, et pourquoi les as-tu séparés de leurs familles?»
Ayant écouté les réponses à toutes ces questions
al-Zubayr Ibn al-`Awwâm conclut: «O `Othmân! Tes agissements
ne sont pas justifiés. Tu n'as pas pensé contre qui tu as
pris de telles sanctions. Les faits que tu leur reproches ne justifient
pas que tu doives soumettre les Compagnons les plus révérés
du Saint Prophète à de telles tortures. Si tu me suis, je
peux souligner pour toi les mesures prises par toi qui contreviennent aux
fondements mêmes de la Foi. J'insiste que tu doives craindre Allah
et ne pas chercher ta satisfaction personnelle aux dépens de l'Etat
islamique dont tu es le chef; autrement, le jour où tu subiras les
conséquences de tes agissements dans ce monde même, ne serait
pas loin. Et cette punition sera en plus de la punition que tu auras dans
l'Autre-Monde».
Après la mort tragique d'Abû Tharr, lorsque les dignitaires
d'Egypte étaient venus à Médine pour réclamer
des réponses à leurs griefs et doléances, ils se dirigèrent
vers le Masjid du Saint Prophète où ils virent un rassemblement
de Muhâjirîn et de Ançârs. Après les échanges
des salutations, les Musulmans rassemblés dans la Mosquée
demandèrent aux Egyptiens: «Pourquoi êtes-vous venus
d'Egypte jusqu'ici?». Ces derniers leur expliquèrent la raison
de leur voyage et dirent que le gouverneur qui avait été
nommé en Egypte était totalement incompétent et mesquin.
Les Egyptiens arrivèrent en tout cas à la porte de `Othmân
et sollicitèrent une audience. `Othmân accepta de les recevoir.
Après avoir présenté leurs respects au Calife, ils
dirent:
«O `Othmân! Nous avons été persécutés
par ton Gouverneur. Ses agissements sont navrants, pénibles et attristants.
O Calife! Allah t'a accordé une richesse abondante. Sois reconnaissant
envers Lui, surveille plus étroitement tes fonctionnaires et aie
pour but la réalisation du bien-être des masses. Nous ne sommes
pas venus nous plaindre uniquement de ton Gouverneur, mais nous pensons
aussi que des démarches prises par toi sont extrêmement graves».
`Othmân dit: «Dites-moi de quoi il s'agit?», Ils dirent:
«Tu as fait revenir al-Hakam Ibn al-`Âç à Médine
bien que le Prophète l'eût expulsé de cette ville vers
Tâ'if pour de bon, et que Abû Bakr et `Omar ne se fussent pas
permis d'annuler sous leur règne respectif une décision prise
par le Messager d'Allah. Tu as déchiré le Saint Coran en
petits morceaux, tu l'as brûlé et tu l'as réduit en
cendres. Tu as donné le contrôle de l'eau de pluie à
tes proches parents alors que cette eau était censée servir
à l'usage des masses, lesquelles s'en sont trouvées privées.
Tu as banni quelques Compagnons du Saint Prophète de Médine.
Tu veux que les gens te suivent sans regarder si ce que tu fais est conforme
à la Loi islamique ou non.
«O `Othmân! Ecoute! Nous te disons ouvertement que nous
te suivrons sincèrement si tu marches sur le droit chemin, mais
si tu persistes dans ce que tu fais maintenant, nous serons obligés
de retirer notre serment d'allégeance, ce qui nous ruinera tous,
toi et nous.
«O `Othmân! Allah connaît la condition de chacun.
Chaque Musulman doit Le craindre. Ecoute! Les relations entre le Gouvernant
et les gouvernés sont très délicates. Le Gouvernant
doit craindre Allah et s'abstenir de tout ce qui est contraire aux Commandements
d'Allah, et les gouvernés ne doivent pas, dans ce cas, lui désobéir.
L'homme aura à rendre compte même de ses petits actes insignifiants
devant Allah. Nous avons dit ce que nous voulions dire. Maintenant, il
t'appartient de faire ce que tu veux».
Après avoir entendu ces doléances et reproches, `Othmân
inclina la tête et resta silencieux pendant un certain temps, puis
il dit: «Pour le moment, je ne veux pas donner des explications à
propos de vos objections, parce qu'elles sont trop nombreuses. Mais je
peux quand même dire, tout simplement, à propos d'al-Hakam
Ibn al-`Âç que le Prophète d'Allah avait été
fâché contre lui à cause de certains de ses agissements
indécents et inconvenables, il l'avait par conséquent expulsé
de la ville. Maintenant étant devenu Calife, je l'ai fait revenir
à cause de nos liens de parenté. Dites-moi si les gens de
Médine ont le moindre grief contre lui, je lui demanderai de s'en
expliquer».
Les historiens rapportent que lorsque les gens dressèrent un
torrent d'objections sur les différents aspects de son gouvernement,
il décida de se pencher sur ces questions et il écrivit des
lettres à tous les gouverneurs de l'Etat islamique leur enjoignant
de demander aux gens de leur province respective de venir à Médine
pour se plaindre directement auprès du Calife des agissements des
gouverneurs. Dès que ces lettres étaient parvenues à
leurs destinataires, des gens affluèrent de toutes les régions
du territoire de l'Etat islamique.
Les premiers arrivants étaient les gens de Kûfa, de Basrah
et d'Egypte. De Kûfa, Mâlik al-Achtar al-Nakhâ`î
arriva à la tête d'une délégation d'une centaine
de personnes. D'Egypte, quatre cents personnes dont Abû `Umar Ibn
Badil, Wahhâb Ibn Waraqa al-Khuzâ`î, Kanânah Ibn
Chîr al-Hammî et Sa`îd Ibn Harmân al-Murâdî
arrivèrent à Médine. De Basrah la délégation
venue à la Capitale de l'Etat islamique comptait deux cent cinquante
personnes dont al-Hakam Ibn Heil.
Après l'arrivée de ces délégations à
Médine, ceux, parmi les Muhâjirîn et les Ançâr,
qui étaient écoeurés par l'attitude de `Othmân
et très affligés par ses agissements, se joignirent à
elles. Et tous les Musulmans ainsi rassemblés décidèrent,
par consentement mutuel, d'agir de concert et d'accepter de suivre `Othmân
s'il tenait compte de leur griefs et objections et qu'il donnait des réponses
satisfaisantes à leurs questions, ou de le destituer et de le faire
remplacer par un Calife compétent et noble, s'il se contentait,
comme d'habitude, de réponses vagues et évasives.
Lorsque l'informateur du Calife lui rapporta la nouvelle de cette résolution
adoptée par le rassemblement de cette masse de Musulmans, il admit
qu'il avait commis une grosse bévue en appelant ces gens à
Médine. Après mûre réflexion sur la question,
il parvint à la conclusion qu'il ne doive pas les recevoir. Cette
décision était une grande erreur. Mais il la prit et se cacha
dans sa maison dont il ferma les portes de l'intérieur.
À l'arrivée des délégués à
la porte du palais de `Othmân, celui-ci engagea le dialogue avec
eux depuis le toit de la maison. Il leur demanda:
-"Laquelle de mes actions vous paraît-elle injuste? Soyez rassurés
que j'accepterai toutes vos demandes et que j'agirai comme vous me le demandez.
Ne vous inquiétez pas, je ne vous laisse en aucun cas chagrinés".
Les délégués s'écrièrent:
-"Tu nous as interdit l'eau de pluie et tu l'as donnée à
tes proches parents".
Le Calife répondit:
-"Ne vous en faites pas. Ecoutez-moi attentivement. Si je vous ai coupé
l'eau, c'est parce que je l'avais réservée pour les chameaux
offerts en charité. Mais si vous tenez à ce que j'en laisse
le libre accès à tout le monde je n'ai pas d'objection".
Les gens dirent:
-"Tu as déchiré d'innombrables copies de Coran et tu les
as brûlées. Ceci est contraire à la Loi islamique".
Le Calife répondit:
-"Comme il y avait plusieurs versions du Coran, j'en ai compilé
une et j'ai détruit les autres».
Les gens objectèrent:
-«Pourquoi ne les as-tu pas enterrées au lieu d'y mettre
le feu?"
Puis ils demandèrent encore:
-"Pourquoi n'as-tu pas accompagné le Saint Prophète dans
la Bataille de Badr et pourquoi n'y as-tu pas participé?"
`Othmân répondit:
-"A cette époque-là, mon épouse était souffrante
et j'ai été occupé à la soigner".
Ils poursuivirent:
-"Et pourquoi n'as-tu pas participé à Bay`at al-Ridhwân
(prestation de serment d'allégeance au Prophète, faite à
Ridhwân)?"
-«J'étais parti à cette époque", répondit-il.
-"Pourquoi as-tu fui le champ de bataille, abandonnant le Prophète
seul, lors de la Bataille d'Ohod?", lui demanda-t-on.
-"J'ai fui, c'est vrai. Mais ce péché a été
pardonné. On ne peut donc plus me le reprocher maintenant.", répondit-il.
Ils dirent:
-"Tu as banni beaucoup de Compagnons du Prophète, lesquels ont
souffert le martyre en exil. Certains d'entre eux étaient très
vénérables et de très haut rang. Tu les as expulsés
de leurs maisons et tu as confié leur sort à des jeunes gens
inexpérimentés, vils, qui s'autorisent l'effusion de sang
et l'appropriation de richesses interdites. O `Othmân! Parmi ces
gens exilés il y avait un Compagnon que le Prophète aimait
beaucoup et à propos duquel il avait dit qu'Allah l'aime et qu'IL
a ordonné à Son Prophète de l'aimer. Tu sais que chaque
fois qu'Abû Tharr s'absentait, le Prophète avait l'habitude
d'aller le chercher. Malgré cela, tu l'as envoyé dans un
désert aride où il est mort de faim et de soif. Quelle explication
peux-tu donner à cette mauvaise action?"
`Othmân répondit:
-"J'ai banni ces personnages de leur ville lorsqu'ils ont commencé
à inciter les gens contre moi. Je craignais qu'ils ne suscitent
dissensions et discordes. Si vous croyez que j'ai commis un péché,
laissez à Allah le soin de me juger. Maintenant, concernant les
autres qui sont encore en exil, je vous dis que vous pouvez envoyer quelqu'un
pour les faire revenir, si vous le désirez. Je n'ai pas d'objections".
Ils dirent:
-«L'injustice que tu as faite à `Ammâr est impardonnable.
Pourquoi l'avais-tu fait battre à tel point qu'il a eu une hernie
et qu'il est encore souffrant?»
Le Calife répondit:
-"Il m'a critiqué et il a mis à nu publiquement mes défauts".
Ils dirent:
-"Pourquoi as-tu fait enrichir tes proches parents avec l'argent du
Trésor Public? Les pauvres meurent de faim alors que tes proches
vivent dans l'opulence."
`Othmân répondit:
-"`Omar Ibn al-Khattâb faisait la même chose. Il avait donné
beaucoup à quelqu'un qui ne vivait pas dans le besoin".
Ils objectèrent:
-"Mais il ne pratiquait pas le népotisme au même degré
que toi. Tu as vidé le Trésor Public pour tes proches, alors
que cet argent revenait à nos familles seulement. Salmân al-Faricî,
al-Miqdâd, `Ammâr, Abû Tharr etc. étaient-ils
des gens si incompétents pour être privés d'allocation?
Tu as dilapidé l'argent des Musulmans et gaspillé leurs richesses".
`Othmân répondit:
-"Si vous le pensez vraiment, calculez les montants dont je suis redevable,
je les paierai petit à petit et je les déposerai dans le
Trésor Public».
Puis le Calife se montra de plus en plus aimable et humble envers les
contestataires rassemblés devant sa maison. Sur le moment ces derniers
désarmés devant son attitude très conciliante et sa
promesse d'accéder à toutes leurs demandes et de faire tout
ce qu'ils désiraient, se dispersèrent. Mais, apparemment
la méfiance resta de mise entre les deux parties. `Othmân
craignait qu'ils ne reviennent pour attaquer son palais. Aussi, convoqua-t-il
`Abdullâh Ibn `Omar pour concertation. Celui-ci lui conseilla de
faire appel à `Ali pour lui demander de calmer les contestataires.
Il était sûr qu'ils suivraient les recommandations de `Ali.
Le Calife appela `Ali par un émissaire spécial. Il lui
expliqua tout et le pria de calmer les contestataires. `Ali promit d'intervenir
et alla voir effectivement les opposants de `Othmân. Il leur dit:
«Il vaut mieux garder le sang-froid». Eux, ils ne lui cachèrent
pas leur colère et lui dirent: «Nous te tenons en haute estime,
mais nous ne pouvons tolérer plus longtemps les outrages et les
excès de `Othmân». Selon A`tham al-Kûfi, `Ali
se montra ferme et persuasif en insistant: «Ne vous inquiétez
pas. Le compromis est mieux que l'affrontement». Puis `Ali se rendit
chez `Othmân en compagnie des chefs des contestataires. Après
une longue discussion et d'âpres échanges, les parties en
présence parvinrent à un compromis, et `Othmân écrivit
le texte de l'accord dont ci-après la version rapportée par
al-A`tham al-Kûfi:
Au Nom d'Allah, Le Clément, Le Miséricordieux.
"Ce document est écrit par `Othmân à l'intention
des gens de Basrah, Kûfa, et d'Egypte qui ont objecté à
mes actions. Je m'engage à me conformer désormais au Livre
d'Allah et à la Sunnah du Prophète, à ne pas ignorer
la volonté du peuple et à éviter de leur chercher
querelle. Je ferai revenir les gens bannis de leur ville et je restituerai
aux gens leurs droits confisqués. Je déposerai `Abdullâh
Ibn Sa`d Ibn Abî Sarah de son poste de gouverneur d'Egypte et je
nommerai à sa place un homme que les Egyptiens aimeraient".
Les Egyptiens dirent: «Nous voulons que Mohammad Ibn Abî
Bakr Ibn Abî Quhâfah soit nommé gouverneur d'Egypte».
`Othmân acquiesça: «Oui, ce sera fait». En bref,
`Ali était le garant de toutes les clauses de l'accord, et les témoignages
d'al-Zubayr Ibn al-`Awwâm, Talhah Ibn `Abdullâh Ibn `Omar,
Zayd Ibn Thâbit, Sohayl Ibn Hanîf et Abû Ayyûb
Ibn Zayd furent enregistrés, et leurs sceaux apposés sur
le document. La dernière phrase du document était: «Ce
document a été rédigé au mois de Thî-qa`dah,
35 H.». Cela étant fait tout le monde partit.
Les historiens affirment que lorsque `Othmân remit aux Egyptiens
le document écrit, ils quittèrent Médine pour l'Egypte
très contents et satisfaits. Ils étaient accompagnés
de Mohammad Ibn Abî Bakr (le fils du 1e Calife). Alors qu'ils poursuivaient
leur voyage de retour étape par étape, et après avoir
traversé trois étapes ou couvert une distance de trois nuits,
selon Ibn Qutaybah et d'al-A`tham al-Kûfî, ils aperçurent
un homme monté sur un chameau qui courait rapidement en direction
de l'Egypte. Mohammad Ibn Abî Bakr lui ordonna de s'arrêter.
Ibn Abî Bakr lui demanda: «D'où viens-tu et où
vas-tu?». Le voyageur pressé dit: «Je viens de Médine
et je vais en Egypte». On lui demanda pourquoi il allait en Egypte?
Il répondit que c'était pour une affaire personnelle. On
commença à se douter de quelque chose. On lui demanda s'il
était porteur d'une lettre, mais il nia. Mohammad Ibn Abî
Bakr ordonna qu'on le fouille, mais la fouille ne donna rien. Il ordonna
alors qu'on cherchât dans son outre. Lorsqu'on la vida, on y trouva
une lettre. On l'ouvrit et on découvrit que c'était une lettre
écrite par `Othmân et sur laquelle était apposé
le sceau du Calife, et qu'elle était adressée au Gouverneur
d'Egypte, `Abdullâh Ibn Sa`d Ibn Abî Sarah:
«Au Nom d'Allah, Le Clément, Le Miséricordieux.
Je, le serviteur d'Allah, `Othmân t'ordonne (à toi, `Abdullâh
Ibn Sarah) que dès que `Othmân Ibn Badil al-Khuzâ`î
arrive chez toi, tu doive le décapiter, et couper les membres de
`Alqamah Ibn Adîs, de Kanânah Ibn Bachîr et d'al-`Uraycî,
de sorte qu'ils meurent en se tortillant et en roulant dans leur sang.
Puis tu dois suspendre leurs corps sur des arbres dans un carrefour. Ignore
les ordres écrits par moi que Mohammad Ibn Abî Bakr te remettra,
et si possible tue-le sous un prétexte quelconque. Reste dans ton
poste avec confiance. Ne crains rien et règne sur l'Egypte».
Mohammad Ibn Abî Bakr et les autres dignitaires d'Egypte furent
sidérés par le contenu de cette lettre, et dirent: «Quel
accord sérieux nous avons conclu! Quel serment sincère et
quelle parole honnêtes! Que se serait-il passé si nous étions
arrivés en Egypte après l'arrivée de cet esclave?».
En bref, ils remercièrent Allah pour avoir échappé
au danger. Aussi, retournèrent-ils à Médine précipitamment.
Là, ils rassemblèrent tous les Compagnons du Prophète
et lirent à haute voix devant eux la lettre traîtresse de
`Othmân Ibn `Affân.
Après avoir appris le contenu de cette lettre et découvert
la vérité sur cette affaire, aucun Médinois n'avait
plus de sympathie pour le Calife. Une révolte générale
éclata et les gens se mirent à fustiger `Othmân ouvertement.
Les gens devinrent survoltés et tout le monde se sentit dégoûté
du gouvernement de `Othmân. Selon al-Fakhrî, ceux qui avaient
entendu et gardé en mémoire l'appel de `A'ichah: "Tuez ce
Juif de `Othmân" et (selon al-A`tham al-Kûfî) ceux qui
avaient été extrêmement affligés par la torture
de leurs aînés s'apprêtèrent au combat.
Ainsi, les Banî Salîm étaient enragés par
le traitement horrible qu'avait subi Ibn Mas`ûd, les Banî Makhzûm
étaient survoltés par le sort tragique réservé
à `Ammâr Ibn Yâcer, et les Banî Ghifâr étaient
rendus furieux par tous les tourments qu'avait subis Abû Tharr al-Ghifârî
avant sa mort dramatique. En d'autres termes, ces tribus se révoltèrent
à cause du comportement de `Othmân vis-à-vis de leurs
chefs et elles étaient tellement exaspérées qu'elles
ne songeaient qu'à une chose: tuer `Othmân.
Dans ces circonstances, toutes les tribus, ainsi que les Egyptiens se
résolurent à voir `Ali tout d'abord, car il avait été
leur garant et avait signé le document de l'accord avec `Othmân,
à ce titre. Ils se rendirent donc chez `Ali et lui présentèrent
la lettre interceptée du Calife. En lisant la lettre, `Ali fut extrêmement
choqué. Il dit tout simplement: «Je suis très surpris!
Qu'a fait `Othmân?». Puis il se dirigea vers `Othmân
et déposa la lettre devant lui: «Lis-la». Alors que
`Othmân lisait la lettre, `Ali lui dit: «Je suis incapable
de savoir ce qu'il faut faire avec toi. Tu as tout gâché.
J'avais amené ces gens à la raison sur tes ordres. Et te
voilà qui fais ce qui est indigne d'un Musulman. Tu ne peux pas
imaginer les efforts que j'ai dû déployer pour amadouer l'hostilité
de ces gens envers toi. Tu sais qu'ils avaient entamé leur voyage
de retour chez eux, pleinement satisfaits et très heureux, parce
qu'ils avaient confiance en moi. O `Othmân! J'ai cru que l'affaire
avait été réglée une fois pour toutes. J'ai
cru que l'inimitié avait disparu pour jamais et que les Musulmans
avaient enfin mis un terme à cette dispute. Mais hélas! Tu
viens de rallumer un feu à peine éteint. O `Othmân!
Qu'est-ce que cette lettre? Qui en est l'auteur? Quelle conduite?! Que
pensera le monde de cet acte indigne?! Que dira-t-on de cette fraude et
de ce mauvais dessein?!».
`Othmân répondit: «O Abul-Hassan! Par Allah, je n'ai
pas écrit cette lettre, ni n'ai donné à personne l'ordre
de l'écrire, ni n'ai demandé à mon esclave d'aller
en Egypte. J'ignore tout de cette affaire». `Ali demanda: «Ce
chameau est bien le tien, n'est-ce pas?». «Si» répondit
`Othmân. «Ce sceau au bas de la lettre est bien le tien, n'est-ce
pas?» demanda encore `Ali. «Si» répondit `Othmân.
Puis `Ali dit: «L'écriture ressemble à celle de ton
scribe, le sceau est le tien, l'esclave est le tien, le chameau est le
tien! Et pourtant tu dis que tu n'en sais rien!». Le Calife répondit:
«Il est possible que la lettre ait été écrite
et expédiée sans que je n'en sois informé».
Après cette conversation, `Ali repartit.
Finalement, `Othmân essaya d'expliquer, à la Mosquée
centrale, cette affaire et tenta de montrer qu'il n'y était pour
rien. Les gens lui dirent: «Bon. Supposons que tu n'aies pas écrit
cette lettre, mais il est établi qu'elle a été écrite
avec la main de ton scribe, Marwân. Le sceau est le tien, le chameau
est ton chameau, l'esclave est ton esclave. Nous te demandons donc de retourner
à ton palais et de nous livrer Marwân». Le Calife répondit:
«Non, jamais».
Sur ce, des troubles éclatèrent. Et selon al-A`tham al-Kûfî,
des combats s'engagèrent qui transformèrent le masjid en
arène, et dans la mêlée, `Othmân perdit conscience,
et fut transporté à sa maison.
La situation ayant abouti à cette impasse et à ce point
de non-retour, ceux qui avaient été désignés
par la lettre de `Othmân pour être tués en Egypte décidèrent
d'exécuter l'ordre de Om al-Mu'minîn, `A'ichah, la fille d'Abû
Bakr qui avait lancé à plusieurs reprises: «Tuez le
Juif, `Othmân! Il est devenu apostat.». Ils encerclèrent,
dans ce but, la maison du Calife. Selon al-Fakhrî, dès que
la maison de `Othmân fut assiégée par les rebelles,
`A'ichah quitta Médine pour la Mecque, et, sous le commandement
de son frère, Mohammad Ibn Abî Bakr, `Othmân fut tué
par les révoltés.
Selon "Ta'rîkh Abul-Fidâ", `Othmân fut tué
le 18 Thilhajjah 35 H. Son Califat dura environs 13 ans. Son corps resta
pendant trois jours non enterré, car ses ennemis empêchaient
son enterrement. Selon Ibn Jarîr al-Tabarî, le corps de `Othmân
restait pendant deux jours sans que personne ne puisse l'ensevelir. L'historien
al-A`tham al-Kûfî écrit que le cadavre de `Othmân
ne put être inhumé durant trois jours et resta sans garde
jusqu'à ce que les chiens en eussent emporté une jambe. Après
quoi, Hubayr Ibn Mut`im, Taujîn Ibn Mut`im et Hakîm Ibn Hithâm
allèrent chez `Ali et lui dirent: «Arrange-toi s'il te plaît
pour que le corps soit enterré d'une faon ou d'une autre».
Aussi, `Ali obtint-il des révoltés qu'ils laissent enterrer
le corps de `Othmân. Mais les gens refusèrent, toutefois,
qu'il fût enseveli dans le cimetière des Musulmans. Finalement,
il fut enterré à Hach Kawkab le cimetière des Juifs.
Puis le même historien écrit que cet événement
eut lieu le 17 Thilhajjah, 35 H., le vendredi après la prière
de `Açr. `Othmân était alors âgé de 82
ans. Lorsque les nouvelles de son assassinat parvinrent à `Â'ichah,
à la Mecque, et qu'elle apprit, de plus, que `Othmân était
tué par des Compagnons du Saint Prophète, elle fut transportée
de joie et dit: « Allah lui a donné la rétribution
de ses actes. Je remercie Allah Qui l'a puni d'une façon appropriée»(134).
En bref, `Othmân fut tué trois ans à peine après
la mort affligeante d'Abû Tharr. Or, on ne peut s'empêcher
de penser à Abû Tharr, lorsqu'on médite sur l'assassinat
non moins tragique de `Othmân, car le 3e Calife mourut des conséquences
des actes dont Abû Tharr lui avait demandé, à bon escient,
de s'abstenir. S'il avait écouté Abû Tharr, n'aurait-il
pas évité à ce dernier l'épreuve terrible qu'il
avait subie, et à lui-même la fin horrible qu'il eut.
1. Voir: "Çahîh al-Bukhârî",
Chapitre: Islam et Abû Tharr, p. 47, édition égyptienne,
1312 de l'Hégire.
2. Le Tayammum consiste schématiquement à
essuyer les mains et le front avec de la terre.
3. "Musnad Ahmad Ibn Hanbal".
4. "Çahîh al-Bukhârî".
5. "Fat-h al-Bârî", vol. III, p. 387.
6. Voir: "Madârij al-Nubuwwah", p. 302
7. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 4, p. 10.
8. Musnad Ahmad Ibn Hanbal et "Hayât-ul-Qulûb"
d'al-`Allâmah al-Majlicî.
9. "Mustradrak al-Hâkim", p. 342; "Al-Içâbah"
d'Ibn Hajar al-`Asqalânî", Vol. 2, p. 622; "Fihrast al-Tûcî",
p. 70.
10. "Târikh al-A'immah", p. 251.
11. "Hayât al-Qulûb", Vol. 2 , p. 455;
"Mustatraf", Vol. 1, p. 166; "Rabî` al-Abrâr", chap. 23 manuscrit;
"Manba' al-Çâdiqîn".
12. "Sîrat al-Nabî-Nabî", Vol.
1, p. 112.
13. "Tarîkh Abul-Fidâ", Vol. 1, p. 127.
14. "Hayât al-Qulûb", Vol. 2.
15. Cette bataille fut appelée Thât
al-Ruqa` (la Bataille de morceaux de vêtements), parce que le chemin
était pierreux et accidenté, ce qui causa des déchirures
aux pieds des combattants, les obligeant à les panser avec des morceaux
de vêtements (Zâd al-Ma`âd).
16. Allusion au Verset coranique sur la purification
des Ahl-ul-Bayt, (Sourate al-Ahzâb, 33:33).
17. Verset coranique: Sourate al-Hijr, 15: 98 -
99.
18. Le sel est un élément très
utile qu'Allah a créé. On peut en tirer d'innombrables effets
bénéfiques. Selon la Tradition islamique, l'homme peut éviter
beaucoup de maladie s'il goûte le sel régulièrement
avant et après chaque repas.
19. Sourate al-Baqarah (La Vache), 2:255-257.
20. "Arjah al-Matâlib", p. 606, rapporté
par al-Hâkim.
21. "Arjah al-Matâlib", p. 609, rapporté
par al-Daylamî.
22. Sourate Hûd, 11:17.
23. Rapporteurs des Traditions (Hadith) du Prophète.
24. Voir: "Izâlat al-Khifâ", Vol. 1,
p. 514 et "Rawdhat al-Çafâ", Vol.2, p. 215.
25. Pour des raisons tribales, claniques et politiques
dont on parlera plus loin.
26. "Ummahât al-Ummah", p.92.
27. "Sirr-ul-`Âlamîn, Charh Muslim Novi",
Vol. 2.
28. "Madârij al-Nubuwwah", Vol., et "Ta'rîkh
Baghdâd", Vol. 11.
29. Voir "Mawaddat al-Qurabâ", p. 49, imprimé
à Bombay en l'an1310 H.
30. "Kanz al-`Ummâl", Vol. 3, p. 140; "Arjah
al-Matâlib", p. 670; "Fat-h al-Bârî", Vol. 6, p. 4.
31. Voir "Rawdhat al-Ahbâb".
32. "Ta'rîkh al-Tabarî", "Ta'rîkh
al-Imâmah wa-l-Siyâsah", "Mir'ât al-`Uqûl".
33. "Ma`ârij al-Nubuwwah", Rukn 4, Chap. 3,
p. 42).
34. Les Compagnons du Prophète, présents
à Saqîfah appartenaient à deux groupes principaux:
Les Muhâjirîn (les Emigrants mecquois) et les Ançâr
(les Partisans médinois). Les Ançâr voulaient que le
successeur du Prophète soit l'un d'entre eux, et les Emigrants demandaient
la même chose, chacun des deux groupes avançant ses propres
arguments pour affirmer son droit au Califat. Les Emigrants invoquèrent
leur lien de sang avec le Prophète (l'appartenance à la tribu
de Quraych) pour imposer leur point de vue. Or, l'Imam `Ali était
beaucoup plus proche du Prophète qu'Abû Bakr, car il était
son cousin germain, et tous les deux (le Prophète et `Ali) faisaient
partie de la même branche ou du même clan (les Hâchimites).
35. Parce qu'elle avait estimé sans doute
qu'ils étaient indignes d'assister à ses funérailles,
après tous les mauvais traitements qu'ils lui avaient réservés,
ainsi qu'à son mari.
36. "Nâsîkh al-Tawârîkh",
Vol. 2, p. 803.
37. Voir "Izâlat al-Khifâ'" de Châh
Waliyyollâh Dehlavî, Vol. 1, p. 282).
38. Voir "Bahth Hawl al-Wilâyah"de Mohammad
Baqer al-Sadr, publié en français sous le titre "Le Chiisme,
Prolongement naturel de la Ligne du Prophète". Ed. Bibliothèque
Ahl-ul-Bayt, Paris, 1983, traduit par Abbas Ahmad al-Bostani.
39. `Othmân et `Abdul-Rahmân étaient
du même clan.
40. Les discussions sur l'élection de `Othmân
sont aussi rapportées dans "al-Iqd al-Farîd", Vol. p.75, imprimé
en Egypte et dans "Charh Maqâçid al-Taftazânî",
p. 296.
41. "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî",
pp. 128 - 130.
42. "Hayât al-Qulûb"d'al-`Allâmah
al-Majlicî, Vol. "et "Abû Tharr al-Ghifârî"d'al-`Allâmah
al-Subaytî. 4. Celui qui récite à haute voix l'appel
à la prière.
43. "Hayât al-Qulûb"d'al-`Allâmah
al-Majlicî, Vol. "et "Abû Tharr al-Ghifârî"d'al-`Allâmah
al-Subaytî.
44. - '
45. "Traditionnistes": ceux qui rapportent les traditions
du Prophète.
46. Voir "Al-Ichtirâkî al-Zâhid",
Ta'rîkh al-Balâtharî", et "al-Ghadîr", Vol. 8,
p. 293.
47. "Al-Balâtharî", Vol. 5, p. 56.
48. "Çahîh al-Bukhârî",
Kitâb al-Zakât.
49. "Çahîh Muslim", "Sunan al-Nisâ'î",
"Sunan al-Bayhaqî".
50. "Abû Tharr al-Ghifârî" de
`Abdul-Hamîd al-Miçrî, p. 133.
51. Voir: "Musnad Ibn Hanbal"; "Masânid Abû
Tharr".
52. "Tabaqât Ibn Sa`d", p. 176.
53. "Ta'rîkh al-Balâharî", Vol.
5, p. 65.
54. Al-`Allâmah al-Sabaytî écrit
qu'Abû Tharr fit des gens de Jabal `Âmil des adeptes dévoués
des Ahl-ul-Bayt par ses prêches et qu'il y posa la fondation de deux
masjids, l'un à Sirfand, situé près de la rive du
fleuve, entre Çûr et Çaydâ, et le second à
Mec, situé à Hawlah. ("Abû Tharr al-Ghifârî"d'al-Sabaytî,
p. 139).
55. "Ta'rîkh al-Ya`qûbî", Vol.,
p. 148 et "Al-Ghadîr", Vol. 8, p. 299.
56. Au Paradis.
57. "Ta'rîkh al-Khatîb al-Baghdâdî",
Vols. 2 et 5; "Musnad Ahmad Ibn Hanbal", Vol. 1.
58. "Hayât al-Qulûb", Vol. 2, p. 1043;
"Al-Ghadîr", Vol. , p. 299, cité par "Ta'rîkh al-Ya`qûbî".
59. "Tabaqât" d'Ibn Sa`d al-Wâqidî,
mort en 230 H., Vol. 4, p. 168.
60. "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî"
et "Majâlis al-Mu'minîn".
61. "Majâlis al-Mu'minîn", p. 94.
62. "Ta'rîkh al-Tabarî", Vol. 4, p.
534 et "Al-`Aqd al-Farîd", Vol. 2, p. 272.
63. "Murûj al-Thahab" d'al-Mas`ûdî,
Vol. 1, p. 438 ; "Ta'rîkh al-Ya`qûbî", Vol. 2, p. 148.
64. Id.Ibid.
65. Ceux qui (tel Abû Sufiyân) avaient
combattu l'Islam jusqu'au dernier moment et qui devaient en principe passer
par les armes, mais que le Saint Prophète fit bénéficier
d'une amnistie générale, pour qu'il puissent vivre en paix
au sein de l'Islam. C'est pourquoi on les appela les Amnistiés (Tulaqâ').
On les désigna aussi par le terme "al-Mu'allafah qulûbuhum"
(les coeurs à rallier), car, le Prophète sachant que ces
gens avaient accepté l'Islam, contraints et forcés,après
la Conquête de la Mecque, et que dans leurs coeurs, ils restaient
obscurantiste (pré-islamiques, jâhilites) et hostiles à
la Religion, leur donnait des allocations dans l'espoir de rallier leur
coeur à l'Islam, ou tout au moins, de les neutraliser et de modérer
leur haine enfouie de la nouvelle Foi (l'Islam).
66. "Tâj al-`Urûs", Vol. 4, p. 220;
"Tâbaqât Ibn Sa`d", Vol. 8, p.31;
"Musnad Ahmad", Vol. 3, p. 126;
"Mustadrak al-Hâkim", Vol. 4, p. 47;
"Sunan al-Kubrâ d'al-Bayhaqî", Vol. 4, p. 53;
"Al-Nihâyah"d'Ibn Kathîr, Vol. 3, p. 286 imprimé
en Egypte;
"Lisân al-`Arab", Vol. 11, p. 889;
"Al-Içâbah", Vol.4, p. 489.
67. "Al-Ma`ârif"d'Ibn Qutaybah, p. 84;
"Ta'rîkh Abul-Fidâ", Vol. 1, p. 168;
"Sunan al-Kubrâ"d'al-Bayhaqî, Vol. 6, p. 301;
"Al-`Aqd al-Farîd", Vol. ", p. 261.
68. Ta'rîkh Ibn Kathîr, Vol. 7, p.125.
69. Ta'rîkh al-Tabarî, Vol 5, p.50.
70. "Ansâb al-Achrâf" de Balâtharî,
Vol. 5, p. 52 et "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 3, p. 44, imprimé
à Londres.
71. " -" "î -î" "î -'"'--î
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72. 300 000 dirhams.
73. Voir "Ta'rîkh al-Ya`qûbî",
Vol. 2, p. 41.
74. "Al-Ma`ârif", p. 84; "Al-Iqd al-Farîd",
Vol ", p. 261; "Charh Ibn Abî al-Hadîd", Vol. 1, p. 67; "Mahâdharât
Râghib al-Içfahânî", Vol. 2, p.212.
75. "Al-Sîrah al-Halabiyyah", Vol. 2.
76. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 1, p. 185; "Usud
al-Ghâbah", Vol. 3, p. 301.
77. "Ansâb al-Achrâf"d'al-Balâtharî,
Vol. 5, p. 30; "Al--`Iqd al-Farîd", Vol. 2, p. 272.
78. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 1, p. 186.
79. "Al-Ghadîr" d'al-`Allâmah al-Amînî,
Vol. 1, p. 274.
80. "Al-`Eqd al-Farîd", Vol. 2, p. 261; "Al-Ma`ârif
d'Ibn Qutaybah", p. 84. Selon la version d'Ibn Abî-l Hadîd
("Charh Nahj al-Balâghah", Vol. 1, p. 66) la somme offerte est de
400.000 dirhams et non 300.000.
81. "Ta'rîkh Ibn Wâdhih al-Ya`qûbî",
Vol. 2, p. 45.
82. "Charh Nahj al- Balâghah" d'Ibn Abî
Hadîd, Vol. 1, p. 67.
83. Voir: "Sunan Abû Dâwûd", et
"Mustadrak al-Hâkim".
84. "î -" '"- -" " "
85. "î -î" - " -î"
86. "Sahîh al-Bukhârî, Kitâb
al-Jihâd, "Bâb Barakat al-Ghifârî Fî Mâlihi",
Vol. 5, pp. 17 et 21. Voir aussi, "Chatharât al-Thahab", Vol. 1,
p. 43; "Ta'rîkh Ibn Kathîr", Vol. 7, p. 249, et "Ta'rîkh
al-Khamîs", Vol. 2, p. 311.
87. "Tabaqât Ibn Sa`d al-Wâqidî",
Vol. 3, p. 77, imprimé à Londres.
88. "Murûj al-Thahab", p. 434.
89. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 3, p. 158; "Ansâb
al-Achrâf"d'al-Balâtharî, Vol. 5, p. 7; "Murûj
al-Thahab", Vol. 1, p. 434; "Al-Iqd al-Farîd", Vol. 2, p. 279 "Al-Riyâdh
al-Nadherah", Vol. 2, p. 258; "Duwal-ul-Islam"d'al-Thahabî, Vol.1,
p. 18 et "Al-Khulâçah"d'al-Khazrajî, p. 152.
90. "Tabaqât ibn Sa`d", Vol. 3, p. 96; "Murûj
al-Thahab", Vol. 1. p. 434; "Ta'rîkh al-Ya`qûbî", Vol.
2, p. 149; "Al-Çafwah"d'Ibn al-Jawzî", vol.1, p. 138; "Al-Riyâdh
al-Nadherah", Vol. 2, p. 291; "Al-Issti`âb"de `Abdul-Barr Makkî,
Vol. 2, p. 404; "Al-Tuhfah al-Ithnâ `Achariyyah"d'al-Muhaddith Dehlavi.
91. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol.3, p. 105; "Murûj
al-Thahab", Vol. 1, p. 434.
92. "Murûj al-Thahab", Vol. 1, p. 432.
93. "Murûj al-Thahab" d'al-Mas`ûdî.
94. "Tabaqât ibn Sa`d", Vol. 3, p. 40; "Al-Ansâb"d'al-Balâtharî,
Vol. 3, p. 4; "Al-Istî`âb", Vol. 4, p. 476.
95. "Al-Ansâb" d'al-Balâtharî,
Vol 3, p. 4.
96. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 3, p. 53; "Al-Mas`ûdî",
Vol. 1, p. 433.
97. "Tamaddune Islam", Vol. 1, p. 22, imprimé
en Egypte.
98. "Duwal-ul-Islâm" d'al-Thahabî, Vol.
1, p. 12.
99. "Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 3, p.53.
100. "`Alâ'im al-Nubuwwah" d'al-Mâwardî,
p. 146, imprimé en Egypte.
101. "Al-Milal wal-Nihal", Vol. 1, p. 25, imprimé
à Bombey.
102. Al-Bayhaqî.
103. "Sunan Abî Dawûd", Vol. 1, p.
25; "Musnad Ahmad Ibn Hanbal", Vol. 2, p. 29; "Sunan al-Bayhaqî",
Vol. 6, p. 346.
104. "Sunan al-Bayhaqî", Vol. 6, p. 348.
105. "Islam Ka Ma`âchi Nizam", édition
en Urdu, p.154.
106. "Nâsikh al-Tawârîkh", Vol.
2, p.11.
107. "Ta'rîkh `Abul-Fidâ", Vol. 2,
p. 100, imprimé à Amritsar, en 1902.
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110. Peut-être était-il encore dans
la mosquée, parce qu'il vivait seul à cette époque,
`Othmân l'ayant forcé de retourner en Syrie tout seul, y laissant
sa famille derrière lui.
111. "Abû Tharr al-Ghifârî",
p. 126; "Hayât al-Qulûb", Vol. 2, p. 1039.
112. "Murûj al-Thahab"d'al-Mas`ûdî,
Vol. 1, p. 438;
"Ta'rîkh al-Ya`qûbî", Vol. 2, p. 148;
"Tabaqât Ibn Sa`d", Vol. 4, p. 168;
"Hayât al-Qulûb", Vol. 2, p. 1033;
"Majâlis al-Mu'minîn", p. 94;
"Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî", p. 131;
"Kitâb al-Sufiyâniyyah"d'Abû `Othmân al-Jâhidh.
113. "Ta'rîkh al-Tabarî", Vol. 4, p.
527.
114. "Al-Saqîfah"d'Ahmad Ibn `Abdul `Azîz
al-Jawharî; "Murûj al-Thahab",vol.1,p.438;"Charh Ibn Abil-Hadîd".
115. Selon al-`Allâmah al-Subaytî,
les Compagnons du Prophète montrèrent leur indignation devant
la déportation d'Abû Tharr à Rabdhah. D'après
"Mustadrak al-Hâkim", lorsque Darda entendit la nouvelle de ce bannissement,
il s'écria: «Innâ lillâhi wa Innâ ilayhi
Râji`ûn"(Nous sommes à Allah et nous retournerons à
Lui) et le répéta à plusieurs reprises. Lorsque `Abdullâh
Ibn Mas`ûd apprit la nouvelle, à Kûfa, il fut bouleversé
et s'adressant à un rassemblement dans le masjid de cette ville,
il s'écria: «O gens! Avez-vous entendu ce verset coranique:
"C'est vous-mêmes qui tuez les vôtres, et expulsez de leurs
maisons une partie d'entre vous..."(Sourate al-Baqarah, 2:85), exprimant
de cette façon son opposition à la décision de `Othmân.
Al-Walîd, le Gouverneur de Kûfa rapporta les propos d'Ibn Mas`ûd
au Calife `Othmân. Celui-ci lui écrivit un message lui ordonnant
d'envoyer Ibn Mas`ûd à sa Cour à Medine. Lorsque `Abdullâh
Ibn Mas`ûd arriva à cette ville, `Othmân était
en train de faire un discours. En le voyant, `Othmân ordonna à
son esclave, Aswad de le battre. Il saisit Ibn Mas`ûd, le traîna
hors du masjid, le jeta à terre, lui flanqua une rossée de
coups, l'assigna à résidence et lui coupa sa pension pour
la vie» ("Abû Tharr al-Ghifârî", p. 146; "Musnad
Ahmad Ibn Hanbal", Vol. 5, p. 197).
116. Abû Tharr savait que l'amour des Ahl-ul-Bayt
est un fondement de l'Islam. Selon al-Jazâ'irî, l'Imam Ja`far
al-Çâdiq a rapporté les propos suivants du Saint Prophète:
«Toute chose a sa fondation, et celle de l'Islam est notre amour,
nous les Ahl-ul-Bayt». ("Anwâr No`mâniyyah").
117. "Ta'rîkh A`tham Kûfî", p.
131, imprimé à Delhi.
118. Voir:
"Charh Ibn Abil-Hadîd", Vol. 1, p. 241;
"Murûj al-Thahab"d'al-Mas`ûdî, Vol. 1, p. 238;
"Ta'rîkh al-Ya`qûbî", Vol.2, p. 148;
"Mustadrak al-Hâkim", Vol. 3, p. 343;
"Hulyat Abû Na`îm", Vol. 1, p. 162;
"Musnad Ahmad", Vol. 5, p. 156;
"Sunan Abî Dawûd", Vol. 2, p. 282;
"Fat-h al-Bârî", Vol. 3, p. 213;
"`Umdat al-Qâri Charh Çahîh al-Bukhârî",
Vol. 4, p. 291.
119. "Hayât al-Qulûb", Vol. 2, p. 1046.
120. C'est le surnom de Sa`dî Ibn `Ajlân.
Il est plus connu par son surnom. Bahilah est le nom de sa tribu. Il a
rapporté de nombreuses traditions. Il vécut à Homs
(Syrie) et y mourut à l'âge de 91 ans. D'aucuns affirment
qu'il était le dernier Compagnon du Saint Prophète à
mourir en Syrie. Mais en réalité le dernier Compagnon mort
en Syrie était `Abdullâh Ibn Bachâr (Voir "Izâlat
al-Khifâ", Vol. 1, p. 285).
121. C'était un Compagnon respectable. Le
vrai nom de son père, Yamân, était `Asal ou Umail,
tombé en martyr lors de la Bataille de Ohod. Le Saint Prophète
avait divulgué les noms des hypocrites à Huthayfah en lui
demandant de garder le secret pour lui. `Omar Ibn al-Khattâb lui
demanda à plusieurs reprises de lui confier ces noms. Huthayfah
était aussi le gouverneur de Madâ'in sous le Califat de `Omar.
(Voir "Izâlat al-Khifâ", Vol. 1, p. 282). Selon al-Tabarci,
les Hypocrites avait préparé un plan pour tuer le Prophète
d'Allah dans la vallée de `Uqbah, mais leur plan fut mis en échec
par `Ammâr Ibn Yâcer etc. Après l'échec de cette
tentative d'attentat, le Saint Prophète divulgua à Huthayfah
les noms des Hypocrites dissimulés parmi les Musulmans.
Selon le dire d'Abû Tharr, dans la liste des Hypocrites, divulguée
à Huthayfah, figuraient les noms des `Achrah Mubach-chirah (= les
Dix Compagnons bénis du Prophète, qui sont devenus célèbres
par ce titre après le décès du Prophète) Voir
la note en marge de "Ihtijâj al-Tabarî", p. 29.
La tentative d'attentat de `Oqbah eut lieu lors du retour des Musulmans
de la Bataille de Tabûk. `Ali ne se trouvait pas alors avec le Saint
Prophète. Huthayfah tenait la corde attachée au nez du chameau
du Prophète et `Ammar Ibn Yâcer conduisait l'animal. Lorsque
celui-ci s'engagea dans un tournant dangereux, quelques hypocrites tentèrent
de tuer le Prophète en effrayant le chameau. Mais le Saint Prophète
fut sauvé grâce à la clairvoyance de `Ammar et de Huthayfah.
Huthayfah élit résidence à Kûfa après
la mort du Saint Prophète. Il mourut quarante jours après
sa prestation de serment d'allégeance à `Ali. Il était
d'ailleurs un sympathisant sincère de celui-ci. ("Majâlis
al-Mu'minîn"de Nûrullâh Chustarî).
122. Peut-être fait-il allusion aux règnes
des Omayyades et des `Abbassides.
123. "Chifâ' al-Çudûr", Chap.
Abû Tharr al-Ghifârî, p.105; "Al-Fuçûl,
de Murtadhâ"`Alam al-Hudâ.
124. "Al-Tabarî", Vol. 5, p. 67.
125. "Hayât al-Qulûb", Vol. 2, p. 1049.
126. "Hayât al-Qulûb", op. cit.
127. "Futûhât Makkiyyah" d'Ibn `Arabî,
Chpt. 269.
128. Beaucoup d'historiens attribuent le récit
de la mort d'Abû Tharr à son épouse, Omm Tharr, et
non à sa fille, ce qui laisse croire que Omm d'Abû Tharr n'avait
pas été morte avant son mari. Mais cette version des faits
semble être erronée et du probablement à une méprise.
En effet al-Majlicî a relaté la mort d'Abû Tharr, à
Rabdhah, selon le récit de sa fille. Al-Tabarî écrit
que la fille d'Abû Tharr fut envoyée à Médine
après la mort de son père. Et aucun historien digne de foi
n'a mentionné l'arrivée de la femme d'Abû Tharr à
Médine.
129. Des Compagnons à qui le Saint Prophète
avait fait cette prédiction.
130. Il est établi par différents
récits qu'Abû Tharr n'éprouva aucune peine face à
la mort, et c'est tout à fait normal dans ce cas, puisque le tourment
de la mort est ressenti seulement par quelqu'un dont l'action et la conduite
sont répréhensibles, ou qui a commis un méfait dans
sa vie, dont le souvenir obstrue le passage de l'âme. Par exemple,
lorsque `Â'ichah souffrait pendant son agonie et respirait difficilement
les gens lui demandèrent: «O Mère des Croyants! Que
se passe-t-il? Pourquoi cette détresse?», et elle répondit:
«La Bataille d'al-Jamal me choque». ("Rawdhat al-Akhiyâr",
citant Rabî` al-Arâr).
131. `Othmân fut tué d'une manière
atroce. L'histoire nous apprend que son corps jonchait dans un tas de fumier
pendant trois jours et que les chiens mangèrent une de ses jambes.
("Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî").
132. "Ta'rîkh al-Kâmil", Vol. 4; "Izâlat
al-Khifâ", Vol. 1; "Ta'rîkh al-Tabarî", Vol.4.
133. "Ta'rîkh al-Tabarî", Vol. 4, p.
527.
134. "Ta'rîkh al-A`tham al-Kûfî";
"Ta'rîkh al-Imâmah Wal Siyâsah", Vol. 1; "Ta'rîkh
al-Fakhrî"; "Ta'rîkh `Abul-Fidâ; "Ta'rîkh al-Tabarî",
etc.
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